Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
L'identité de l'homme est la donnée de base de son nationalisme
(terminologie dérivée du mot nation, concept qui émergea avec la Renaissance
européenne et la révolution française). Le NATIONALISME n'est pas à confondre
avec le PATRIOTISME, (concept lié à la Patrie) qui est la base du nationalisme
mais, sans pour autant être son synonyme.
Mon berger allemand est strictement attaché à ma maison, il y vit et exerce sa souveraineté dans ce territoire bien défini. Son domicile fixe est mon petit jardin, et parfois, ma salle de séjour si madame ne le chasse pas dehors. Bien qu'il soit d'origine allemande, il ne s'intéresse pas à l'unité germanique ou aux bienfaits de Bismarck. Il n'a aucun lien affectif avec madame Merkel, encore moins avec Adolf Hitler. Ce chien est patriote, c'est-à-dire attaché physiquement et sentimentalement à la portion de terre où il vit. Mais il n'est pas nationaliste, car le sort de ses « parents » ne l'intéresse pas. Son passé se limite généralement à des expériences douloureuses liées à des personnes qui l'ont mal traité. Son avenir s'arrête à la limite du prochain repas ou d'une possibilité d'accouplement en période de chaleur. Mon chien est patriote mais il n'est pas nationaliste. Avec l'Homme, l'identité nationale est une autre chose. Elle n'est pas obligatoirement liée au lieu de naissance. Napoléon est né en Corse, Hitler en Autriche et Ouarda El Djazairia à Paris. A la différence avec l'Animal, l'Homme (prière remarquer la majuscule) partage, avec l'ensemble de ses concitoyens les mêmes obligations de la vie commune, les mêmes leçons tirées du passé et les mêmes espoirs projetés ou imaginés pour l'avenir. L'origine géographique de séjour n'est pas un élément décisif. L'immigré algérien en France reste toujours algérien. L'Algérien, le vrai, n'est pas prisonnier de sa « dachra » d'origine mais à l'ensemble du territoire national, et au peuple à travers tout le pays. Et il est attaché à l'histoire de son peuple, victoires et défaites confondues, à sa civilisation qui constitue une partie glorieuse de la civilisation universelle, et à sa révolution qui a changé la face de la région tout entière. C'est ça le sens de l'identité nationale, où la raison s'ajoute au sentiment, et le sentimental se confond avec le rationnel. En surplus, existe-il la prise de conscience aigüe des données géostratégiques du pays, même si elles ne sont qu'une sensation mal définie par le commun des mortels ? LA QUESTION QUI SE POSE, ET DES FOIS AVEC UNE ARRIERE-PENSEE NON AVOUEE Que sommes-nous ? Africains, méditerranéens, berbères, arabes ou simplement une simple agglomération démographique ? La région entre l'Afghanistan et le Maroc était une plaque tournante de l'histoire, et elle est devenue, à différents degrés, un melting-pot des peuples qui y habitent et même des conquérants qui l'ont traversée. Personne n'est capable en général de jurer de ses origines ethniques. Pour l'anecdote, j'ai eu des difficultés à ne pas éclater de rire quand une amie égyptienne insista sur le fait qu'elle est une arrière-petite-fille de Néfertiti. Bien qu'elle était très belle et bien éduquée. Je frôlais l'indiscrétion de lui dire : pourquoi pas une descendante des esclaves qui ont construit les pyramides, ou des soldats nordiques qui ont envahi l'Egypte ou, au mieux, une arrière-petite-fille d'un des commandants qui ont accompagné Amr Ibnel Aass. La question se pose partout Sommes-nous des descendants de Jugurtha ou d'Okba, des petits-fils des adeptes de Saint Augustin ou des combattants de Donatus ? Là, une clarification s'impose. Au septième siècle de notre ère, la région qui s'étend de l'Atlantique jusqu'au delta égyptien, c'est-à-dire la Libye, la Numidie et la Mauritanie Occidentale, était peuplée par ceux que les Romains appelaient alors les « barbares », une terminologie qui s'est transformée avec le temps pour devenir les « Berbères ». Selon le pionnier des historiens algériens, cheikh Abderrahmane El Djilali, la population d'alors comptait entre quatre et six millions. Les Arabes venus de l'Est n'ont pas dépassé en nombre deux ou trois mille. Plus tard, l'invasion dévastatrice de Banou Hilal a injecté la région de quelques centaines de mille. Mais tout cela ne pouvait changer en rien la nature « ethnique » de l'Afrique du Nord. Chadli Bendjedid n'avait pas tort en disant : Nous sommes des Amazighs, arabisés par l'Islam. Cet ainsi que je me trouve dans la même ligne de Brahim Senouci quand il dit : « L'amazighité concerne tous les Algériens. Aucun de nous ne peut se croire indemne d'une ascendance berbère et/ou arabe ». UN ELEMENT DEVAIT RETENIR L'ATTENTION L'Islam a pénétré la Perse dans la même période. Nous avons vite adopté la langue arabe, bien que les Iraniens aient préservé leur langue historique jusqu'à ce jour. Certains linguistes prétendent que les Africains du nord n'avaient pas une langue nationale. Ils utilisaient plusieurs langues et dialectes. Il y avait la Punique, langue carthaginoise d'origine orientale introduite par les Phéniciens. Au cours du règne de Massinissa (238 Av. J.-C. - 148 Av.J.-C.) la langue punique fut d'usage courant dans sa capitale où l'on parlait également, en plus du berbère, les langues grecque et latine. J'éviterai aujourd'hui la polémique autour de Massinissa, roi de la Numidie, considéré comme proromain, qui a sacrifié son frère Syphax, roi des Massaesyles et allié de Carthage. Il a capturé son frère et il l'a envoyé à Rome comme prisonnier pour se marier avec son épouse Sophonisbe. C'est une longue et douloureuse histoire que j'abandonne volontiers aux historiens. L'élément le plus important c'est que tout le monde utilisait le punique comme langue de l'Etat. Le grand philosophe de Souk Ahras, Apulée (En berbère Afulay.123 - 170 ?) a écrit, en ancien latin, son roman « Métamorphoses », connu sous le nom de « L'Âne d'or ». J'accepte difficilement cette analyse linguistique. Il me semble qu'il y avait un lien organique entre les langues utilisées en Afrique du Nord et les racines de la langue arabe de Qoraiche, immortalisée par le texte coranique. Un jour j'avais surpris le commandant en chef de l'aviation algérienne, Aït Messaoudène, en train de parler avec son homologue yéménite, en kabyle. Son interlocuteur, qui était ambassadeur à Alger, répondait avec une langue pas très loin de celle du colonel algérien. UN DETAIL DE TAILLE S'AJOUTE A travers les siècles, un amalgame ridicule est né de la confusion entre « Berbère » et « Berbérophone », ce qui a faussé toute analyse scientifique. On a considéré comme arabe celui qui utilise la langue arabe, même si il est de Batna, de Khenchla, de Mila ou de Ghardaïa. On pense que le berbère est celui qui utilise une des langues berbères de l'Algérie. Certains avaient la tendance d'oublier que des prêcheurs de l'Islam au 7ème siècle s'étaient perdu dans les montagnes, et ont égaré, par le temps, ou abandonné, par la pratique quotidienne, leur langue d'origine. D'autre part, ce n'est un secret pour personne qu'un certain nombre de Siciliens, Corses, Maltais et Sardes ou autres immigrés européens se sont installés chez nous depuis l'invasion du juin 1830, sans oublier les Séfarades expulsés de l'Andalousie au 15ème siècle, et accueillis partout en Algérie. Ces immigrés ou réfugiés ont bénéficié de la nationalité française. Certains, notamment dans les coins perdus, se seraient mariés avec des « indigènes » et peut- être se sont convertis à l'Islam. Leurs enfants avaient des noms locaux. Le temps s'est occupé d'effacer les racines du passé. Bien entendu, tout le monde est devenu algérien à part entière. D'où l'importance de bien étudier notre histoire, et de jeter toute la lumière possible sur les éventuelles zones d'ombre. Nous devons assumer notre histoire tout entière et situer la question linguistique dans sa dimension identitaire convenable. J'approuve entièrement monsieur Senouci quand il nous indique clairement que « la formule de Kateb Yacine sur « le français, butin de guerre «, est contestable, comme le serait une variante du style « le jazz est un butin de guerre de l'esclavage «. Elle serait carrément ridicule si elle était appliquée à l'arabe, comme certains le suggèrent. L'arabe est enraciné en Algérie. Il a été intériorisé, nous dit-il, par la population. Des écoles coraniques où l'on apprenait l'arabe se comptaient par centaines, notamment en Kabylie, avant la colonisation. Ce sont les Berbères qui ont fait vivre cette langue, qui ont contribué à la façonner et à la faire rayonner dans le monde. Cette langue est la leur ! Leurs ancêtres ont assuré sa pérennité durant près de quinze siècles ». Les noms des Berbères Ibn Mouati Zouaoui (Algérie) et Ibn Ajroum (Maroc) ont la place d'honneur dans les académies arabes. « QUI VOUDRAIT DEFAIRE CE QUE SES AÏEUX ONT FAIT ? » Il y a une autre priorité à ne pas perdre de vue, c'est de ne pas abandonner les langues ou dialectes populaires. C'est un patrimoine culturel et historique à sauvegarder soigneusement et à traiter avec la prudence d'un chirurgien ophtalmique. J'approuve monsieur Senouci quand il dit qu'il faudrait étendre l'apprentissage du tamazight à l'ensemble du pays. Mais deux éléments sont à prendre en considération : 1 ? L'apprentissage doit être facultatif, scientifique et sans contrainte psychologique ou intimidation politique. Un effort sincère doit être entrepris dans le domaine de l'amazighité a afin de réaliser une des deux possibilités. Soit un tamazight unifié, amélioré mais sans essayer de remplacer les mots arabes ou d'origine turque par des mots de l'Hexagone, je dis bien de l'Hexagone. Ou bien, avouer courageusement, loin des surenchères et des adjudications, qu'il y a plusieurs tamazighs, utilisés par les différentes régions du pays, qui méritent le même degré d'intérêt et le même souci de sauvegarde. Cela peut ne pas être la bonne approche nationale, mais ça devrait être une piste de travail. C'est pour cela que cette question doit être étudiée par des spécialistes nationaux, pas seulement en linguistique. Je rêve d'une Académie Algérienne à l'instar de l'Académie Française créée par le Cardinal Richelieu, pour soustraire la question linguistique et son corollaire identitaire des truands culturels et de trabendistes d'occasion, qui ont fait de ce fait national un fonds de commerce, ou un moyen du chantage politique. D'ailleurs, l'amazighité ne doit pas dissimuler une arabophobie épidermique, encore moins une francophilie qui cache difficilement son visage néocolonial, dont les ficelles sont tirées par une « boîte » d'outre-mer. Insister sur la transcription du tamazight par des lettres latines n'est pas, à mon avis, une solution logique. Depuis le 7ème siècle, les Berbères ont, à ma connaissance, utilisé l'alphabet arabe. Beaucoup l'utilise jusqu'à nos jours. 2 ? Nous avons participé d'une façon effective et dynamique à la civilisation arabo-islamique. Je ne vois aucune justification valable pour abandonner notre place d'avant-garde dans ce monde de charognards, et courir derrière un mirage lointain qui risque de nous faire perdre notre personnalité, confirmée au cours des siècles, connue et reconnue à travers le monde. Nous devons affronter, une fois pour toute, et avec courage, sérénité et objectivité, l'option linguistique nationale, imposée par le contexte historique, la nécessité civilisationnelle et l'adaptation aux besoins du développement et de la modernité. Personnellement, je suis convaincu que l'arabe doit rester la langue nationale et officielle pour tous les Algériens. S'il s'agit de choisir une autre langue, il faut qu'elle soit approuvée par toute la nation. Pas question, là, d'une décision autoritaire imposée ou d'une résolution parlementaire contestée. Ceci dit, j'ajouterai qu'il y'a pas de place pour une « polygamie » linguistique. Une langue nationale ne peut avoir une coépouse. C'est peut-être un constat difficile à avaler, vu l'hypocrisie qui a pollué notre vie culturelle, mais comme disait Mary Poppins : Quand il faut, il faut. Le premier objectif de la langue doit être la consolidation de l'unité nationale, de nous amener vers un avenir caractérisé par le progrès économique, le bien-être social et l'épanouissement culturel. Grâce à un effort collectif conscient, notre langue sera toujours une langue vivante, comme le français pour les Français, l'anglais pour les Américains, le portugais pour les Brésiliens et l'espagnol pour les Cubains. Si la France est notre exemple à suivre, je rappelle que la révolution française a décrété le français en tant que langue nationale et officielle. Les Français ont compris qu'une langue ancienne, quelle que soit sa valeur historique, n'est pas compatible avec les défis universels et les besoins de progrès, même s'il s'agissait de la langue de leurs ancêtres glorieux, les Gallois. Tout cela doit être étudié et débattu par des connaisseurs de l'histoire et des spécialistes linguistiques. Les amateurs non avertis sont priés de s'écarter. * Docteur en médecine |
|