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Guerre larvée dans la rue

par Abdou BENABBOU

Devant la porte d'un lycée, des propos échangés et happés par pur hasard, entre deux élèves, laissaient entendre qu'une de leur jeune parente, encore adolescente, avait manifesté son intention de braver la mer clandestinement pour aller à l'étranger.

Ce sont là certainement des paroles en l'air. Mais elles sont si significatives de la nature d'un débat juvénile, non isolées et démonstratives du profil d'une génération nouvelle. La sidération ne manque pas souvent de s'infiltrer dans l'esprit à l'écoute de telles palabres sur la société et sur le monde. Elles sont décousues à l'image de la large façade des réseaux sociaux où s'illustrent les profondes traces psychologiques avec lesquelles elle entaille les jeunes cerveaux. Le fossé entre jeune et vieille génération devient incommensurable et les contraint à une difficile cohabitation. La régularité du dialogue de sourds s'installe. La rébellion des uns se mêle à l'incompréhension des autres et la société a de la peine à concilier des repères opposés. Le constat de cette guerre larvée, parfois sourd, parfois audible est perçu dans la rue. On finit peut-être par croire que l'ablation des us et les coutumes du passé n'ont pour définition que celle de l'incivisme.

Le pire est dans la difficulté de communiquer décelée jusqu'à entre parents et leurs progénitures démentant la succession génétique. C'est que le logiciel humain des premiers est totalement différent de celui des autres et leur confrontation trouve en l'éducation familiale contrariée un bon dos pour de faciles accusations.

Les anciens s'y font, obligés de s'adapter avec grande peine et désolation en se référant à un monde en profonde transformation en admettant la règle sacrée du conflit des générations. La matérialité et le virtuel se confondent avec force pour que la réalité devienne évanescente et pour que l'on ne sache plus qui détient la vérité.