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C’est par ce qualificatif que fut sacrée, en 1914, cette autarcie oasienne. Il n’y a pas si longtemps, rien n’obligeait le voyageur de transiter par cette agglomération «coincée» entre les confins du Hodna, les contreforts sud de l’Atlas saharien et les Ziban. Cette contrée, jadis isolée, est traversée par la route nationale 70 qui part de Bensrour sur la RN 46 reliant Bou Saada à Biskra pour aboutir à Batna à près de 120 Kms vers l’est. La route bien asphaltée et remise à neuf, traverse les désolations steppiques mais, point désertes. Le logement rural, clairsemé certes, augure d’un repeuplement agro pastoral perceptible. L’électrification rurale gambade de maisonnette en maisonnette dont certaines ne sont pas encore occupées. Oued Ain Ghezal et oued Zazour sont chacun enjambé par un ouvrage d’art. Ces cours d’eau présahariens, à sec le plus souvent, sont imprévisibles et impétueux sous les orages d’automne. Leur flot peut emporter des pans entiers de route ou occasionner des inondations cataclysmiques. M’Doukal a subi, en 1969, une ondée ravageuse dont le vieux ksar en porte jusqu’à présent les stigmates. Au détour d’un virage qui se faufile entre deux petites collines scrappée par les engins, on découvre, la déclinaison aidant, un éden verdoyant en contre bas. Apparemment alluvionnaire, la vallée cernée par des mamelons rocheux et un cordon dunaire au sud, s’ouvre sur l’immense plaine de Barika. Les cours d’eau, inapparents à la surface sont signalés par du tamaris et des peupliers élancés. Des jardins, sans clôture, courent le long de la route qui slalome entre les champs. Les premiers palmiers-dattiers apparaissent. Parés de film plastique jaune, les généreux régimes se sustentent lourdement. En forçant sur le trait, le palmier est sans doute, le seul arborescent qui rappelle la silhouette d’une femme parée de ses plus beaux atours. Dès le passage, de ce qui semble être un gué, le visiteur est dans la ville. A gauche, c’est la ruelle tortueuse dont le revêtement défraichi mène à la vieille médina. A droite c’est le nouveau tissu urbain. La population au dernier RGPH de 2008, serait de près de 10.000 âmes. Toute agglomérée, elle ne peut être que citadine. Avec plus de 16 siècles d’histoire selon Ibn Khaldoun qui a séjourné dans ses murs, la ville des compagnons ou des amis en Tamazight est l’un des plus vieux groupements humains dans les Aurès. La légende raconte que la grands reine Dihya (Kahena) a séjourné dans ses murs. Son existence remonterait à l’ère romaine qui l’aurait affublée du toponyme évocateur de « Aqua viva » (Eau vive). Cette richesse hydrique est confirmée plus tard par l’édification de « Lahbas », grande retenue maçonnée, alimentée par sept (7) sources vives servant à l’irrigation. Plusieurs ksour auraient constitué la première citadelle, dont certains n’ont pas résisté aux morsures du temps. Le ksar originel fortifié a, cependant, défié les affres du gommage luttant vaillamment contre l’oubli. Ces bâtisses sur plusieurs niveaux qui ont, inexorablement, perdu leur boiserie, apparaissent comme des orbites béantes et sombres au regard fantomatique. Quasiment abandonné par l’habitant après les inondations de 1969, la cité ancestrale a cédé le pas à M’Doukal la neuve. Des personnes et des groupes fédèrent leurs efforts, pour que « le parricide culturel » cesse. Une enveloppe budgétaire aurait été allouée en ce sens, dès 2004; malheureusement, aucune action concrète n’est venue confortée la généreuse intention. Des pans entiers de cet inestimable legs partent en silence. Centrée par la « Sakifa», large esplanade autour de laquelle gravitait une communauté bouillonnante de culture et d’érudition, cette œuvre fait figure d’un puzzle dont les pièces se juxtaposent pour ne jamais s’enchevêtrer. Seul édifice encore en bon état de conservation pour avoir subi des réhabilitations, le minaret du « Masjid El Atiq » (vieille mosquée) s’élance encore dans le ciel d’un bleu transparent pour annoncer encore cet ancien bastion du culte. Quatre zaouias, aujourd’hui disparues, ont illuminé cet espace présaharien. Les quatre accès au site archéologique sont: Bab Sour, Bab Rahba, Bab Nadeer et Bab Hamraya. Au-delà des murs, la palmeraie faisant écrin part dans tous les sens. Le nombre de palmiers avoisinerait les 20.000 unités et l’arboriculture qui compterait les 200.000 pieds, est constituée de figuiers, grenadiers, pommiers, abricotiers et autres oliviers. DES NOMS CELEBRES Les chroniques de l’hagiographie locale cite Ahmed Ibn Salah Zouaoui Essakhaoui parmi les plus illustres érudits du XVè siècle Au XVIII è siècle, Mohamed El-Hadj Ibn Messaoud Ibn El-Mouhoub issu lui aussi de la communauté, fut l’émir de la caravane du Hadj. Sur la place «Sakifa», se rassemblaient, jadis, tous les futurs hadjis de l’Est du pays avant d’entamer leur longue procession. En 1926, Dr Ahmed Aroua, médecin et penseur y voyait le jour. Le monde de l’art et celui des sports, n’exemptaient pas ce joyau oasien dans l’apport national. C’est ainsi que Athmane Ariouèt -rendu mondialement célèbre par son interprétation magistrale du résistant Cheikh Bouamama- Mustapha Kouissi, la coqueluche belcourtoise et Kamel Aouis, l’ancienne star du football kabyle sont tous issus, de ce qui semble être un coin perdu. «On trouve dans la rivière ce que l’on ne trouve pas dans l’océan» (adage proverbial arabe). BASTION DE RESISTANCE De part sa topographie, jadis, enclavée, l’oasis de M’Doukal a constitué pour l’Armée de libération nationale (ALN), une base arrière logistique. La 6è wilaya historique et dont l’un des chefs de bataillon n’est autre que le commandant Amor Sakhri natif des lieux, y évoluait comme un poisson de l’eau. Tahar Laadjal, autre officier de la même wilaya, affirmait dans un colloque organisé en 2010 ceci : « M’Doukal et Bou Saada, ont été les poumons par lesquels « El Djeich » respirait. Greniers alimentaires et matériels, elles participaient activement à l’effort de guerre. Leurs communautés installées à Alger, n’étaient pas en reste. Des éléments issus des deux terroirs, ont réussi à subtiliser une imprimante « Ronéo » très sophistiquée du siège du Gouvernement général d’Algérie en plein guerre avec tous les risques induits ». Cette machine a permis au Commissariat politique d’éditer une revue dénommée « Sadaa El Djibel» (Echo des Djebels). La date du 13 avril 1962 a été pour M’Doukal, une sorte de reconnaissance à postériori de son implication dans la lutte armée. C’est ainsi que le commandement de la wilaya du Sud mené par le colonel Mohamed Chabani, organisait le premier meeting populaire préludant au recouvrement de la souveraineté nationale. LE VILLAGE MODERNE Dès l’année 1975, les contours du nouveau village se dessinent pour donner, actuellement, une coquette cité urbaine. La RN 70 qui transperce le tissu urbain de part en part, s’est transformée en double voie. Le terre -plein central, piqué de candélabres et de plantes ornementales court jusqu’à la sortie- est de l’agglomération. Des maisons individuelles aux dimensions humaines, arborent des couleurs «pastel» allant du rose pâle au tendre pistache. Le bougainvillier, l’hibiscus et autre jasmin enjambent joliment les murets de clôture. Cette symphonie de couleurs renseigne de l’intérêt que porte le «M’Doukali» à l’aspect extérieur de son environnement citadin. Le café central dont la terrasse ombragée offre une reposante halte au voyageur, est un havre de propreté avenante. Une immense glacière fournit de l’eau fraiche au tout venant. Les édifices publics rangés le long des deux principaux boulevards, donnent le « la » à cet aménagement urbain bien pensé. La petite poste d’aspect extérieur typifié, est un modèle à suivre en matière d’hygiène et d’entretien des locaux. Le hall d’accueil balayé par l’air conditionné ajoute un zeste de sérénité à la prestation publique feutrée. Au sortir de la ville, des demeures cossues au nombre de 4 ou 5, font deviner leurs grands jardins annoncés tous, par les crêtes des palmiers –dattiers qui effleurent les clôtures et de rougeoyantes toitures à tuile. Les portiques ouvragés, dénotent de l’aisance matérielle des possédants. Leur grand mérite réside dans le fait que ces demeures particulières, participent, indéniablement, à la bonification du bâti. Les chantiers éternellement ouverts dardant leur rond à béton n’ont, apparemment, pas cours dans la ville de Sidi Messaoud. (Mont au pied duquel s’est érigée l’agglomération). Nous quittons, non sans regret, cet eldorado oasien où l’homme ancien a su, en dépit de la rudesse du climat, créer un microcosme végétal disputé crânement à un terrain des plus inhospitaliers. Oued Naimia, y est, sans nul doute, pour quelque chose. |
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