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Appréhensions et assurances

par Abdelkrim Zerzouri

Les coups bas qu'on tente de porter au projet du gazoduc transsaharien, reliant le Nigeria à la rive nord de la Méditerranée, via le Niger et l'Algérie, n'ont pas encore livré toute leur nature. Alors que les commentaires sont braqués sur la rivalité entre l'Algérie et le Maroc, qui œuvrent chacun de son côté à construire un gazoduc pour le transport du gaz nigérian vers la côte méditerranéenne, avant de servir à l'approvisionnement d'une Europe en mal d'énergie depuis la suspension des livraisons en provenance de la Russie, un expert russe a jeté un pavé dans la mare en soutenant que «le gaz nigérian reste presque l'otage d'un groupe de compagnies pétrolières occidentales qui ne sont pas intéressées par l'injection de ce gaz dans le pipeline».

Le directeur adjoint du Centre d'études africaines au sein de l'École des hautes études en sciences économiques, Vsevolod Sviridov, a affirmé lors d'une récente intervention publique que la réalisation du gazoduc transsaharien menace directement les intérêts des compagnies pétrolières occidentales qui exportent le gaz nigérian sous forme de GNL vers les marchés d'Europe, d'Asie, et qui préfèrent que ce projet ne voit jamais le jour. De là à dire que ces compagnies font tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre les bâtons dans les roues de ce projet afin de le retarder ou compromettre carrément sa réalisation, le pas est allègrement franchi par l'expert.

Reste seulement à savoir comment ces compagnies peuvent-elles agir dans ce sens, et quels moyens peuvent-elles mettre en œuvre pour casser la dynamique de réalisation du projet transsaharien ?

Pour rappel, le ministre de l'Energie et des Mines, Mohamed Arkab, a indiqué en mai dernier que l'Algérie «œuvre d'arrache-pied à renforcer le projet du gazoduc transsaharien reliant le Nigeria à la rive nord de la Méditerranée, via l'Algérie et le Niger, à travers le raccordement au réseau gazier algérien». Le ministre a également soutenu « le projet qui s'étend sur 4.000 kilomètres, d'Abuja aux côtes algériennes, et destiné à l'exportation du gaz nigérian a connu la réalisation d'une grande partie. Il n'en reste que 100 kilomètres au niveau du Nigeria, 1.000 kilomètres au Niger et 700 km en Algérie », assurant que « le projet avance à grands pas et il est réalisable sur les plans technique et financier ».

Des déclarations qui mettent en porte-à-faux cette sortie de l'expert russe ? Absolument. Même si des problèmes peuvent bien surgir en cours de route, ce qui est tout à fait normal pour un mégaprojet de cette taille, le gazoduc transsaharien est parti pour le grand bien du développement socioéconomique du continent, notamment sur les plans de la création d'emplois, l'amélioration de l'approvisionnement en électricité dont souffrent plusieurs pays et le renforcement de la sécurité alimentaire.

Bien évidemment, ces déclarations de l'expert russe méritent toujours une bonne attention, concernant ces compagnies qui œuvreraient à retarder la réalisation du projet ou son scepticisme à l'égard de la durabilité environnementale du gazoduc, mais cela reste au stade des précautions à prendre.

D'autres aspects, évoqués par d'autres observateurs, dont la gravité de la situation sécuritaire au Sahel, alimentée par toutes sortes d'intérêts, méritent également toute l'attention afin d'anticiper des solutions en cas d'une quelconque menace sur le gazoduc.