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Épauler la révolution numérique pour l'inclusion au système financier mondial

par David Malpass*

WASHINGTON, DC ? Dans le monde entier, l'inflation élevée, la croissance économique ralentie et les pénuries alimentaires touchent au plus haut point les populations démunies. En tête des effets inéquitables de la pandémie COVID-19, on retrouve les multiples crises actuelles qui ont déjà causé des reculs importants de développement et entraîné une hausse notoire de la pauvreté mondiale.

L'aspect positif est que la crise de la COVID-19 a aussi entraîné des changements sans précédent, particulièrement dans les secteurs à haute intensité numérique. Cette révolution numérique a accéléré l'augmentation de l'accès et du recours aux services financiers dans les économies en développement, transformant les façons dont les gens effectuent et reçoivent des paiements, empruntent et épargnent.

Ces changements sont flagrants dans la dernière édition de Global Findex, dont les données ont été recueillies dans le cadre d'un sondage effectué auprès de plus 125 000 adultes dans123 économies, couvrant l'utilisation de services financiers au cours de 2021. Le sondage a révélé que 71 % des adultes dans des économies en développement sont maintenant pourvus d'un compte bancaire officiel que ce soit avec une banque, un autre établissement financier sous réglementation comme une caisse d'épargne ou un bailleur de fonds de la microfinance ou un prestataire de services de transfert d'argent par téléphone portable ? par rapport à 42 % lors de la parution de la première édition des bases de données, il y a une décennie. De plus, la différence de la proportion des hommes et des femmes qui détiennent un compte dans les économies en développement a fléchi pour la première fois, passant de neuf points de pourcentage à six.

Cette transformation numérique facilite le versement des salaires par les employeurs aux travailleurs, et ce, à moindres frais et en toute sécurité, ainsi que les virements aux membres de la famille et le paiement pour des biens et des services. Les comptes d'argent mobile sont plus adaptés aux opérations bancaires à gros volume, à petits montants, ce qui aide les utilisateurs à accéder aux services financiers et à épargner pour faire face aux crises. Les comptes personnels offrent également aux femmes plus de confidentialité et de sécurité sur leur épargne pour qu'elles la gèrent de manière autonome.

La part des adultes dans les économies en développement qui envoient ou reçoivent des paiements numériques est passée de 35 % en 2014 à 57 % en 2021. En Afrique subsaharienne, 39 % des détenteurs de comptes d'argent mobile s'en servent désormais pour épargner. Et plus du tiers des habitants de pays à plus faible revenu qui ont payé une facture de service public à partir d'un compte l'ont fait pour la première fois après le début de la pandémie de COVID-19.

Fait plus important encore, la révolution numérique sert également d'instrument efficace de lutte contre la corruption, car elle contribue à rendre plus transparents les flux monétaires entre le budget gouvernemental, les agences publiques et les citoyens. Les programmes sociaux de l'État peuvent maintenant réduire les retards et les fuites en distribuant les transferts directement au téléphone portable de leurs bénéficiaires. Des millions de personnes dans les pays en développement ont ainsi reçu des paiements lors de la pandémie, aidant à atténuer l'effet de la COVID-19 sur les moyens de subsistance.

Il est crucial de construire sur ces tendances encourageantes, surtout devant les vents contraires qui agitent actuellement l'économie mondiale. Il sera vital d'élargir l'accès des gens à la finance, de réduire le coût des transactions numériques et de distribuer le versement des salaires et des transferts sociaux par des comptes bancaires pour atténuer les retards de développement découlant des turbulences prolongées.

L'État et le secteur privé peuvent aider à poursuivre cette transformation dans plusieurs domaines essentiels. Ils doivent en premier lieu créer un cadre opérationnel et politique favorable. Ainsi, la facilitation de l'interopérabilité des systèmes permet des paiements entre différents types d'établissements financiers et les prestataires de services de paiement par téléphone portable. Un meilleur accès au financement dépend beaucoup plus du réseau de téléphone portable que du système bancaire physique. Les téléphones portables bon marché et fonctionnels et l'accès Internet abordable sont des éléments indispensables pour que la finance numérique prenne de l'expansion. Des protections des consommateurs et des réglementations stables sont également nécessaires pour favoriser des pratiques sécuritaires et équitables qui renforcent la confiance dans le système financier.

Il est également essentiel d'établir des systèmes d'identification numériques, car l'absence d'une identité vérifiable est l'une des principales raisons pour lesquelles certains adultes n'ont toujours pas accès à des services financiers. On sait par les expériences des pays comme l'Inde et les Philippines que les programmes d'identification gouvernementaux et les programmes d'inclusion financière peuvent agir en coordination pour doter des populations difficiles à joindre de documents d'identification officiels, mais aussi de comptes bancaires. L'Inde, par exemple, a fait œuvre de pionnier en adoptant un système d'identification biométrique universel en accordant toute l'attention voulue à la sécurité et à la confidentialité.

Une autre priorité serait de promouvoir la numérisation des paiements. Les données de Global Findex de 2021 indiquent que 865 millions de titulaires de comptes dans les économies en développement ont ouvert leur premier compte dans une banque ou un établissement semblable afin de recevoir de l'argent de l'État. Ceci a aidé les ménages directement et a aussi aidé à renforcer l'écosystème de la finance numérique, car ceux qui ont reçu des paiements dans un compte l'utiliseraient probablement pour effectuer des paiements et accéder à d'autres services. Les paiements numériques par l'État ont donc servi de fondement pour monter des registres sociaux crédibles et déceler les lacunes et les chevauchements.

À mesure que les paiements numériques deviennent plus répandus et moins coûteux, la plupart des entreprises privées seront capables de payer leurs salariés et leurs fournisseurs électroniquement ? et elles doivent le faire. La révolution numérique offre une chance d'augmenter l'emploi du secteur officiel sans rendre la conformité trop lourde à porter. Dans un contexte de restrictions budgétaires de l'État, les paiements numériques peuvent aider à élargir la base des recettes fiscales en réduisant l'évitement des impôts et l'évasion fiscale.

Finalement, les responsables politiques devront redoubler d'efforts pour inclure des groupes mal desservis. La disparité entre les sexes pour ce qui est de l'accès financier s'est amenuisée, mais elle existe encore. Les femmes, ainsi que les moins nantis, ont tendance à ne pas détenir une forme d'identification personnelle ou un téléphone portable, à vivre loin d'une succursale bancaire et à avoir besoin d'encadrement pour ouvrir et utiliser un compte bancaire. Les programmes d'éducation financière, particulièrement ceux qui impliquent des formations par des pairs (comme des groupes d'entraide de femmes) sont également essentiels.

La Banque mondiale est fermement décidée à donner plus d'accès au financement aux groupes marginalisés grâce à une démarche de numérisation. Elle continuera d'aider les pays qui veulent améliorer leurs réseaux de téléphonie mobile, refaire les réglementations pour favoriser l'accès au financement, adopter des plateformes d'administration publique électronique et moderniser les systèmes de protection sociale. Pour les millions de personnes qui n'ont toujours pas accès à un compte, il faut multiplier les initiatives et trouver des moyens créatifs de les intégrer au système financier, renforcer la capacité d'adaptation de l'économie et récolter les avantages de l'inclusion.



Traduit de l'anglais par Pierre Castegnier.

*Président du Groupe de la Banque mondiale