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« A quel diable
obéit-on en s'exposant ainsi ? A la Saint Martin. Il faut goûter le vin. Le
diable qui est malin, s'est mis à haïr l'homme. L'homme qui est plus malin
s'est mis à aimer la femme » Françoise Giroud
Une question que se posent de nombreux chercheurs à travers le monde : pourquoi les sociétés arabes et musulmanes n'arrivent-elles pas à construire un Etat de droit fondé sur la séparation des pouvoirs tel que nous l'enseigne « l'esprit des lois » ? Pourquoi les réformes échouent-elles, les unes après les autres, à changer certaines organisations ? Posée autrement, pourquoi l'Algérie n'arrive-t-elle pas à se doter d'un Etat moderne fondé sur des institutions pérennes régies par des règles appliquées à tous et respectées par tous ? Parce que nous disent les observateurs, ce que l'on analyse comme système politique laborieux se cache la réalité d'un système clanique rentier. Elaguer la réalité clanique et rentière de la société dans son ensemble nuit à la compréhension de certaines situations inextricables. Les institutions officielles peuvent présenter toutes les apparences d'un Etat de droit sans pour autant refléter sa nature véritable parce que travesties par des enjeux de pouvoirs claniques. Cela remonte loin dans l'histoire. L'Algérie est tributaire d'un double passé colonial et précoloniale. Ces deux passés coexistent dans le présent préfigurant le futur immédiat. « Ils se mâchent sans s'avaler ». En terre chrétienne, la séparation des pouvoirs est un héritage de la culture gréco-romaine et des croyances religieuses. L'Etat s'est substitué à l'autorité de l'église et a remplacé les préceptes religieux par les lois de la République. L'Administration fait office de médiateur. C'est l'église catholique qui a unifié les féodalités, c'est l'islam qui a unifié les tribus. L'une s'est appuyée sur la trinité, dieu est un en trois, l'autre repose sur l'unicité, dieu est un en un. La première a débouché sur la création d'un Etat nation fondé sur la séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire). La seconde sur la domination d'une tribu ou d'un clan sur un autre c'est-à-dire sur la soumission de tous à la loi du plus fort (c'est le résultat d'un rapport de force). Pour les uns, seul le pouvoir arrête le pouvoir parce qu'il est de nature humaine, il est limité dans le temps. Pour les autres, le pouvoir n'a pas de limites, il est éternel puisqu'il est d'essence divine. La trinité du pouvoir en terre chrétienne est liée à la culture gréco-romaine et à des croyances religieuses. « Tout serait perdu si le même homme ou le même corps exerçait ses trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends de particuliers ». En d'autres termes, on ne peut être juge et partie, ordonnateur et liquidateur, gestionnaire et comptable « décideur » et « exécutant ». Il s'agit d'un pouvoir à trois facettes : législatif, exécutif, judiciaire. Ces trois pouvoirs sont confondus chez le prince qui cumule toutes les fonctions pour se perpétuer et se conserver dans la même lignée généalogique ou clanique. L'unicité du pouvoir en terre d'islam est une résultante d'une trajectoire historique et culturelle spécifique. Avant l'avènement de l'islam, les dirigeants arabes étaient soit des chefs de tribus, soit des chefs de clans jouissant de la même autorité que les rois et une obéissance totale leur était due en temps de guerre comme en temps de paix. Les arabes avaient avec leurs parents ainsi qu'avec leur clan des relations profondes, l'esprit de clan était leur raison de vivre ou de mourir. L'esprit de société qui régnait au sein de la tribu était exacerbé par le tribalisme. Les chefs de tribus s'arrogeaient une part considérable du butin. Les tribus arabes furent constamment jalonnées de troubles et de désordres. Les guerres intestines incessantes firent des peuples arabes et musulmans des proies faciles pour des invasions étrangères. C'est l'islam qui a unifié les tribus arabes et c'est sous sa bannière qu'ils se sont libérés du joug colonial. La législation en islam procède d'une conviction inébranlable, l'unicité d'Allah et la croyance absolue en le message du prophète Ainsi, nous lisons dans le Coran, « cette communauté-ci qui est la vôtre est une communauté unique, je suis Votre seigneur Adorez-moi ». La fraternité humaine n'est pas fondée sur une communauté d'intérêts ou de profits. Elle repose plutôt sur le principe fondamental de l'égalité des hommes devant leur créateur éternel. L'islam implique la soumission à Allah qui est un en un et non trois en un. L'Algérie contemporaine est tributaire d'un double passé précolonial et colonial. Les deux coexistent au présent. « Ils se mâchent sans s'avaler ». L'Etat est moins la résultante d'une contradiction interne (évolution interne de la société locale) que d'une contradiction externe (résultat d'une insurrection armée). C'est le choc sur un même espace géographique de deux civilisations aux antipodes l'une de l'autre. En effet, l'Etat en Algérie n'est pas un Etat au sens moderne du terme car il n'a pas les caractéristiques. Pour la science politique, l'Etat est un système politique lié à un univers culturel et spirituel occidental : la religion catholique et l'histoire du Moyen Age. L'Etat est né de la conjugaison de toutes ces variables qui ont abouti au milieu du XIIIème siècle à la formation d'un Etat embryonnaire centralisé par la confiscation des ressources politico-juridiques dispersées à la périphérie aux mains des seigneurs féodaux, de façon autoritaire. L'Etat va alors défendre cet espace politique par un droit administratif, qui protège ses agents, lesquels sont recrutés sur des critères méritocratiques, formés dans des écoles spécifiques où ils intériorisent les valeurs de l'Etat : l'idéologie de l'intérêt général. Un Etat omniprésent et omnipotent ; il dirige par des lois et des décrets ; il s'impose à la société d'en haut. Il oriente la société avec un Droit dont il est le seul maître. Cette logique centralisatrice s'oppose à la logique clanique et tribale des pays arabes et africains. En imposant donc au cours de la colonisation des institutions dont la logique de fonctionnement était radicalement opposée à celle de la société arabe et africaine, le colonisateur préparait en fait la société postcoloniale à l'échec de la modernisation politique. D'autant plus qu'il manque aux institutions de cette dernière la dimension mythologique, très conscientisée en Occident, qui sert à les faire fonctionner. C'est pourquoi ces institutions ressemblent à des outils rouillés, abandonnés sur le chantier d'une exploitation minière à ciel ouvert, et qui s'avèrent inadaptées pour mettre en œuvre le développement et la démocratie en Afrique et dans le monde arabe. « Sire, il convient de réformer l'Etat pour préserver le royaume » Turgot à Louis XVI 1775. Les convictions religieuses ne sont pas affichées au front de l'individu ou inscrites au bas d'une carte militante d'un parti mais elles sont enfouies dans le cœur de l'homme et seul Allah, dieu unique, est en mesure de pénétrer les cœurs. Aucun être humain n'a ce pouvoir. « L'habit ne fait pas le moine » disent les chrétiens. Pour user d'une métaphore, les islamistes ne peuvent pas inviter les chrétiens « à mettre de l'eau dans leur vin », ce ne sera plus du vin. De même que les chrétiens ne peuvent pas demander aux musulmans d'ajouter du vin à leur eau, ce ne sera plus de l'eau. A chacun sa boisson. La démocratie c'est d'abord la liberté de choisir entre l'eau et le vin, entre le chemin de Dieu et le chemin du diable. « Satan a séduit le Pape en lui offrant le pouvoir » nous dit-on. L'eau est un don de Dieu ; le vin est un produit de l'homme. L'Occident est parvenu à faire admettre au Vatican que c'est à l'église à s'adapter à la modernité et non le contraire. Entre la terre et le ciel, il n'y a pas d'étage. Entre la vie et la mort, il n'y a pas d'escale. C'est donc une réponse à une crise d'identité des valeurs modernes mal assimilées et des valeurs traditionnelles perdues que l'islamisme prend son essor. Problématique épineuse à résoudre quand l'islam vire à l'islamisme et l'islamisme oscille entre la tendance des frères musulmans et la tendance « salafiste » diamétralement opposée. Cependant, les courants islamistes n'ont pas fourni une conception nouvelle de ce que doit être un modèle politique et économique de l'Etat islamique dans le contexte contemporain. Les Algériens aspirent aussi bien au bien-être matériel et au confort moral. Ils ne veulent pas aller au « paradis le ventre creux » pour reprendre l'expression de feu Houari Boumediene. C'est pourquoi nous semble-t-il il ne peut y avoir une démocratie islamiste à l'instar de la démocratie chrétienne ou juive parce qu'il n'y a pas de clergé dans l'islam et l'islam ne vise pas un peuple « élu ». Car, le danger que court l'islam est qu'il soit transformé en idéologie politique au même titre que d'autres en déroute et lorsque cette idéologie est mise en application pourrait révéler ces limites et être exposée à diverses critiques. Une telle évolution pourrait être préjudiciable à la crédibilité de l'islam tout entier. Ce que recherchent les populations à travers le nationalisme, le socialisme, l'islamisme et la démocratie, c'est une certaine dignité face à leurs gouvernants et face au monde extérieur : une soif de dignité, de liberté et de justice. Mais n'est-ce pas là les valeurs de l'homme moderne prônées par la culture occidentale contemporaine dominante ? Ces valeurs ne sont-elles pas comparables à celles développées par l'islam ancestral et éternel des peuples arabes et musulmans qui rayonnèrent au moment où l'Europe du Moyen Age était plongée dans les ténèbres ? Le Dieu unique de l'Orient et de l'Occident, ce maître de l'univers, le créateur de l'humanité n'est-il pas lui le plus grand démocrate de tous les temps et de tous les espaces, n'est-ce pas lui qui a accordé à l'homme, sa créature et qui pourvoit à ses besoins, le droit de choisir entre le bien et le mal, entre le mensonge et la vérité, entre la foi en un Dieu unique et la mécréance satanique, entre la vie d'ici-bas et la vie dans l'au-delà, entre l'enfer et le paradis ? Faut-il distinguer entre ce qui appartient à Dieu et ce qui appartient à César pour s'insérer dans la démocratie occidentale et retourner au Moyen Age à l'ère de l'inquisition pour comprendre le présent et appréhender le futur ? Dans son acception comme soumission à Dieu, la religion est verticale dans le rapport de l'homme avec son créateur, c'est-à-dire spirituelle et de ce fait douce, paisible, calme. Elle est horizontale dès que l'homme cherche à la partager avec son prochain, elle devient politique et par conséquent explosive. L'essentiel est de la saisir dans toutes ses dimensions. « Ce n'est pas un artichaut » ; on prend ce qu'on veut et on laisse le reste. Aujourd'hui, l'Occident domine le monde arabe et musulman grâce entre autres à sa haute technologie de pointe et à ses armes sophistiquées de destruction des masses que les dictatures arabes et africaines s'arrachent à prix d'or au détriment du bien-être de leurs populations affamées et meurtries. Des armes qui visent à impressionner les peuples voire à les réprimer, finissent généralement par être rouillées sans avoir servi. Le temps est une arme redoutable contre les tyrans. Les despotes finissent par succomber à l'usure du temps. Selon Henry Kissinger, homme politique américain, prix Nobel de la paix en 1973, « le pouvoir est l'aphrodisiaque suprême ». L'homme au pouvoir estime que rien ni personne ne peut lui résister. Le pouvoir est comme « une figue de Barbarie, doux en dedans et pleine d'épines en dehors ». Ce qui est vrai, ce n'est pas le pouvoir mais l'après-pouvoir. Des dirigeants arabes et africains, pris en otage par les puissances du moment, classés amis ou ennemis en fonction de leurs intérêts, exploitant sans vergogne les frustrations des populations arabes et africaines, ces autocrates, enivrés par le pouvoir, infantilisés par l'Occident, corrompus par l'argent et emportés par leurs délires mènent tambour battant leurs peuples respectifs, les yeux bandés, à l'abattoir sous le regard moqueur de l'Occident triomphant. Le malheur, c'est qu'ils n'en ont même pas conscience, ils sont sur un nuage. Les débats d'idées sont l'oxygène des démocraties occidentales, les dictatures arabes refusent tout débat. Le temps c'est l'alternance entre la nuit et le jour, entre les saisons. Dieu a dans sa grandeur et dans sa toute-puissance créé Satan pour s'opposer à lui dans sa vie d'ici-bas ; les dictatures arabes récusent toute contradiction, toute confrontation d'idée, toute discussion, adoptant le principe « qui n'est pas avec moi est contre moi » alors que les démocrates occidentaux tiennent le langage suivant : « je ne suis pas d'accord avec toi mais je me battrais de toutes mes forces pour tu puisses toujours le dire ». Comme dirait Jean Rostand, « tant qu'il y aura des dictatures, je n'aurai pas le cœur à critiquer une démocratie » même si ces dictatures endossent le burnous blanc de l'islam pour développer de nouvelles dynasties ou portent le costume deux pièces de la laïcité (religion et politique) avec une cravate qui les accroche aux puissances dominantes hégémoniques ou les deux à la fois, ce qui n'est pas incompatible, le premier pour tromper la vigilance des musulmans mais certainement pas de leur créateur, le second pour rentrer dans les grâces de l'Occident qui ne demande qu'à être servi. La « zakat el mel » étant une obligation religieuse, il y a combien de parlements arabes et musulmans qui ont légiféré en matière de collecte et de distribution de la « zakat el mel» (l'impôt sur la fortune) auprès des musulmans dont la fortune licite a dépassé le « nissab » ? Au regard de la morale islamique, toute fortune illicite doit être combattu par l'Etat dont la religion est précisément l'islam. Ironie du sort, c'est dans ces pays que prospère la corruption à ciel ouvert. Pourtant, l'islam prône la solidarité entre les individus réduisant drastiquement les disparités sociales explosives en invitant les gens aisés à contribuer à résorber la misère des pauvres gens en versant la « zakat el mel » à la différence du libéralisme qui développe l'individualisme outrancier, faisant profiter les riches pour devenir encore plus riches et condamnant les pauvres à plus d'exclusion et plus de misère. Sur un autre registre, l'islam habille les femmes en les entourant de mystères alimentant les fantasmes des hommes. Et l'Occident dénude les femmes et les expose en vitrine au regard impudique des hommes. Qui baisse ses yeux, élève son âme. Où est l'épanouissement ? Où se trouve l'avilissement ? L'islam est un instrument de libération et non d'oppression de la femme. Que signifie la démocratie ? « Dévoiler » ses femmes aux yeux des Occidentaux, en baisse de désirs, à la recherche de nouvelles sensations fortes ou « voiler » sa fortune au regard de Dieu en ne versant pas la « zakat » ? En effet, qui paie la « zakat » révèle sa fortune et affiche son islamité. Alors que prône l'islam, la transparence ou l'opacité ? Que nous enseigne les démocrates occidentaux : « Faites ce qu'on vous dit, et ne faites pas ce qu'on fait ». La laïcité n'est pas un cache-sexe et le voile n'est pas une ceinture de virginité. « Couvrez-moi ce sein que je ne saurais voir » disait Molière. Une femme sans foulard est comme une maison sans rideaux, elle est soit à vendre, soit à louer. Que les uns et les autres nous dévoilent leur part d'ombre et leur part de lumière. Entre la rigueur islamique et les libertés laïques, le monde arabe se recherche. La démocratie est une rose, elle ne dure qu'un temps, le temps d'une saison, le temps d'une élection ; elle est fragile, son jardin nous envoûte, son parfum nous enivre, ses pétales sont nos rêves et ses épines sont nos réalités... Tout comme la femme, jamais acquise toujours à conquérir. « La femme est la terre, et l'homme est le ciel ». C'est le ciel qui fertilise la terre. La femme commande l'homme en lui obéissant. En islam, être marié revêt une part importante de la religion musulmane. Le seul cadre pour l'activité sexuelle, c'est le mariage. Le mariage est devenu tellement cher que les prétendants au mariage attendent jusqu'à trente ans sinon plus pour se marier à condition de disposer d'un logement et d'un travail ou d'un commerce. Le taux de chômage en Algérie est parmi les plus élevés dans le monde arabe et touche particulièrement la jeunesse. Les deux tiers de la population ont moins de trente ans. Le chômage touche plus de 30% de la population en âge de travailler. Ce taux résulte de l'absence de stratégie saine de développement et d'une opacité dans la gestion des ressources financières du pays sans oublier un système éducatif inadapté où des diplômés de l'université sont sans emploi. Il s'agit d'un chômage de longue durée qui contribue à la dévalorisation de l'enseignement. Les compétences enseignées ne correspondent pas souvent aux besoins du marché. La politique d'infantilisation a féminisée la société. De l'enfant roi on est passé l'adulte tyran. Quand l'enfant est roi, ce sont les femmes qui exercent la régence. Devenu adulte, il cherche à se substituer à l'autorité de l'Etat. Les rapports parents-enfants sont de l'ordre de la séduction qui est le contraire de l'éducation. La télévision s'est substituée à la famille. Le père n'est plus capable d'aider ses enfants à rompre le lien fusionnel avec leur mère. Une famille patriarcale où les relations parents-enfants se superposent entre le chef de l'Etat et la société. Le couple n'est plus un espace d'intimité mais une préoccupation de groupe. Il est clair que favoriser l'abstinence et la frustration est le meilleur moyen de conduire l'individu à enfreindre les règles avec toutes les conséquences qui en découlent. La répression sexuelle est la marque de fabrique de toute dictature qu'elle soit privée ou publique. Si la dictature arabe se voile la face et se cache sous les draps blancs immaculés, la démocratie occidentale se dénude en se déhanchant et s'offre en spectacle alimentant les fantasmes des uns et frustrations des autres. Le meilleur moyen de garder le pouvoir sur la famille c'est d'empêcher ses enfants d'avoir des relations conjugales. Et pour le chef d'Etat, d'empêcher ses sujets de s'émanciper, de s'opposer à lui, de disposer d'une pensée critique et d'une liberté de mouvement. La sexualité imbibée de religiosité est un outil de contrôle puissant de la dictature. Les comportements des hommes politiques sont devenus infantiles. Le système les utilise comme des préservatifs, une fois servis, il les jette dans la poubelle de l'histoire. N'est-il pas temps à s'indigner de voir les intérêts des générations futures négligés. En France, des arbres centenaires respirant de l'oxygène pur et irrigué par une eau limpide donnent de l'ombre aux retraités dans des parcs aménagés goûtant un repos bien mérité. Par contre en Algérie, l'arbre de l'indépendance planté dans le sol par le sang des martyrs respire du gaz carbonique et s'abreuve d'un pétrole polluant tout sur son passage. En France, « tu gagnes ton pain à la sueur de ton front », en Algérie « tu auras ton pain à la souplesse de ton échine ». Au lieu de résoudre les problèmes, nous ne cessons de les aggraver. D'une main on signe un pacte avec le diable ; de l'autre on prie Dieu de nous venir en aide. Nous sommes des incorrigibles. Nous avons une courte vue, nous ne préoccupons de ce que va devenir l'Algérie dans 10 ou 20 ans, seul aujourd'hui nous intéresse. Pour le moment, c'est comment boucler le budget, sans faire de coupe drastique, sans passer par la planche à billets et sans recourir à l'endettement extérieur, est-ce possible ? Qu'importe « fais-moi vivre aujourd'hui et jette-moi dans l'enfer demain ! ». Autrement dit, « après moi le déluge ». Plus les jeunes générations avancent en âge et plus les gens du troisième âge auront des difficultés à boucler leur fin de mois. Il y va des intérêts des parents que leurs enfants devenus adultes aient un emploi, un revenu, se marient et fondent un foyer. Les jeunes mariés sans emploi sont stressés, déprimés ou honteux de ne pouvoir subvenir aux besoins de leur famille et c'est la mort dans l'âme qu'ils se font entretenir par leurs épouses qui se soldent par des scènes de violence dont les enfants sont les victimes. Le patriarcat vit ses dernières heures de gloire. Cette frustration sociale et sexuelle des jeunes donne un sentiment de mépris et d'humiliation. La question de la sexualité est un enjeu majeur pour l'émancipation individuelle et collective. La misère psychique et sexuelle des jeunes entretient les régimes politiques en place. Un Etat autoritaire a besoin de sujets soumis. Pour ce faire, la répression sexuelle est un des vecteurs de la reproduction de l'ordre social dominant. Faut-il faire souffrir son corps pour sauver son âme ou vendre son âme au diable pour préserver son corps ? L'être humain est à fois âme et corps. Les deux ne font qu'un. Les deux unifiés qui vont dans la même direction, celle de Dieu. Les deux doivent être liés pour la vie et pour la mort. La femme n'est pas le sexe opposé mais le complément de l'homme. La vie de couple n'est pas un ring, qui domine l'autre, mais qui est le complément de l'autre, pour s'unir comme le veut le créateur. Nous sommes en vérité deux en un. Allah, qu'il soit exalté, d'une créature, il en fait deux. Il suffit de se référer au monde des plantes, des animaux. Ne nous enseigne-t-on pas que le mariage est la moitié de la religion. La femme et l'homme ne font UN qu'en s'accouplant. Le mariage, comme union socialement reconnue, est un droit pour la femme, un devoir pour l'homme et une obligation pour la société musulmane. Le refoulement sexuel produit des ressorts émotionnels et mentaux de la soumission à l'autorité sous toutes ses formes ; parentales, sociales ou politiques. Les relations de pouvoir entre le chef d'Etat et son peuple sont reflétées dans les liens entre le chef de famille et ses descendants. L'Etat autoritaire a un représentant dans chaque famille. Le père devient la ressource la plus importante de la préservation du régime politique. Se marier et avoir des enfants est un impératif individuel et social. Le droit au mariage ne se mendie pas, il s'arrache. Les jeunes, sans emploi, sans ressources, vivant sous le même toit que leurs familles, entretiennent un rapport pénible avec leurs corps perçu dans leur imaginaire comme un lieu de dépérissement et non d'épanouissement. Le recul de l'âge du mariage engendre aussi des problèmes de stabilité dans la vie psychique et aggrave les tentations. La société occidentale enfantée par la révolution sexuelle (préservatifs, pilules, avortements, etc. séparant le plaisir de la procréation accordant au couple le libre choix) a produit tellement de frustrations que l'équilibre psychique de l'individu a été affecté dans un monde dominé par la vitesse, la violence et le virtuel. L'être humain a en lui-même toutes ses pulsions, il faut bien qu'elles s'expriment parce que s'il les garde en lui-même, il va être dévoré par le stress. L'instinct sexuel étouffe la raison. La force la plus puissante chez l'homme, c'est sa sexualité. Et cela les gens du marketing politique ou commercial l'ont très bien compris. Les préoccupations sexuelles détournent la jeunesse des affaires politiques. La dépolitisation des jeunes fait l'affaire des gens du pouvoir. Une génération perdue dans un monde en crise. La sexualité des jeunes est un domaine éminemment politique, elle traduit un rapport de force dans la société. La sexualité des jeunes reste un des leviers de domination politique de la société. Prise en otage entre les préceptes religieux et les exigences de la modernité, la jeunesse se trouve désemparée. La satisfaction sexuelle des jeunes adultes, dans un cadre moral organisé, libère les énergies, stimule la production et éveille les consciences. « Si l'âme n'est pas satisfaite sexuellement, elle se cabre, se refuse au travail, devient triste » disent les religieux. Les rapports sexuels et la filiation sont légitimés par le mariage qui vole en éclats en Occident par la séparation de la sexualité de ses effets de procréation consacrant la liberté individuelle librement négociée de deux personnes consentantes quels que soient leur sexe, leur âge et leur origine. Mondialisation de la sexualité oblige. Le mariage en terre d'islam est considéré comme le cadre légitime par excellence de fusion de sexualité et de la procréation. L'arabe langue de l'islam commence par la lette « alif », un comme Adam et suivie par la lette « ba » comme Eve, l'une est debout et droite, l'autre est couchée et ronde. L'humanité s'est constituée à partir de ces deux êtres complémentaires et non opposées comme nous le suggèrent les chuchotements diaboliques débouchant sur des divorces multiples et rapides avec des retombées sur les enfants privés de parents et de toit se retrouvant pratiquement dans la rue livrés à la violence et à la perversion. Dieu unit, il est Un ; le diable divise, il a plusieurs visages. Que font les familles musulmanes pour faciliter de telles unions légitimes et légales et contribuer à solidifier les relations conjugales de leurs enfants, afin que la jeunesse embrasse massivement l'islam ? D'autres courants religieux travaillent secrètement la jeunesse dans leurs propres intérêts et exploitent leur désarroi sans que les pouvoirs publics ne réagissent fermement et prennent des mesures salutaires. La société algérienne a quitté la famille traditionnelle rurale sans atteindre la famille nucléaire citadine et se retrouve dans la rue sans toit, sans foi, sans revenu et sans espoir. Que font les gardiens de la morale religieuse pour solutionner le drame des mères célibataires et l'avenir des enfants qui grandissent sans parents ? Que fait le gouvernement pour lutter contre le chômage massif et durable des jeunes dont le désespoir les mène vers la prostitution, la contrebande, la drogue ou le suicide. La modernité se définit en Occident par l'incertitude du lendemain. L'islam leur fournit la certitude de se retrouver demain devant leur créateur à qui ils doivent rendre des comptes. Que leur propose-t-on le mur ou la mer ? L'exil ou le suicide ? Les deux sont contreproductifs. Aujourd'hui, le monde arabe sombre dans les ténèbres du moyen âge chrétien de l'inquisition et de la chasteté alors qu'il peut s'enorgueillir d'avoir fait sa révolution des mœurs, il y a de cela plus de 14 siècles. La modernité a détruit l'institution du mariage comme cellule de base de la famille pour forniquer et procréer dans des conditions d'hygiène et spirituelles impeccables. Avec l'influence des médias occidentaux sur la liberté et l'égalité des sexes, les arabes semblent avoir un problème avec le corps de la femme. Habillée, elle les rassure (elle ne peut être que leur sœur, leur fille ou leur mère), nue elle leur fait peur (elle ne peut être que leur épouse), car elle leur révèle leur « impuissance » c'est-à-dire leurs faiblesses devant le « sexe fort » ou plutôt rendu fort par les médias occidentaux. Le marketing fait du corps de la femme un alibi pour tout vendre y compris la religiosité... Que font les jeunes sachant que « Tout homme est un tyran quand il bande », « Gare au gorille » enchaînera Brassens. La longévité du célibat dans les pays arabes est un empêchement majeur à l'avènement d'une véritable société musulmane. La libération sexuelle des femmes en Occident mène au « mariage libre (homosexualité, lesbiennes) » ; l'emprisonnement des femmes en Orient conduit à la séparation des corps et du couple entraînant des frustrations sexuelles suscitées par les médias occidentaux et non assouvies dans un cadre légal débouchant sur des drames sociaux (prostitution, homosexualité, pédophilie, etc.). Faut-il libérer le mariage ? Qui en garantira la solidité et la durabilité ? Que proposent les parlementaires pour lever cet obstacle ? Faut-il exciser les femmes et castrer les hommes ou bien effacer la trace des hommes par recours à la chirurgie, ou l'emploi de la sorcellerie pour réveiller les vieux démons ? Le drame des mères célibataires est là pour en témoigner de l'urgence à prendre en charge ce phénomène et de faire des propositions concrètes. « On ne peut cacher le soleil avec un tamis ». Les dictatures arabes et musulmanes utilisent la sexualité comme arme pour contrôler les femmes et les jeunes et les empêcher d'atteindre la maturité et prétendre au pouvoir. Faut-il mettre fin au patriarcat qui domine dans le monde arabe. Des dirigeants arabes qui confient leur corps aux soins de l'Occident et le salut de leur âme à Satan. La femme qui réussit dans sa vie de couple, dans le cadre d'un mariage, est celle qui a su garder le cœur d'un enfant, la tête d'un homme et le corps d'une femme. L'homme doit-il la « rabaisser » à son niveau pour la désirer ou doit-il « l'élever » sur un piédestal pour l'adorer ? L'amour et la haine dorment dans le même lit. La guerre et la paix cohabitent dans le même palais. La vie d'ici-bas et la vie de l'au-delà sont comme deux femmes rivales, si l'homme aime l'une, il déteste forcément l'autre. Le monde occidental a choisi ; le monde arabe tergiverse... il veut les deux, il est polygame. Une polygamie qu'il ne peut ni assumer dans le respect du sacré, ni devoir la rejeter pour prétendre accéder à la modernité. Le monde arabe est schizophrène : d'une main, il signe un pacte avec le diable, et de l'autre, il prie Allah de lui venir en aide. Le monde arabe est dans un brouillard, un brouillard épais. La modernité l'éblouit, la tradition lui échappe. Il a perdu ses repères, il est égaré. D'un côté, il veut vivre dans la modernité sans fournir d'effort et de l'autre il veut mourir dans l'islam sans obéir Allah. Avec une densité de deux cents habitants au Nord et cinq habitants au km2 au Sud, l'Algérie est un bateau qui chavire. Elle navigue au gré des vents sans boussole et sans gilets de sauvetage sur une mer agitée à bord d'une embarcation de fortune dans laquelle se trouvent de nombreux jeunes à la force de l'âge, serrés comme des sardines, fuyant les interdits de la religion, de la politique et de la pauvreté, à destination de l'Europe, ce miroir aux alouettes, pour finir soit dans le ventre des poissons, soit avec un peu de chance chez mère Theresa implorant la charité chrétienne pour le gîte et la nourriture en attendant des jours meilleurs sur une terre qui n'est pas la leur et où ils ne sont pas les bienvenus, quittant un beau pays arrosé du sang des martyrs, béni de Dieu, riche à millions et vaste comme quatre fois la France, qui sacrifie l'avenir de ses enfants et de ses petits-enfants pour un verre de whisky, une coupe de champagne, ou un thé à la menthe... |
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