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Le document qui
suit ci-dessous, intitulé «Histoire d'El- Hadj A'bd-
El-K'ader», rédigé à l'origine en arabe de 1847 à
1848, par le cousin germain de l'Emir Abd-El-Kader,
El-Hossin ben A'li ben Abi T'aleb, a été traduit et
publié par Adrien Delpech en 1876 dans le volume 20 de la Revue Africaine. Le texte
peut être consulté sur le site «Algérie Ancienne», comme il existe la version
papier de l'ouvrage, la collection Revue Africaine ayant été, pour rappel,
rééditée par l'Office des Publications Universitaires (O.P.U. Ben-Aknoun - Alger), eu égard aux importantes références
archivistiques susceptibles d'intéresser chercheurs, historiens, étudiants,
lecteurs...
Le récit retrace, globalement, quelques péripéties de la vie d'El Hachemi El Hasani Abdelkader El Djazairi (1808-1883), fils de Muhyidin et de la fille du cheik Sidi Boudouma, chef d'une zaouia de Hammam Bouhdjar (ouest algérien), l'Emir comptant parmi ses ascendants familiaux, une aïeule amazighe, Lalla Kenza, fille du chef de la puissante tribu berbère des Houara, pour le signaler au passage. Son grand-père vint s'établir dans la plaine de Ghriss au sein de la tribu des Hachem, région de Mascara où il naquit à El Guitna et c'est en 1832, à l'âge de 24 ans, que la population de la contrée lui prête allégeance (serment de la Moubaya'a). La suite est assez connue pour avoir été amplement rapporté par divers historiens et biographes nationaux et étrangers de l'Emir mais le contenu du présent document, comporte nombre d'éléments méconnus et parfois quelques surprenantes révélations quoique le récit semble, par moments, le céder au subjectivisme de l'auteur. Pour le traducteur de l'«Histoire d'El-Hadj A'bd- El-K'ader», Adrien Delpech, interprète judiciaire de son métier, le témoignage comporte certaines libertés dans l'agencement des faits et évènements qu'aurait pris le narrateur du texte original en arabe. A son propos, il indique notamment : «El Hossin ben A'li ben Abi T'aleb ben Sid El-Moçt'afa ben Sid K'ada ben El-Moktar, auteur de l'histoire qui suit, est un cousin germain d'El-Hadj Abd-el-Kader». Et situant le cadre général de ce récit, Adrien Delpech signale que le 11 avril 1843, à la suite d'un combat livré par la colonne Tempoure, dans le sud de la province d'Oran, aux réguliers de l'émir commandés par Mohammed ben A'llal, EI-Hossin fut fait prisonnier par des cavaliers du goum qui accompagnaient la colonne. Ce dernier s'étant fait connaitre d'eux, ils lui facilitèrent sa fuite. Il s'en ira par la suite, errer de tribu en tribu, par-delà villes et villages, et ce durant plusieurs années, il échoua finalement à Blida, où d'après son traducteur, il demeura' interné jusqu'en 1848 après la capitulation d'El-Hadj Abd-el-Kader. Par la suite, il alla rejoindre ce dernier à Toulon. Mais l'ancien sultan le reçut fort mal : «il ne lui avait pas pardonné sa soumission hâtive aux Français», d'après ce que rapporte Adrien Delpech. Mettant à profit son séjour à Blida, El-Hossin, décida, «sans doute pour occuper ses loisirs où comme justification», d'écrire «un récit de la vie d'El-Hadj Abd-el Kader, dans lequel il ne s'oublie pas lui-même», et qui «ne brille pas par un style élégant ni par une très grande clarté», selon son traducteur mais excusant ces lacunes du fait que El- Hossin n'avait point pris de notes et qu'il dut faire appel uniquement à ses réminiscences, ce qui expliquerait, toujours selon Adrien Delpech, cette propension du narrateur à placer «des faits les uns avant les autres» , concourant à nous présenter, de la sorte, «un amalgame des plus parfaits.» D'une manière générale, El-Hossin ben A'li ben Abi T'aleb, commence par donner un tableau de la famille d'El-Hadj Abd?el-K'ader, non sans signaler, brièvement, la situation des Indigènes avant d'entrer dans les détails qui racontent l'élévation du jeune fils de Mahi-ed-Din au rang d'Emir (sultan note le narrateur), et les faits et évènements qui suivront, son traducteur indiquant que «la chronique devient toute particulière à partir du moment où El-Hossin fut fait prisonnier» : motif pour lequel, l'interprète a «jugé convenable de supprimer la narration de ses pérégrinations à travers l'Algérie, pour passer immédiatement à la conclusion ». L'interprète consignant qu'«El-Hossin y exprime des espérances dont se bercent encore aujourd'hui tous les Indigènes» mais ayant l'audace d'ajouter : «espérances qui, en 1871, ont failli se réaliser !» Le traducteur se dit s'être efforcé «de rendre l'arabe d'El-Hossin dans un français aussi intelligible que possible, sans cependant trop s'écarter de la lettre », précisant que s'il en a fait la traduction, «c'est parce que, tout en offrant quelques détails intimes sur Abd-el?K'ader et sa politique, il me paraît avoir un cachet d'originalité tout particulier». Cachet que le traducteur a cru devoir rendre plus clair, par des annotations se rapportant aux passages les plus importants, laissant au lecteur le soin d'apporter aux autres, les éclaircissements nécessaires, estimant que «l'histoire d'El-Hadj Abd-el-K'ader est assez connue pour que cette tâche ne lui soit point trop lourde ». En conclusion au récit traduit du cousin germain de l'Emir, Adrien Delpech ne manque pas de rappeler que El Hossin, «après une véritable odyssée sans importance et beaucoup trop longue, vint s'échouer à Blida», où il a rédigé son histoire , observant, «cependant la façon dont se termine son manuscrit» qu'il considère «assez curieuse» pour qu'il la donne, l'interprète - littérateur traduisant, par là, et par certaines expressions restituées en italique et autres annotations explicatives de ce très long texte , des non-dits ou préjugés idéologiques, transparaissant en filigrane à travers quelques passages qui tiennent lieu de commentaires additifs, gratuits... Ci-dessous l'extrait du témoignage évoqué qui, compte tenu de sa longueur, ne reprend que quelques passages jugés édifiants de la traduction telle que l'a consignée son auteur français Adrien Delpech, en respectant sa transcription des noms et lieux avec lesquels il a eu fort à faire, comme il le signale, du fait de leur caractère arabo-berbère qui ne lui est pas familier, naturellement, (ainsi les lettres C, G , H, O, etc., qu'il transcrit souvent en lettres S , R, A, pour ne citer que ces exemples). Histoire d'El- Hadj A'bd- El-K'ader par son cousin El-Hossin ben A'li ben Abi T'aleb (Traduction d'Adrien DELPECH - 1876) «Louange au Dieu Unique. Qu'il répande ses grâces sur celui après lequel il n'est plus de prophète ! Cette histoire est racontée par El-Hossin ben A'li ben Abi T'aléb ben Sid El-Moçt'afa, dans les Hachem Ech-Cheraga, au pied de la montagne. Le ouali Sid Mahi-ed-Din et A'li ben Abi T'aleb étaient frères par leurs père et ancêtres. Sid Mahi-ed.Din, ayant abandonné la terre de Kacherou, se rendit sur l'oued El-Hammam, au bas de la montagne, avec sa famille. Là, il ouvrit un canal d'irrigation et construisit une mosquée semblable à celles des villes, ainsi qu'une maison d'habitation pour lui. Dans la cour de la maison se trouvaient des tentes en poil de chameaux et un moulin à manège pour la farine. Sid Mahi-ed-Din épousa une première femme dont il eut Sid Mohammed Es Saïd; puis une seconde de la famille des Oulad Si A'mar ben Douba, la femme libre, pure et noble, la servante de Dieu, la dame Ez-Zoh'ra. Celle femme avait été déjà mariée et avait eu un enfant qui était mort. Elle donna naissance à Sid El-Hadj Abd-el-K'ader, puis à la servante de Dieu Khadidja, qui fut l'épouse d'El-Hadj Moçt'afa, kh'alifa de Mascara. Ensuite, il prit une troisième femme, dont il eut Sid El-Moçt'afa, et une quatrième, la servante de Dieu Kh'eïra ben Sid El-A'ouïd, laquelle lui donna Hassen et la servante de Dieu A'jcha. En outre, il eut commerce avec une négresse, du nom de Bent El-K'hir, qui lui donna Mahi-ed-Din. Son frère, Sid A'li ben Abi T'aleb, épousa notre mère Amina. Le premier enfant qui vint au monde fut Sid A'bd-el-Kader. Après lui furent: Sid Ahmed, Sid El Mouloud, Sid El-Moçt'afa, et enfin, le rédacteur du présent, EI-Hassin ; ce ne sont que les mâles. Les filles furent les servantes de Dieu: Aïcha, Kh'eïra, Ez-Zoh'ra et Fat'ma (nom de la fille du prophète). Notre père maria la première, A'ïcha, à un homme des Oulad Sid Ahmed ben A'li appelé Mohammed ben Et'-T'aïeb. De celte union naquirent Sid Et'-T'aïeb, Mohammed, A'ïcha et Et'-T'aïeb; il y eut deux fils portant le même nom. Le mari d'A'ïcba étant mort, elle épousa en secondes noces A'bd-el-K'ader ben Et- T'ah'ar. Kh'eïra fut mariée à son cousin germain Sid El-Hadj A'bd-el-K'ader du vivant du père de celui-ci Sid Mahi-ed-Din. Ils eurent deux enfants qui moururent, et un troisième, Kh'adidja, qui survécut: le tout avant d'être élu sultan, Ez-Zo'hra épousa Sid Moçt'afa, frère d'El-Hadj A'bd-el-K'ader. Enfin, la quatrième Fat'ma, fut donnée en mariage au frère de ce dernier. Les enfants de Sid Mahi-ed-Din eurent chacun une mère différente; ceux de son frère Ali furent consanguins, Sid El-Moçt'afa, père de Sid Mahi?ed-Din et d'Abi T'aleb, étant mort, ce fut Sid Mahi-ed-Din qui continua à donner « l'ouird» aux musulmans (Sid Mahi-ed-Din était Mok'addem (directeur - maître) de la confrérie religieuse de Sid A'bd-el-Kader El-Djilani. C'est ce qui lui attira la méfiance des Turcs). Certain jour, Sid Mahi-ed-Dln demanda aux Turcs, alors dépositaires du pouvoir sur les Arabes, l'autorisation d'accomplir un pèlerinage à l'oratoire sacré de Dieu, à la Mekke ; ils la lui accordèrent. Il s'y rendit et rentra chez lui sauf de tout accident. Pendant un très long temps il demeura chez lui; les Arabes venaient le visiter. Puis il demanda aux Turcs, pour la deuxième fois, la permission de se rendre à la Mekke ; ils la lui donnèrent. Aussitôt il fit des provisions pour la route et se mit en marche vers l'est, suivi d'un grand nombre d'Arabes. Alors ceux qui administraient le pays sous le contrôle des Turcs, dirent méchamment à ceux-ci: « Vous avez permis à Sid Mahi-ed-Din de se rendre dans l'Est, alors qu'il a l'intention de se soulever contre vous, afin d'abattre votre puissance. «La méfiance du bey ayant été réveillée, les grands se lancèrent à la poursuite de Sid Mahi-ed-Dln ct le firent revenir sur ses pas. Conduit au bey Hassan, celui-ci voulut le faire périr; mais les At'as EI-Morseli, Moçt'afa ben Isma'Il, El-Mazari, élevèrent la voix en sa faveur et l'amenèrent le bry à de meilleures intentions. Badra, femme d'Hassan, qui était membre de la confrérie religieuse dont Sid Mahi-ed-Din était cheik - maître ? supplia son mari d'épargner ce dernier. En effet, il lui fit grâce et l'interna dans une maison à Oran. Son ouk'af (surveillant) fut un nommé EI-Mih'oub; il était soldat du hakim d'Oran et avait mission de garder le ouali. Cet homme était originaire du Charebernih, Après être resté un certain temps dans celle situation, Sid Mahi-ed-Din obtint sa mise en liberté avec autorisation de faire le pèlerinage. Il s'y rendit avec son fils A'bd-el-Kader - à cette époque était très-jeune. Les pèlerins allèrent d'abord à l'Oratoire de Dieu, le Sacré (Mekka), et de là se rendirent à Bar'dad (Bagdad) où ils firent visite - o'nna. El-Hadj A'bd-el-K'ader gardait un jour les chameaux de son père, quand un vieillard très âgé vint dans le camp des pèlerins accourus à Bar'dad. Ce vieillard leur dit: « Que le salut soit sur vous, Ô pèlerins ! « Ceux-ci ayant répondu à son salut, il ajouta: « Que votre matinée soit heureuse, ô Sultan! « A ces mots, les pèlerins étonnés s'entre-regardèrent et sans comprendre auquel d'entre eux s'adressait cette épithète. Un autre jour, le berger qui avait la garde des chameaux, étant atteint de maladie, Sid Mahi-ed?Dill dit à El-Hadj A'bd-el-Kader : « C'est toi qui garderas les chameaux». Celui-ci obéit et les garda, en effet, jusqu'au lendemain matin. Le même vieillard se présenta de nouveau et, après avoir adressé aux assistants la formule du salut, et ceux-ci la lui ayant rendue, il s'écria: « Vous n'agissez pas convenablement. Comment, le sultan garde les chameaux. Vous faites là une chose surprenante». Sid Mahied-Din lui répondit alors: « Seigneur, ne parlez point ainsi. Les Turcs sont maîtres de notre pays». - « Par Dieu! Un sultan surgira du milieu des sujets des Turcs». (...) Les pèlerins demeurèrent en cet endroit sans que Dieu le voulut; puis ils revinrent chez eux. A'bd-el-K'ader était toujours jeune. Nous attendions la réalisation de cette prophétie depuis de longues années; et rien ne paraissait, quand les Français marchèrent contre Alger et s'en emparèrent, enlevant ainsi le pouvoir. Ensuite ils se rendirent à Oran, où ils agirent comme à Alger. Les Arabes qui habitaient Oran, ainsi que les Béni-Mezab et les Ar'as, s'enfuirent. Ils écrivirent à Sid Mahi-ed-Din de venir les chercher, en lui annonçant la prise de la ville par les Français. Sid Mohi-ed- Din se rendit à leur appel et les conduisit d'El Tlila (le Tléla) à Mascara. Les Musulmans pillèrent les fuyards jusqu'à l'endroit où habitait Sid Mohi ed Din. Là, ceux qui voulurent rester .avec lui, demeurèrent, et il accompagna ceux qui manifestèrent le désir d'aller à Mascara. Sid Moh ed Din se mit souvent à la tête des Arabes et combattit les Français aux portes mêmes d'Oran; mais néanmoins ceux-là restèrent pendant environ deux années complètement livrés à eux-mêmes. (...) Enfin les notables des Hachem R'eris se réunirent en conseil et se dirent: «Nous sommes un troupeau de moutons sans gardien. (...) Actuellement il est absolument nécessaire que nous choisissions un de nos marabot's, qui nous connaisse et que nous connaissions». Aussitôt les notables des Hachem se rendirent près de Sid Mohi ed Din. Ils lui exposèrent leur plainte en ajoutant: «Prends la direction. Nous te soutiendrons de façon à ce que le Mal disparaisse de notre pays». Sid Mohi ed Din leur .répondit : «Je suis vieux; mais, si vous le désirez, prenez El hadj Abd el Kader, que les pieux Oualis de Dieu ont désigné, à Bar'dad, comme devant être un jour sultan». «Agis comme il te plaira» dirent les Hachem. Alors, montant à cheval en compagnie d'El hadj Abd el Kader et de son père Mohi-ed-Din, ils allèrent dans les Hachem- ech Cheraga, au pied de Kh'aroubet-es-Solt'ana - Caroubier Royal; on récita la»Fatiha» puis El hadj Abd el Kader entra dans Mascara suivi de «huit chevaux et peut-être davantage». Ensuite les Hachem amenèrent le « gada». Cela se passait en l'année 48 du treizième siècle - Cette année commença en juin 1832 et finit en mai 1833. - Quelques jours après cette cérémonie Mohi ed Din envoya à son fils la femme de celui-ci, Khéïra bent Abi T'aleb, El hadj Abd el Kader se choisit des vizirs, des ar'as et des k'aïds Parmi les Hachem. A la porte de sa maison, il plaça un portier du nom d'El Mih'oub chargé d'en surveiller l'entrée. Pendant ce temps, Sid Mohi ed Din lui amena le contingent du Tell, qui tous lui apportèrent des présents (...) El Hadj Abd el Kader s'étant rendu à Tlemcem, il combattit avec fureur les « Had'd'ar «de celle ville. Puis la paix fut faite et ceux-ci lui donnèrent l'argent qu'il voulut (...) Il revint à Mascara le cœur rempli de joie et d'allégresse. Après un court séjour dans cette ville, il en sortit de nouveau et se dirigea vers l'Est (...) Les notables de la tribu des Hachem lui ayant conseillé d'avertir les gens d'avoir à payer l'impôt zekat. El hadj Abd el Kader le fit et les contingents obéirent. Les Douaïr et les Zemala chez qui un individu du nom de Bou Guelal fut envoyé pour recouvrer l'impôt qui leur incombait, payèrent aussi. Cependant les Arabes ne cessaient d'exciter le sultan contre les Douaïr et les Zemala qui, disaient-ils, étaient rebelles à son obéissance et poussaient les Beni-Ameur à se soulever contre lui. EI hadj Abd-el-Kader finit par donner l'ordre de se mettre en campagne contre eux et de les raser, En effet, les contingents arabes marchèrent contre ces deux tribus et leur livrèrent un combat terrible. (...) Sur ces entrefaites, les Douaïr, les Z'mala et les h'el Angad ayant Zelboun pour chef, mirent à leur tête Moçt'afa ben Ismàil et EI?Mazari, puis se dirigèrent (la nuit) vers le sultan. Les troupes de celui-ci, stupéfiées, étonnées et terrifiées de celle attaque, s'enfuirent abandonnant tout. Le sultan fut contraint de les suivre. Les Douaïr, les Zemala et Zelboun s'emparèrent de tout ce qui était dans le camp (...) Le sultan put monter à cheval et arriver à Mascara. Après cette affaire, les Douaïr vinrent lui apporter des présents. Ensuite, ils réfléchirent que cela ne pouvait que leur nuire, que le sultan leur conserverait toujours rancune et qu'il valait mieux pour eux se réfugier à Oran. En effet, ils laissèrent Bel Had'ri en otage entre les mains du sultan et se rendirent à Oran chez les Français. Le sultan ayant quitté Mascara, il marcha contre les Ftita. Il les combattit avec les moyens dont il pouvait disposer; ensuite ils lui amenèrent les « gadas» (...) A son retour, le sultan attaqua les Zedama et leur livra combat. Ceux-ci lui offrirent les présents de soumission, Une deuxième fois, il marcha contre eux, puis il se rendit chez les Oulad Ech-Cherif, qui firent acte d'obéissance, ainsi que les Oulad Lekred et les A'ssaouat. En un mot, tous les Arabes lui firent don des coursiers les plus nobles de race et le suivirent. De Mascara, où il séjourna quelque temps, il sortit pour combattre les Français. Une paix fut alors signée pour la liberté d'échange. Les Français livrèrent des armes, (t) (?) Traité Desmichels, février 1834. A cette époque, le sultan se mit à enrôler des soldats, et, lorsqu'il en eut deux cents, il conduisit une expédition contre les gens d'El-Bordj. Ceux-ci marchèrent à sa rencontre avec les Chel'aga qui avaient à leur tête Sid Mohammed ben Sid EI-A'ribi et El-Hadj el-Meddah. Les Bordjia et ces derniers offrirent le combat au sultan; mais, attaqués par les soldats réguliers, ils prirent la fuite (...) Ensuite le sultan se mit en campagne. Successivement il bivouaqua à Ben Hanifa, à Ez-efisef, à Tessala et enfin à Ar'bal (Yemala) (...) El-Hadj Abd-el-Kader était encore campé à Ar'bal, qui est près d'Oran, lorsque Dieu fit souffler un vent jaune sur le camp, comme s'il avait voulu le faire disparaître. Aussitôt le sultan revint sur ses pas, mais la maladie le suivit. C'est pendant qu'il était à Ar'bal que sa fille Ez-Zohra lui naquit. Des gens qui vinrent le voir lui annoncèrent la naissance d'un fils. On tira le canon et des coups de fusils en si grande quantité, que la fumée de la poudre changea le jour en nuit. Il n'y a de force et de puissance qu'en Dieu, le Très-Haut, le Magnifique. Le sultan, après avoir fait des provisions de bouche, se mit en route vers l'est avec ses contingents. Arrivé à Meliana chez Si el Hadj Es-ser'ir, il nomma ce dernier Khalifa de la contrée. De retour à Mascara, el hadj Abd-el-Kader dut, quelques jours après, marcher contre les Flita. Ceux-ci entrèrent dans l'obéissance, et EI-Mazari fut nommé leur caïd. Ensuite, il se rendit par deux fois chez les Zadama, qui finirent par se soumettre. Après leur avoir donné pour kaïd Si Mohammed ben EI-Taieb, le sultan rentra à Mascara. C'est pendant qu'il était à Ar'bal que sa fille Ez-Zohra lui naquit. Des gens qui vinrent le voir lui annoncèrent la naissance d'un fils. On tira le canon et des coups de fusils en si grande quantité, que la fumée de la poudre changea le jour en nuit. Il n'y a de force et de puissance qu'en Dieu, le Très-Haut, le Magnifique. - Le. Arabes sont de bien grands menteurs ! (...) La guerre ayant éclaté entre les Français et le sultan, ceux-là se rendirent à Tlemsen qu'ils occupèrent. Il y eut un grand combat, Les Korour'lis qui étaient dans le mechouar, furent emmenés par les Français, qui laissèrent seulement une garnison dans la ville. El-Hadj Moç,'t'afa était khalifa du sultan dans Tlemsen .Quelque temps après, les Français sortirent de nouveau d'Oran pour aller à Tlemsen , Le sultan leur livra un combat à A'ouchda; il fut tellement terrible que les soldats réguliers firent deux cents prisonniers et le sultan retourna à Mascara, et El-Hadj Moçt'afa occupa Tlemsen. Les Français s'étant encore dirigés sur cette ville, une rencontre eut lieu avec eux à Rachgoun. Ils turent complètement cernés, si bien qu'ils en vinrent à manger les chevaux. Ce sont des transfuges qui nous rapportèrent cela. Ils voulurent faire un effort pour se tirer de cette situation; ce fut inutilement. Moçt'afa ben Ismail fut, dans une sortie, blessé à la main, et, désormais, il lui fut impossible de s'en servir. Enfin, des navires étant arrivés, les Français purent s'embarquer et se rendre à Oran. Une quatrième fois, les Français marchèrent d'Oran sur Tlemsen. Nous les rencontrâmes à Chea'b-el-leham. Bataille leur fut livrée; mais ceux qui combattaient pour la religion s'enfuirent du côté de la Tafna. Les Français nous avaient vaincus. Ils entrèrent dans la ville. Après y avoir déposé des vivres, ils revinrent à Oran, d'où ils se mirent en marche sur Mascara avec une colonne formidable. Celte colonne arriva par étapes à Ettlila (le Tléla). Les soldats et les contingents arabes du sultan étaient conduits par l'ar'a El-Mokhtar hen Aissa. D'abord nous allâmes à l'oued El-Hammam, et de là nous vînmes camper sur le Sig. Notre but était de nous installer à Djenin-Meskin. Mais les contingents des R'eraba arrivèrent j avec eux se trouvaient le khaliïa Ould-Mahmoud et El-Habib bou A'Ilam, Ils nous prévinrent de l'approche de l'ennemi. Nous rencontrâmes celui-ci, avec l'aide du Tout Puissant, à Chedjara Moulana Ismail. La lutte fut terrible ; le sang arrivait jusqu'à la cheville. Enfin, les musulmans revinrent sur l'oued Sig, auprès du bordj. Dans la bataille, le kh'alifa Sid A'bd-el-K'ader bou Chak'or fut tué. Celle rencontre était la première à laquelle j'assistais. Ensuite, El-âlazari, qui arrivait à la tête de mille cavaliers de goums des plus ardents et des plus entreprenants, tua quelques Français ; lui fut blessé, - Le soir ils rentrèrent. L'armée française campa au-dessous de celle du sultan, sur le sig. Le lendemain soir, comme des soldats nous étaient arrivés de Tlemsen , nous offrîmes le combat aux Français. Nos ailes se rejoignirent, et nous les cernâmes tel qu'un bracelet entoure le bras d'une femme. La nuit étant venue, il fallut attendre le matin. Dieu ayant fait paraître la plus heureuse des matinées, l'action s'engagea avec furie. Nous pressâmes les Français de telle façon, qu'ils furent contraints de fuir. Enfin, ils battirent en retraite sur El-Mek't'a (Makta), toujours poursuivis par les Modjah'idins, guerriers de la foi - Nous entrâmes environ deux mille ou davantage. Lorsqu'Ils eurent atteint El-Mak't'a, nous les rasâmes et dispersâmes. Il n'échappa que ceux qui se jetèrent à la mer ou ceux qui devaient vivre encore de longs jours. Un canon, des voitures et prés de quatre mille fusils furent notre butin. (...) Nous demeurâmes en cet endroit jusqu'au moment où les had'd'ar de Médéa écrivirent que les Korous'lis entretenaient des intelligences avec les Français, ainsi qu'un grand nombre d'Hassen ben Ali, d'Abid et de Douars, parmi lesquels se trouvait el A'id. Il faut, disaient les Hadd'ar, que vous veniez à l'instant où la ville sera abandonnée. Immédiatement, d'El-Merdja, nous montâmes à cheval. Nous allions à allure très-vive, sans nous arrêter. Dieu voulut qu'il plût, en sorte que les chevaux qui avaient soif purent boire. Lorsque nous arrivâmes auprès de Médéa, il restait deux heures de nuit. Aussitôt la ville fut cernée en silence, Nous étions semblables au bracelet qui enlace le bras d'une femme, Dès que Dieu eut fait paraître la plus heureuse des matinées, nous pénétrâmes dans Médéa, et tous les Korour'lis furent arrêtés, Parmi eux se trouvaient Oulid Dja'fat, Mohamed ben Cheddi et tous les notables. Ils furent envoyés en prison à Miliana, puis de là ils furent dirigés sur Tak'edemt sous notre escorte. Quelques temps après on transporta leurs familles auprès d'eux, Ils demeurèrent dans cette ville, et le sultan revint à Mascara. De celte ville, nous allâmes dans le Sahara. Tous les Arabes de cette contrée firent don de chevaux de ce pays et protestèrent de leur obéissance. Nous arrivâmes ainsi dans les tribus Sahariennes de l'Est. Dans ces parages, Sid Mohamed ben A'llal nous fit parvenir la nouvelle de la mort de Sid Mohamed Es Ser'ir; il fut nommé à sa place. Ensuite ordre fut donné à Sid Mohamed el Berkani d'avoir à nous rejoindre; il obéit et vint avec les troupes sous ses ordres, Du sud notre armée se dirigea sur l'Ouennour'a, dont tons les habitants furent r'azés, Puis nous passâmes dans le Hamza, Sid Ahmed ben Salem fut nommé kh'alifa des Kabyles Zouaoua. Enfin, nous rentrâmes à Médéa, heureux d'avoir vaincu et triomphé. Au bout d'un séjour de six mois dans cette ville, le sultan m'envoya chercher son épouse et la servante de Dieu, la dame Ez Zohra bent sid A'mar el Douba , Nous habitâmes le palais du bey Bou Mezrag, où demeure actuellement le général Marey (Monge). De temps à autre le sultan allait à sa tente qui était dressée hors de la ville el où se trouvait sa famille, Ensuite, il envoya celle-ci au-dessous de Miliana. Peu de jours après, nous arrivions parmi elle, pour de là nous rendre à Tak'edemt , C'est dans celte ville que fut célébré l'anniversaire du Mouloud de notre Seigneur. Les goums ct les soldats exécutèrent des manœuvres en l'honneur de notre Seigneur et prophète et nous prirent leurs chevaux. (...) Nous quittâmes Mascara pour marcher sur Aïn-Madi avec les soldats réguliers et de la cavalerie. A moitié route, le sultan laissa la cavalerie régulière dans les Flita, que ceux-ci devaient nourrir jusqu'à son retour, Arrivés près de la ville nous en fîmes le siège. Il fut très-long, car il dura neuf mois. Les habitants de la ville par l'intermédiaire de leur chef nommé Ahmed ben Salem, demandèrent merci, Nous luttâmes à outrance avec eux, de notre côté beaucoup de monde périt. Enfin, Ahmed ben Salem implora la paix. Il fut autorisé à se rendre dans le Djebel Amour, avec les habitants de la ville (...) Ensuite nous rentrâmes: à Tak'edemt, remplis de joie et d'allégresse. De ce point nous allâmes à El?Taza de Bellal, puis à Areliana avec les tentes du sultan. Nous y restâmes assez longtemps, Le fils d'El Mok'rani, El hadj Abd es Selam et Bou D'iaf des Oulad Mad'i vinrent nous y trouver. Le sultan m'envoya avec le premier à M'sila en compagnie de deux cents cavaliers, pour prélever les impôts qui avaient été imposés aux Arabes, Ceux-ci firent des protestations d'obéissance et amenèrent des chevaux de «gada », Ils payèrent ainsi toute la somme qui leur avait été fixée (...)De là, nous nous dirigeâmes vers les Oulad Mokran de la Medjana. Les K'abyles furent prévenus d'avoir à se joindre à nous pour r'aser Ahmed ben O'mar appartenant au parti français, Ce dernier nous échappa. Il était très mal avec son cousin El hadj Mohamed ben Abd es Salam. Sur ces entrefaites, le sultan nous fit parvenir l'ordre de lui remettre les fonds montant de l'imposition exigée des Arabes. Obéissant à ses ordres, nous nous rendîmes auprès de lui à Abi A'bbas, et l'argent fut versé en ses mains. El Mokr'ani avait diminué la somme de sorte que nous avions couru beaucoup pour ne rapporter qu'un faible total. (...) De cet endroit, j'allai rejoindre El hadj Moçtafa, K'halifa de Mascara. Les contingents arabes et les soldats étaient campés près d'Oran, Avec eux nous nous dirigeâmes sur Mazer'eran (Mazagran) . La ville fut entourée de toutes parts. Les soldats se précipitèrent aux murailles. Nous pointâmes une pièce de canon qui abattit la hampe à laquelle ils arboraient le drapeau. Certain jour, un homme du nom de Sid Mohamed ben Mezrona', bach-kateb (trésorier) des soldais, répandit le bruit parmi ?ceux-ci que le sultan avail écrit de retourner j les soldats partirent. C'était un mensonge. J'eus un cheval tué à ce siège. De retour auprès du sultan qui était revenu à Tak'edemt, je lui rendis compte de ce qui était arrivé, il destitua le bach-kateb. Après quelques jours nous, allâmes dans l'Est à Médéa. Là, nous reçûmes la nouvelle que les Français marchaient sur cette ville. Les soldats furent réunis pour aller à l'ennemi. Les Français, quoique ayant appris notre mouvement, continuèrent leur marche. Ils arrivèrent au sommet du Col et entrèrent dans Médéa. Trois jours après, ils y laissèrent une garnison et rentrèrent à Alger. Nous leur livrâmes bataille au Col (de :Mouzaïa) ,depuis Zeboudj-el-A'zra jusqu'à EI-Mesra. Ce jour, j'eus un cheval tué sous moi (1840). Environ deux jours plus tard, les Français se dirigèrent sur Miliana. Nous n'eûmes connaissance de cette marche que lorsqu'ils furent parvenus à Ez-Zeboudj-el-Jabessa, dans l'Oudjer. Ils atteignirent Choa'b-el-K'of't'a' et arrivèrent au-dessous de MoulaÏ-Abd-el-Kader, Les cavaliers mirent pied-à-terre. Là, nous offrîmes la bataille. Ils nous canonnèrent, puis allèrent dresser leur camp au-dessous d'Aîn-es-Solt'an ; le lendemain, ils étaient à Miliana, Après un séjour de trois jours, ils partirent pour Médéa, d'où, après avoir passé la nuit, ils se mirent en route pour Alger (1840). D'avance nous avions placé les soldats réguliers à Zeboudj-elA'zara. Lorsque la colonne française parut, elle fut assaillie par nous jusqu'à EI-Mesra (...) mais quelques goums arabes les suivirent. Au bout de quelques temps, les Français firent trois sorties successives; ils n'eurent à combattre que les goums arabes. Quant à nous, désirant enlever le troupeau de bœufs de la garnison de Médéa, nous tentâmes un coup de main. Certain jour, au lever de l'aurore, nous nous embusquâmes dans El-Ouez , De cet endroit nous fondîmes sur la garde. Deux oudïa (gardiens) furent pris ; le troisième nous échappa, parce que le canon nous obligea de revenir sur nos pas. Nous fîmes vingt-cinq prisonniers (...) Ensuite nous allâmes camper au lieu dit Tibechtim. Au bout de trois jours, nous nous transportâmes au pont du Chelif. Nous y passâmes l'été et l'automne; puis une maladie ayant passé, les cavaliers se rendirent dans les A't't'af, les réguliers montèrent Ez-Zeboudj, et nous entrâmes à Tak'edemt. De là, nous marchâmes dans l'Est. Une colonne française étant sortie d'Alger, elle se rendit à Médéa, De celle ville, elle alla à Miliana par les Choa'b-el-K'ot't'a', et revint à Médéa. Nous lui livrâmes combat à Medjeniba, Quelques Arabes et quelques réguliers furent pris. Alors les contingents arabes s'enfuirent, Ensuite les réguliers vinrent à Ez-Za'rour, et les Français rentrèrent à Alger. Une antre colonne française ne tarda pas à se rendre à Miliana. De là, elle marcha dans l'Ouest, afin d'enlever la zemala de Sid Mohamed ben A'lIal, campé en ce moment à Douï. Les objets mobiliers et les tentes restèrent au pouvoir des Français; les gens avaient eu le temps de s'enfuir. Tous les musulmans se battirent, mais ils furent obligés de céder. El Hadj Mohi-ed-Din fut tué d'une balle, et cinq autres avec lui. La colonne française revint sur Miliana auprès de Moulaï-Abd-el-Kader. Après avoir laissé une garnison dans celle ville, elle alla à Médéa, où elle passa trois jours. Enfin, elle se mit en marche pour Alger. (...) Après cela, il y eut un échange de prisonniers. Puis nous allâmes opérer des r'azias du coté de Mascara, Mais une colonne française sortit d'Oran et se dirigea sur Tak'edemt. D'étape en étape elle y arriva, malgré l'engagement qu'il y eut entre elle et nous auprès de Chiki-ben-Aïna, dans les Flita, où nous eûmes quinze cavaliers de tués. Les Français pénétrèrent dans Tak'edemt et se mirent à tirer des coups de canon sur le bordj du sultan. Ne voyant paraitre personne, ils continuèrent le feu et le démolirent. Ils détruisirent également El-fabrica (la manufacture de poudre) qui se trouvait au-dessous du bordj. Le lendemain, ils se mirent en roule pour Mascara. Soutenus par les goums des Harrar, nous les assaillîmes ; néanmoins ils continuèrent leur marche par étapes et atteignirent cette ville. Après y avoir laissé une garnison, ils la quittèrent, Nous les suivîmes jusqu'à Ak'bet-el-Melah. Quand ils furent au bas de la descente, nous les attaquâmes avec tant de vigueur que nous crûmes pouvoir les prendre tous. Si nous avions eu des fantassins avec nous c'était fait. Mais ils nous repoussèrent... (...) Ce ne fut qu'au bout d'un très long temps que les Français se décidèrent à quitter Mascara pour faire une expédition, Ils vinrent camper à Nedjmadi. Ignorant où nous étions, ils retournèrent sur leurs pas et campèrent dans les Oulad Lekred, Les Hamal' ayant voulu les rejoindre, nous leurs barrâmes le chemin. Un combat terrible s'engagea alors entre eux et nous. Enfin, les Harrar s'enfuirent, nous ayant à leur poursuite. On nous avait dit que la colonne française était rentrée à Mascara; mais les Harrar savaient parfaitement qu'il n'en était rien et qu'elle était en campagne. Il tombait une pluie fine, et nom' poursuivions toujours les Harrar, quand tout-à-coup apparut le campement de la colonne française, caché derrière une colline. Aussitôt les trompettes se mirent à sonner, les chasseurs et les spahis montèrent à cheval el s'élancèrent sur nos traces. Nos chevaux étaient fatigués de la course qu'ils venaient de fournir contre les Harrar; aussi les Français nous en prirent-ils. Le krazenadar ben Abbou (?) fut tué et A'bd-el-Kader-ben Rabha, ar'a des cavaliers réguliers (kr'iala), fut pris et vingt-quatre autres avec lui. Celle journée fut appelée affaire de la prise des chevaux (...) De retour à la Zemala, nous y séjournâmes un certain nombre de jours. De là, nous fîmes un retour offensif sur les Keraïch, les Beni-Tir'erin et les Benl-Aourar. Mohammed ben El hadj fut pris par nous et envoyé à la Zemala, pour y être tué, Nous poussâmes jusqu'aux Oulad-Kr'ouïdem, qui furent complètement pillés. Cinq cents des leurs furent tués. Après être revenus sur nos pas, nous allâmes chez les K'abyles où nous demeurâmes longtemps, puis chez les Beni?Menasser.. Mais les Français de Cherchell ayant opéré une sortie, ils nous battirent et nous fîmes obligés de battre en retraite sur les Bou Rached (Beni-Rached ?) que nous r'azàmes. De cet endroit, nous passâmes dans l'Ouan ?es ?Serir ( Ouanseris), auprès de Moulaï El Arbi. Les Arabes nous hébergèrent et nous offrirent la d'ifa. (...)La nouvelle que les Français marchaient sur la Zemala nous étant parvenue de Mascara, le sultan me dit « El-Hosin-ben Abi- Taleb, les Français sont mis en route pour enlever Ia Zemala. Les Kriala et leurs ar'as, ainsi qu'un chef pour les contingents arabes vont demeurer ici. Toi, liens-toi prêt à partir avec la troupe.» Le sultan vint alors s'établir au Nad'or, avec une faible quantité d'hommes. Les colonnes françaises de l'Ouest s'avancèrent; elles marchèrent vers le Sud, puis elles revinrent. En même temps une autre colonne sortait d'Alger. Le fils du roi et des contingents indigènes étaient avec elle ; nous n'entendîmes point dire qu'elle avait la Zemala pour objectif. Cependant nous étions toujours campés avec les Kr'iala, dans les Flita, et le sultan était dans le Nad'or. La garde de la De'ira était confiée à El Mouloud ben A'rach, K'adour ben A'bd-el-Bakri, El Habib?ben-Trari, ar'a des soldats, El Moussoud et Aïd, aussi ar'as des soldats. Enfin, les Français, venant de Moslar'anim (Mostaganem), guidés par Oulid EI-Mokhfi, se mirent en mouvement. Ils tombèrent sur les Beni.Mosselem, qu'ils se mirent à r'azer et à piller. Nous ne fûmes informés de ce fait que par un cavalier arabe. Les Français avaient lancé en avant des chasseurs seulement, et l'infanterie suivait (...) Quelques jours après, nous recevions des nouvelles du sultan. Sa lettre nous annonçait que la Zemala et la Deïra avaient été enlevées par la colonne française partie d'Alger. Nous fûmes anéantis. Cependant les Français avaient installé une garnison à Tih'aret (Tiaret), dans la montagne. La garnison de ce poste, avec les Harrar, marcha sur Bou Temra et r'aza quatre campements dés Oulad Lekred, Les Kr'iala reçurent l'ordre de monter à cheval, et nous combattîmes les Français qui furent ramenés sous Tih'aret après une lutte acharnée. Ensuite, nous nous rendîmes à la Zemala avec les Kr'iala. Nous y passâmes quelques jours, pour venir après camper dans les hachem; la daïra était à Neh'ar Anacel. (...) Après cela, nous nous rendîmes chez les Cheurfa de Flita. Une distribution de poudre leur fut faite, et ils se joignirent à nous. Alors laissant les goums à la Zemala, nous envoyâmes les réguliers et leurs ar'as vers Tih'aret, en recommandant à ceux-ci de s'embusquer non loin de ce poste, pendant que nous attaquerions les Harrars. Ces dispositions prises, nous quittâmes, en effet, les Sebaïn-Aïn (Tagim) avec les goums qui furent divisés entre le K,r'alifa et El-Hadj-Moçt'afa et A'dda-Ould-Neïrech, al''a des Hachem Ech-Cberraga, pour aller attaquer les contingents ennemis campés auprès de ?I'iah'aret. Après une marche rapide nous les atteignîmes ; mais ils avaient cu connaissance de notre mouvement et étaient venus à notre rencontre. Le combat s'engagea. La garnison de Tih'aret, en entendant le bruit de la bataille, fit une sortie; elle se heurta aux réguliers. Le poste lança des coups de canons à ceux-ci, les Harrar, voyant la tournure que prenait l'affaire, s'enfuirent. Ils furent poursuivis par nous jusqu'à la Mina. A cet endroit ils voulurent résister encore; mais ils furent contraints de continuer leur fuite et d'abandonner leurs troupeaux de moulons, qui furent pris, parce qu'Ils étaient restés en deçà de la rivière (...) Ensuite les troupes furent fractionnées, Sid El~hadj Moçt'afa eut sous ses ordres les Kr'iala, commandés par Bou A'llam, ar'a, et Mohammed ben A'llal les soldats réguliers. Ceux-ci se trouvaient sans ar'a : ce fut Bel Abbas qui en remplit les fonctions. Alors nous marchâmes, en compagnie du sultan, vers Sid A'bad, dans le sud-ouest de Tih'aret ; la daïra était avec nous. Arrivé Sur le territoire des Hassasna, la daïra s'enfonça dans le Sud, et notre camp fut installé dans cette tribu afin d'enlever le blé et l'orge de leurs silos. Duran ce temps, les Hassasna s'étaient rendus auprès des Français qui mirent une de leurs colonnes en mouvement. Cette colonne était commandée par le général Sirach (?) Un beau matin, elle arriva près de nous, sans que nous ayons eu connaissance de sa marche, précédée par les contingents des Hassasna, Ceux- ci s'étant avancés, se mirent à nous envoyer des balles jusqu'au milieu du camp, Le Sultan se mit aussitôt en selle, ainsi que nous; et nous nous élançâmes contre les cavaliers arabes, qui avaient ouvert le feu sur nous. Nous les chargeâmes, ignorant complètement qu'ils étaient suivis d'une colonne française. Les Hassasna s'enfuirent, nous suivîmes leurs traces et les ramenâmes jusqu'au général Sirach. Alors les Français ouvrirent le feu. Le cheval du sultan fut tué. Après un moment de stupéfaction, causé par cet événement, nous nous éloignâmes des Français. Nous pûmes saisir le k'raliîa du Bach Saïs (palefrenier en chef), nommé Cohnan, lequel était monté sur les chevaux du sultan. Celui- ci étant en selle, nous primes la fuite. Son premier cheval blessé resta sur le champ de bataille fut pris par les Français, ainsi que sa selle. Les chasseurs et les goums des Hassasna s'élancèrent à notre poursuite. Les Français, ayant, atteint les soldats réguliers, en tuèrent trois cents ou davantage. Le sultan eut le kr'alita du bach-Saïs - Cohnan - tué, ainsi que son cuisinier. Notre camp, avec tout ce qu'il contenait de blé et d'orge et autres choses, demeura aux mains de l'ennemi. Les chasseurs étaient toujours à notre poursuite, ainsi que les goums des Hassasna ; ils nous enlevaient nos chevaux. Enfin, ils parvinrent à nous rejoindre; mais nous fîmes un retour offensif et nous pûmes reprendre quinze chevaux. A ce moment, si les chasseurs avaient continué la poursuite, ils s'emparaient du sultan; mats heureusement ils retournèrent sur leurs pas. (...) Nous restâmes campés jusqu'au jour où nous reçûmes une lettre du sultan, par laquelle il nous prévenait de nous rendre dans l'Ouest, à El Gor. Il avait réuni les goums les Djea'fa et desHomeïan, et nous devions lerejoindre avec lesOulad-Baler', les Beni-Maeher, les Oulad Melouk el les EI-Ougad, commandés par Ould El Imam, qui, après s'être soumis aux: Français, les trahissait pour revenir à nous. Nous levâmes aussitôt le camp, et primes à travers les bois. Il pleuvait beaucoup ce jour-là. Une partie des réguliers qui étaient allés dans lesOulad-Kr'abel pour acheter des vivres ! revinrent avec nous; les autres avaient été pris par la colonne française qui se trouvait dans cette tribu. Nous marchâmes par étape jusqu'à ce que nous fussions parvenus sur le territoire des Oulad-Sid-Yahya, en avant d'Abekir et des maisons. Nous sortîmes du bois et campâmes au-dessous d'un mamelon. Abekir et les maisons nous restaient dans l'Ouest. Là, nous reçûmes une lettre des Français. Ils nous disaient: « Nous ne cherchons que la paix, venez à nous ce soir.» Nous pensâmes que celte lettre était un stratagème et que le fait ne pouvait être vrai. La colonne française était proche de nous, et nous l'ignorions complètement. Sid K'addour ben Rouila et tous les Musulmans étaient joyeux, Dieu ayant amené le malin, nous fîmes une distribution de viande de mouton, car nous ne vivions que de viande. Les soldats se mirent à préparer leur repas; une partie d'entre eux réussit et mangea. Il tombait une pluie fine. Tout à coup des réguliers qui rôdaient dans les environs aperçurent les Français qui s'avançaient sur nous. Aussitôt, ils se mirent, à crier de toutes leurs forces:» Nous sommes surpris. « Aussitôt, nous nous élançâmes à cheval et les tambours battirent. Il y avait un mamelon entre nous et les Français. Un cavalier de l'ar'a ben Yahïa fut envoyé en éclaireur; il vint dire que les Français étaient proches. Alors, Mohammed ben Allal se mit en selle sur son cheval gris, appelé Bou Hamid, et avertit les réguliers. Ceux-ci, ainsi que lesKr'iala, étaient peu nombreux. Sur 1.200 hommes, la moitié avait fui sur une colline, qui se trouvait à l'Ouest. Le reste était demeuré avec nous. Enfin, la colonne française apparut sur le mamelon. Les spahis tirèrent leurs sabres et se précipitèrent sur nous de la même façon que le faucon sur le passereau. Les réguliers perdirent la tête j leur drapeau fut enlevé. Les Français continuèrent à frapper et a tuer les Musulmans ... Les réguliers s'enfuirent devant eux mais les Français s'acharnèrent et s'avancèrent vers nous. Nous étions avec Sid Mohamed ben Allal. Nous nous séparâmes, et je piquai seul vers le nord... (...) Celui qui a tracé ces mots est le serviteur de Dieu, Mohammed' El Abi T'aleb ben K'ada ben Mokr'tar, dont la demeure est à Kacherou, pays d'oliviers, de figuiers, de jardins et de ruisseaux. - l'ai placé des mots avant d'autres (mais je suis excusable), car la santé d'esprit ne s'allie pas à l'emprisonnement. Il est Probable que le bélier revient un jour .Le monde n'a pu rester vide depuis Adam jusqu'à nos jours. Des générations se sont éteintes et remplacées d'une manière plus forte. Aujourd'hui, Dieu en a décidé ainsi, je suis avec les Français. Un jour est tout joie et tout allégresse, le lendemain est tout malheur, tout pleurs et tout remord. Aujourd'hui est pour nous; demain est contre nous. Salut. Terminé par la grâce de Dieu et avec son aide admirable, année 1264, de novembre 1847 à octobre 1848. Salut.» (*) El-Hossin ben A'li ben Abi T'aleb, cousin ?germain d'El Hadj Abd'El Kader). Récit traduit par Adrien DELPECH (Interprète judiciaire). Publié dans la Revue africaine, volume 20, N. 119-120, pp. 417-455 (Sept.-Nov. 1876 /A. Jourdan, libraire-éditeur Constantine Arnolet, imprimeur libraire rue du palais Paris 1876) |
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