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Une campagne médiatique
effrénée a été déclenchée ces dernières années pour dénoncer les agressions
sexuelles sur des femmes. Depuis lors, la parole féministe s'est « libérée »
pour vitupérer les crimes de nombreuses personnalités célèbres officiant dans
le monde de la culture, des affaires et de la politique.
Il est à noter que cette indignation a aussitôt fait l'objet de récupération par la classe dominante, relayée par les médias, sous forme d'une campagne de culpabilisation des hommes et d'appel à la délation opéré sur les réseaux sociaux via une application « les hommes sont tous des porcs ». Disons-le nettement : cette campagne de victimisation, idéologiquement instrumentalisée par la bourgeoisie, a pour dessein de transplanter l'antagonisme social sur le champ du conflit sexuel : « femmes contre hommes ». Avec une exploitation sournoise des traditionnelles thématiques morales fondées sur le puritanisme et la pudibonderie, comme au temps obscur des sociétés archaïques religieuses sexuellement ségréguées. Dans cette campagne de revendications séparatistes sexuées, d'aucuns se sont empressés de réclamer l'instauration d'une « loi réprimant le harcèlement de rue » (incluant la traditionnelle « drague » désormais assimilée à de l'agression), aspirant transformer ainsi les artères en zones parsemées de zombies, en endroits de défiance, de méfiance, de silence. Gare à celui qui s'égare par un regard dénué d'égard. Attention à celui qui manifeste quelque geste leste. Gare à celui qui ose quelque prose en guise de roses à celle qui affiche une coquette pose. La cause est entendue. Désormais les relations sont tendues. Et les contre-attaques féministes rendues. Ainsi, par la propagation de cette psychose misandre est radicalisée la division sexuée de la société, pour le plus grand profit de l'ordre capitaliste qui œuvre à la fragmentation sociétale et à la fracturation de la société. À l'instar des sociétés des États-Unis et du Canada, façonnées par les séparatismes et la distanciation sociale, le cloisonnement relationnel sexué marquera bientôt les rapports humains. Partout, dans ces deux pays segmentés en de multiples communautés hétérogènes, en cas d'infraction des gestes barrières sexués, au sein des entreprises comme dans la rue, l'homme s'expose à des poursuites judiciaires pour un regard jugé concupiscent, un geste réputé tendanciellement obscène, ou une parole tenue pour tendancieuse. Au point où la mixité dans les lieux de travail et l'espace public est devenue aujourd'hui problématique en raison des potentielles accusations d'agressions sexuelles portées par les femmes contre tout homme à la familiarité jugée par trop câline. Aussi, réduits à des automates, ces hommes et femmes doivent-ils brider leurs sentiments, surveiller leurs gestes, censurer leurs paroles. En somme, ils doivent se défaire de toute familiarité affectueuse, se délester de toute séduction galante. Bref, ces femmes et hommes, déjà intellectuellement lobotomisés, sont condamnés par la société robotisée à se départir de tout contact réellement humain. Il est à noter que cette mode intervient curieusement à une époque d'islamisme rigoriste répandu partout dans le monde, marqué par le rejet et l'interdiction de la mixité dans l'espace public, l'encagement vestimentaire ségrégationniste de la femme. Cela interpelle. Dans les périodes de résurgence de politiques réactionnaires les diverses bigoteries religieuses et « laïques » font bon ménage, notamment parmi les femmes réputées pour leur propension atavique à épouser les idéologies conservatrices. Les petits et infâmes esprits se rencontrent, au-delà des époques et des frontières, et par-delà leurs divergences religieuses et différences culturelles, pour imposer un puritanisme républicanisé inquisitorial. Ces projets de séparatismes et de ségrégations sexuées en vogue actuellement participent de la politique de morcèlement du prolétariat en de multiples entités sociologiques disparates. Ils signent le parachèvement de l'aliénation du prolétariat, désormais dilué dans des microsociétés aux intérêts antinomiques, au grand bénéfice du capital toujours solidement uni. Partie des États-Unis, au lendemain des accusations de viol portées contre le producteur américain Harvey Weinstein, cette campagne misandre s'est exportée, tel un produit marchand judiciairement lucratif, dans de nombreux pays, notamment en France. Certaines féministes se sont engouffrées dans la brèche hollywoodienne avec un vagissant plaisir. Dans leurs délires hystériques, elles invitent toutes les femmes à se muer en délatrices sur le web, puis dans le réel, pour dénoncer les « prédateurs ». « Le Mâle, c'est le Mal absolu », semblent-elles penser. Le féminisme ne dénonce ainsi jamais le capital, ni le salariat. Mais uniquement le patriarcat (par ailleurs consubstantiellement inhérent aux sociétés de classe, donc au capitalisme qui, soit dit en passant, a œuvré à la dissolution du patriarcat, notamment dans les pays développés modernes). Bienvenue à l'érection du sociétal en instrument de combat, de débat, d'ébat. Adieu à la problématique sociale, à la Question sociale, à la revendication sociale, à la lutte sociale. L'entre-jambe est devenu la caisse de résonance des frustrations sociales, et surtout l'arme de dissonance libertaire sociétale. Le paradoxe de ce néo-féminisme, c'est qu'il séduit et triomphe par sa seule visibilité sur les grandes chaînes audiovisuelles des puissants, dans un espace médiatique largement coupé des rapports sociaux. À l'inverse du féminisme radical d'antan qui triomphait par son ancrage dans le mouvement de luttes sociales et politiques émancipatrices. Ainsi, on est passé du féminisme radical au féminisme ridicule. Du féminisme respectable, au féminisme spectacle, tant il s'apparente à une comédie militante ; voire spectral, tant il suinte de tous ses pores la morosité combative. À titre d'information, il n'est pas inutile de rappeler que durant la Commune de Paris comme pendant la Révolution russe et Mai 68 (ni durant la guerre de Libération de l'Algérie) on n'avait jamais observé l'émergence de mouvements féministes. Car le combat total et radical engagé impliquait la participation égale des femmes et des hommes. Les revendications n'étaient pas segmentées, les luttes parcellisées, « genrées ». La question de la femme s'intégrait dans le combat de l'émancipation intégrale de la communauté humaine. Elle s'inscrivait dans le combat collectif de l'affranchissement de toutes les formes d'oppressions. Ces oppressions qu'on continue encore de subir, femmes et hommes, particulièrement en cette période covidatoire marquée par la militarisation de la société, le durcissement autoritaire étatique. Dans cette société du spectacle, chacun peut jouer la comédie, pour mieux masquer la tragédie de sa vie. Le combat féministe est devenu ainsi une lubie petite bourgeoise étroitement communautaire. En effet, en quoi l'agression d'une femme, le viol d'une femme, concernerait-il uniquement les femmes ? Ces agressions et ces viols ne relèvent-ils pas plutôt d'un problème de société qui concerne tous les individus, sans distinction de sexe ? Et leur traitement ne doit-il pas prendre place dans le cadre d'une interrogation globale sur l'incapacité du système capitaliste à instaurer des rapports d'égalité entre hommes et femmes. Ces comportements criminels ne dévoilent-ils pas l'incapacité de cette société capitaliste prétendument civilisée à protéger les femmes, à affranchir l'homme du carcan patriarcal ? D'offrir une égalité réelle entre hommes et femmes ? Des rapports authentiquement humains ? Ne révèlent-ils pas la nature encore archaïque de cette société marquée par la mentalité patriarcale, la prégnance de la misogynie, la phallocratie. D'où il résulte qu'un siècle de luttes féministes dans le cadre du système capitaliste criminogène n'a en rien modifié les comportements des hommes. Quoi qu'il en soit, l'indignation morale des féministes face aux humiliations et dégradations réservées aux femmes révèle leur impuissance à comprendre que le capitalisme recèle toutes les formes d'injustices inhumaines, qu'aucune instance, encore moins féministe, ne peut endiguer. Seule une transformation sociale, autrement dit une révolution, peut anéantir toutes les formes d'oppression et d'exploitation, avec leurs lots d'humiliations sociales des travailleurs, de dégradations comportementales des femmes. Tant que survit le capitalisme, les rapports sociaux de domination perpétuent et la subordination du travailleur et l'infériorisation de la femme. Comme l'a écrit August Bebel dans La Femme et le Socialisme, qui demeure encore d'une grande acuité : « Ce que l'on nomme la question des femmes ne constitue donc qu'un côté de la question sociale générale. Celle-ci agite en ce moment toutes les têtes et tous les esprits ; mais la première ne peut trouver sa solution définitive qu'avec la seconde ». Il appert du constat historique que le féminisme se répand surtout en période de « paix sociale », de reflux de lutte des classes, d'amollissement politique, d'apathie militante, de fléchissement de la conscience de classe. Comme la nature a horreur du vide, les néo-féministes sectaires se sont engouffrées dans cette brèche de vacuité politique pour imposer leur agenda sociétal. Au reste, il n'est pas inutile de rappeler qu'il n'y a jamais eu autant de mouvements revendicatifs parcellaires dans l'histoire comme à notre époque. Le mouvement féministe, le mouvement écologiste, le mouvement antiraciste, le mouvement homosexuel, transgenre, le mouvement de la protection des enfants, des animaux, etc. C'est l'ère de l'émiettement des luttes, garantes du raffermissement du capital. Parallèlement, il n'y a jamais eu une période, comme la nôtre, marquée par le démantèlement des acquis sociaux, la dégradation des conditions de vie, de l'écosystème, la régression politique, l'expansion du chômage, de la misère, de la famine, des guerres généralisées, d'exodes massifs, de pathologies psychiatriques, le délitement des liens sociaux, la déstructuration des familles, les violences intrafamiliales, la militarisation de la société, les répressions policières, etc., dans le silence criminel de toutes les organisations politiques de gauche et des centrales syndicales. L'activisme effréné féministe symbolise l'incapacité de ces militantes à transformer leur propre vie socialement et humainement misérable. Le féminisme petit bourgeois activement militant, s'il refuse de se soumettre à la prétendue puissance phallique de l'homme, en revanche accepte servilement la dictature du capital, la condition salariale esclavagiste, la misère sociale. Le féminisme ne cible pas le capital ou la dégradation des rapports humains, engendrée par la société bourgeoise décadente. L'ennemi, c'est l'homme, accusé de perversion et affublé d'une puissance fantasmagorique. Par cette focalisation sur le mâle, le féminisme contribue à dissimuler la perversité mortifère et la puissance destructrice inhérentes au système capitaliste. Certaines féministes, favorisées par un climat de déchaînement hystérique misandre, n'hésitent pas à proclamer que la violence et l'exploitation existent seulement par la faute des mâles (exonérant ainsi le capitalisme, l'impérialisme). Et pour y remédier, il suffirait d'enrayer cette moitie nuisible de l'humanité, permettant ainsi l'avènement d'un monde composé exclusivement de femmes dont la reproduction serait garantie grâce aux progrès de la biologie, notamment à la procréation médicalement assistée (PMA). Historiquement, le féminisme incarne le processus d'un mouvement généré par le capital, en particulier dans les pays occidentaux. Un mouvement historique qui a soustrait la femme à sa condition ancestrale par la transformation des rapports entre les sexes, entraînant la dissolution progressive de la société patriarcale. Sans conteste, ce n'est pas le féminisme qui a provoqué la désagrégation du patriarcat mais le capital par la précipitation des femmes dans le salariat, induisant la réduction du temps et de l'activité voués aux fonctions maternelles et domestiques. Par ailleurs, par le progrès de l'industrie la force physique, autrefois concentrée par l'homme, est devenue l'apanage des machines. De même, par l'étatisation de la société, la violence est occupée par les armes à feu, souvent propriété de l'État, qui exerce la violence légitime sur l'ensemble de la population opprimée, sans distinction de sexes. De fait, dans les sociétés capitalistes développées, et la force physique masculine et la « violence légitimée » mâle ont été ébranlées, supplantées, détrônées par le progrès technologique et le Léviathan étatique, désormais maîtres absolus du Monde. L'homme, cet être aux pieds d'argile, a été descendu de son piédestal, réduit à partager le même sort que la femme. Par ailleurs, de nos jours, contrairement à l'époque antérieure, la fonction maternelle ne définit plus la femme. Elle n'existe que par sa fonction d'esclave-salarié, en termes sociologiques, par son statut social professionnel. Au reste, statistiquement, au plan de la richesse nationale, le travail domestique des femmes n'est pas comptabilisé. En d'autres termes, l'activité effectuée au sein du foyer n'a aucune valeur. Pourtant, pour ne citer que le cas de la France, selon un rapport de l'Institut national de la statistique et des études économiques (l'Insee), les tâches ménagères et éducatives représentent plus de 60 milliards d'heures par an, soit un tiers du produit intérieur brut. On prétend que le capitalisme a libéré la femme. Or, comme on vient de souligner, il l'a émancipée uniquement pour l'intégrer dans le procès de production capitalistique en vue de l'accumulation. Ainsi, le travail domestique et éducatif (faire la cuisine, le ménage, étendre le linge, s'occuper de l'éducation des enfants, etc.) est une activité non rémunérée, effectuée gratuitement pour le plus grand profit du capital qui bénéficie de cette main-d'œuvre gratuitement. Selon cette même étude, les femmes consacrent entre 28 et 41 heures par semaine aux tâches domestiques et éducatives. « Ces services ne sont pas comptabilisés dans le PIB, alors qu'ils le seraient si nous les achetions, sous la forme par exemple d'heures de ménage » soulève l'Insee. En attribuant des prix à ces heures (basés sur le salaire spécialisé horaire, le smic brut ou le smic net), l'Institut estime que le travail domestique représente au moins 292 milliards d'euros, et jusqu'à 1.366 milliards d'euros. Soit 15 à 70% du PIB. Autrement dit, du point de vue comptable, la femme est doublement spoliée : au travail, par le vol de la plus-value qu'elle génère accaparée exclusivement par son employeur ; à la maison, par la « captation » de son temps libre accaparée par des activités « d'intérêts nationaux », effectuées, sans rémunération, pour la préservation et la reproduction de l'humanité. De manière générale, avec la généralisation du salariat à l'ensemble des prolétaires, l'ancestrale division du travail entre les sexes a volé en éclats. Et c'est le capital, et non le combat féministe, qui a érodé les fondements du patriarcat, autrement dit les relations hiérarchisées entre hommes et femmes. Nul doute, le féminisme s'inscrit, par ailleurs, dans le contexte de «sociétalisation» de la vie quotidienne, délibérément expurgée de sa dimension sociale conflictuelle et politique émancipatrice. Il participe de la dissolution de la question sociale dans des revendications parcellaires sociétales, incarnées notamment par les LGBT, les mouvements communautaristes. Or, en réalité, l'aliénation de l'homme a pour pendant l'aliénation de la femme. Certes, l'extension du salariat féminin a permis la libération de la femme par sa soustraction à l'univers borné de la vie domestique, lui conférant par ailleurs une indépendance financière. Cependant, cette libération s'effectue encore sur le mode capitaliste. Il est indubitable que ce mouvement ne permet aucunement l'abolition de l'assujettissement de la femme, étant entendu qu'il le reproduit sous des formes innovantes, le salariat, derrière forme d'exploitation et d'oppression développée par le capitalisme. Au sein du mode de production capitaliste, hommes et femmes, indistinctement, sont asservis à l'exploitation salariale. Cependant, quoiqu'elle prétende avoir libéré la femme, la société capitaliste enferme encore la femme dans des fonctions subalternes à caractère domestique. En effet, la répartition, en matière de l'activité professionnelle, des fonctions demeurent encore sexuellement discriminatoire. Globalement, les femmes sont massivement employées dans les secteurs à dominante éducative et hospitalière (enseignement, personnel soignant- n'est-ce pas son rôle essentiel au cours de l'histoire : éduquer ses enfants et «soigner» son mari -), les secteurs à faible qualification (caissières, femmes de ménage, secrétariat, employées, vendeuses, etc.). En réalité, le capital a libéré la femme des tâches éducatives et domestiques familiales exercées sous l'autorité de son mari (quoique c'est faux puisqu'elle continue, comme on l'a indiqué plus haut, à remplir gratuitement ses tâches mais, indirectement, au service de la société, notamment par l'éducation des enfants, futurs forces-esclaves destinées à être achetées par les capitalistes), mais c'est pour la transformer en esclave-salarié accomplissant des fonctions subalternes sous l'autorité de son patron. Dans la société capitaliste « hautement civilisée », les femmes «cessent d'être des mères» pour s'occuper des enfants et des adultes dans les crèches, les écoles, les hôpitaux, etc. ; d'être des épouses pour servir comme secrétaires leurs nouveaux «tuteurs professionnels», ces «petits pachas bureaucratiques». Force donc est de relever que l'activité principale des femmes ne s'exerce pas dans la production réelle, ni dans la création et la conception, encore moins la direction, mais dans les « activités occupationnelles », assignées aux fonctions éducatives, ménagères, sanitaires, autrement dit toujours au service des personnes. Singulière émancipation que celle de la femme moderne, arrachée au patriarcat avilissant pour sombrer dans le salariat déshumanisant ! Dès son surgissement, le féminisme s'est inscrit dans le processus de dissolution des ancestrales structures sociales et familiales, impulsé par le capital, visant l'intégration directe des femmes dans le procès de production. Le féminisme s'appuie sur la pauvreté existentielle et relationnelle de la femme petite bourgeoise pour prospérer sur des revendications parcellaires et particularistes. Il incarne moins un combat social contre l'infériorisation de la condition féminine qu'un conflit psychologique de la femme moderne, tiraillée par ses fonctions contradictoires induites par les transformations sociales et économiques. Le drame de la femme moderne, depuis l'effondrement de l'ancienne société patriarcale où la femme disposait d'un statut certes inférieur, c'est qu'elle n'existe plus en qualité de femme mais comme simple « citoyenne et prolétaire » invisible, contrainte par ailleurs de batailler, dans une société fondée sur la compétition et la performance façonnées par les hommes, pour s'insérer socialement et économiquement. Faute de pouvoir exister en tant que femme (avec tous les honneurs dus à son statut de femme protégée par les anciennes formations sociales), dans une société fondée sur l'indistinction et l'invisibilité des sexes, sinon comme salarié anonyme, la femme, pour manifester sa frustration, fustige l'imaginaire société patriarcale (depuis longtemps disloquée par le capital), incrimine le fantomatique autoritarisme du mâle (en vérité depuis longtemps désintégré par le capital, autorité transférée à l'État qui l'exerce violemment contre l'ensemble des membres dominés de la société), rendu responsable du déclassement de la condition féminine. Jadis, dans les anciennes sociétés, la galanterie mettait la femme en valeur. Aujourd'hui, la galanterie de la valeur du capital est d'aliéner la femme. Depuis son apparition, le capital ne reconnaît les hommes et femmes que par leurs fonctions. Aussi, ignore-t-il la différence des sexes. Si, autrefois, la femme était reconnue et valorisée pour ses « attributs » de reproduction humaine, assurant la descendance de son mari au nom du système de filiation patrilinéaire, à l'époque contemporaine, la fonction maternelle ne définit plus la femme. La femme moderne n'existe que par sa fonction d'esclave-salarié, sa force de travail assurant la production du capital et, par conséquent, l'enrichissement de ses anonymes patrons, Ses nouveaux et véritables maîtres. Pour autant, le féminisme, idéologie bourgeoise par essence, étant le produit du capital, ne peut saisir cette dimension aliénante de la femme moderne, comprendre l'asservissement social et la pauvreté humaine de la femme contemporaine prétendument émancipée. Axé essentiellement sur la fustigation des hommes accusés d'être en position de domination, cultivant une opposition radicale entre hommes et femmes, le féminisme petit bourgeois se révèle également incapable d'apporter la moindre critique objective des comportements masculins toxiques. La haine réactive engendre inévitablement l'agressivité réelle ou symbolique. On ne bâtit pas des relations apaisées avec la haine et l'agressivité. Telle est la caractéristique essentielle du féminisme petit bourgeois occidental : à l'image de l'ensemble de la société décadente dans laquelle il évolue, il est haineux et agressif. Le féminisme contemporain est d'essence émotionnelle, et non pas rationnelle. Populiste, et non pas politique. De là s'explique l'émergence du mouvement féministe les Femen, connue pour sa nullité, illustrée par la provocation indécente de ses actions hystériques, mais, surtout, pour sa nudité, matérialisée par l'exhibition publique des seins de ses militantes en lutte (rut ?). Le féminisme, arme du capital, fonde son existence exclusivement sur le combat contre l'autorité masculine, incarnation de la famille patriarcale, selon les activistes féministes. L'ennemi, c'est l'homme, et non pas le capital. Le mal, c'est le mâle. Or, s'il y a « crise anthropologique », elle n'est pas féministe mais civilisationnelle, induite par l'implantation du système inhumain capitaliste. En effet, depuis l'extension du capitalisme à toute la planète, les sociétés sont confrontées à une profonde crise d'identité (personnelle, culturelle, sociale, religieuse, radicalement bousculée et basculée par le capitalisme), déstabilisant les rapports humains. Contrairement au discours idéologique propagé par le féminisme, le problème fondamental de l'époque moderne, travaillée par la déshumanisation des rapports sociaux, ne porte pas sur la question de l'autorité masculine. Mais sur la question de l'extension massive des contraintes multiformes avilissantes à l'ensemble des hommes et femmes du peuple, imposées par les gouvernants et les puissants, comme l'illustre dramatiquement notre triste époque covidatoire marquée par le despotisme gouvernemental exercé au nom du capital. Pour revenir à l'actualité, il est de la plus haute importance de relever que les néo-féministes se sont ébranlées seulement au moment où des célébrités rentrèrent spectaculairement en scène pour dénoncer les agressions et viols dont elles avaient été victimes de la part d'hommes haut placés mais aux mœurs déplacées. Elles sont de fait beaucoup moins promptes à s'émouvoir quand des femmes prolétaires anonymes sont agressées, exploitées sur leur lieu de travail. Osons le dire : par leur empressement à s'indigner contre les agressions sexuelles commises contre ces grandes Dames du sérail médiatique, politique et culturel, ces féministes exprimaient ainsi inconsciemment leur solidarité de classe. À cet égard, les comportements prédateurs exposés sous les feux de la rampe sont souvent l'œuvre d'hommes des classes opulentes dirigeantes. Détendeurs de pouvoirs dans différents secteurs économiques, politiques et culturels, ces hommes usent et abusent de leurs prérogatives pour assouvir leurs bas instincts sexuels, exercés au nom de leur droit patriarcal de cuissage. Ces pratiques de séduction forcée sont l'apanage de cette engeance lubrique établie dans les hautes sphères, dans les entreprises privées comme dans les administrations publiques, dans les secteurs culturels et médiatiques. Toutes les affaires d'agression sexuelle, comme celle de Harvey Weinstein, de Domonique Strauss-Kahn, Bill Clinton (l'affaire Monica Lewinski), Berlusconi (qui recrutait des jeunes call girls pour des « parties fines », parfois âgées de moins de 16 ans), sont révélatrices des mœurs dépravées des classes dirigeantes et opulentes. Ces mœurs se conforment à l'esprit de prédation de la bourgeoisie. Dans les hautes sphères, n'importe quel petit chef, grisé par le sentiment de toute-puissance et d'impunité, se meut en prédateur sexuel. Il profite de son pouvoir directionnel (érectionnel devrait-on l'appeler tant il se dresse dans toute sa hideuse puissance dominatrice) pour exiger, par le harcèlement et la pression, d'exercer son droit de cuissage. Aujourd'hui, un certain féminisme tente de culpabiliser tous les hommes. De désigner à la vindicte médiatique chaque mâle. D'abord en focalisant l'attention sur les femmes (trop nombreuses évidemment) mortes sous les coups de leur compagnon. Or, il s'agit d'un problème de société global, non pas féministe. Autrement dit, un problème généré par la société capitaliste vectrice de violences protéiformes. En effet, si, dans la société, plusieurs catégories sont opprimées, ostracisées, tels que les femmes, les immigrés, les homosexuels, les communautés ethniques, ce n'est pas en raison de leur particularisme, mais du fait de la particularité du capitalisme qui fonctionne sur la répartition des êtres humains en fonction de leur catégorie sociale, sur des rapports sociaux d'exploitation et d'oppression, ferments de concurrence de tous contre tous, d'esprit de domination et de prédation. Dans le système capitaliste, on devient toujours le « prolétaire », le « colonisé » de quelqu'un formé selon les normes de domination érigées en valeurs absolues par les structures de conditionnement de l'esprit. Une société de classe reproduit intrinsèquement des schèmes de pensée «esclavagistes», des structures mentales de domination véhiculées par les normes de socialisation dispensées par des institutions éducatives légitimant moralement l'asservissement salarial, la division sociale, l'inégalité économique, en un mot l'assujettissement d'une classe (aujourd'hui prolétarienne). Or le capitalisme est une société de classe, fondée sur l'exploitation et l'oppression. Aussi induit-il infailliblement, par reproduction de son système de valeurs de domination, des injustices, des rivalités, des conflictualités sociales, des rapports de force, notamment entre les sexes, communautés, ethnies, nations, etc. Par l'intériorisation des représentations mentales (ensemble structuré de croyances acceptées et partagées par la société) de domination, inhérentes aux sociétés de classe, les individus perpétuent des référentiels culturels et sociétaux archaïques, même au sein des sociétés modernes « démocratiques » prétendument sécularisées et émancipées. Ainsi, tant que le capitalisme domine la société, il y aura toujours des femmes opprimées, des communautés ostracisées, des nations dominées. Aucun aménagement politique, ni mutation mentale ne sont possibles au sein de cette société d'exploitation et d'oppression. Pour modifier les mentalités, il faut d'abord transformer le monde. Cependant, il est légitime que des femmes, révoltées par l'injustice réservée à la gent féminine, veuillent lutter contre ces discriminations sociales, les violences sexistes. Mais elles se fourvoient par leur engagement sur la voie d'un féminisme étroit, mouvement axé exclusivement sur la lutte pour « l'égalité entre les sexes », au sein d'une société capitaliste par essence inégalitaire et violente. Il s'agit d'un combat infailliblement voué à l'échec. Car la condition dégradée de la femme ne peut être pensée indépendamment du système capitaliste. Aussi, pour changer radicalement la condition asservie de la femme, il faut anéantir le capitalisme, responsable de l'avilissement de la condition humaine. Aujourd'hui, avec la médiatisation extrême des affaires de violence et de viol, il est légitime de s'interroger sur les véritables mobiles de ces couvertures médiatiques. Dans les périodes troublées comme celle d'aujourd'hui, il est clairement évident que la focalisation sur ces affaires permet d'éluder les vrais problèmes sociaux, de reléguer au second plan les difficultés économiques : explosion du chômage, augmentation exponentielle de la précarité, dégradation des conditions de travail, faillite de milliers de commerces et d'entreprises, gestion criminelle de la crise sanitaire, etc. À cet égard, il est important de souligner que la classe dominante, pour renforcer la croyance dans la démocratie bourgeoise, s'active à entretenir la propagande sur « l'inacceptabilité » de toutes les discriminations au sein du capitalisme. Aussi, pour lutter contre le racisme, la misogynie avec son corollaire de violences et de viols, il suffirait, selon elle, de s'en remettre à Sa justice (de classe). Or, aucune pénalisation des conduites avilissantes envers les femmes ne peut annihiler les violences et déviances sécrétées par une société fondée sur l'exploitation, l'oppression, l'inégalité sociale, la prédation, la concurrence, la répression judiciaire, la violence policière. Cette protection judiciaire offerte par l'État bourgeois ressemble à la corde qui soutient le pendu. Le capitalisme porte en lui la guerre comme les nuées l'orage, a dit Jaurès. De même porte-t-il en lui les maltraitances et les violences à l'égard du prolétaire, en général, et de la femme, en particulier. Sans absolument cautionner ni encore minorer ce dramatique problème de violences perpétrées contre les femmes (objet de notre prochain texte consacré au féminicide), on voudrait néanmoins dévoiler une autre violence encore plus dramatique et massive infligée à des millions de femmes et hommes dans le monde, sans qu'elle ne soulève ni indignation, ni protestation. Au contraire, personne n'en parle. Il n'existe aucune organisation qui combat ces viols psychologiques, ces harcèlements patronaux, ces génocides professionnels quotidiens perpétrés à petit feu dans le silence complice général. Il s'agit de la violence subie au travail, dans toutes les entreprises. Cette « violence professionnelle » tue et handicape des centaines de personnes par jour. Qui sait que les accidents du travail tuent un travailleur (sans distinction de sexe) toutes les quinze secondes. Soit 6300 personnes par jour (comparativement, l'éphémère Covid est un enfant de chœur). Au total, chaque année, depuis des décennies, 2,3 millions d'hommes et de femmes travailleurs sont tués sur leur lieu d'exploitation pour cause d'absence de mesures de sécurité, d'incurie criminelle des patrons. Sans compter les autres millions de travailleurs blessés, déclarés inaptes à vie. Véritable génocide perpétré dans les entreprises dans l'indifférence générale. Sans oublier toutes les autres formes de harcèlements infligés quotidiennement aux salariés dans les entreprises, véritables viols professionnels : brimades, suicides, aliénation. Les inégalités entre travailleurs « intellectuels » (grassement rémunérés) et les travailleurs manuels (misérablement payés), entre concepteurs (valorisés) et exécuteurs (méprisés). De cette inégalité entre travailleurs intellectuels et manuels, personne n'en parle, ne la condamne. L'inégalité des richesses entre la minoritaire classe dominante parasitaire et la majoritaire classe laborieuse, personne ne la dénonce. Le capitalisme est mortifère. Il pollue. Il est raciste, sexiste, impérialiste, toxique, nocive, pathogène, viral, létal. Aujourd'hui, il prouve qu'il est incapable de venir à bout d'un simple virus, du fait de sa sénescence, sa décadence. Le coronavirus a permis de dévoiler l'état de morbidité avancée du capitalisme, devenu dangereux pour l'humanité. Car, non seulement il a prouvé son incapacité congénitale à nourrir l'humanité, mais aujourd'hui il démontre notoirement son inaptitude à protéger l'humanité des maladies, notamment en raison du démantèlement des services sociaux et infrastructures hospitalières opéré ces dernières décennies, sans oublier son impéritie scélérate à nous prémunir contre les multiples catastrophes : feux de forêt, inondations. Certes, les mouvements féministes ne datent pas d'aujourd'hui. Mais, l'ancien féminisme radical s'inscrivait dans la dynamique d'émancipation humaine portée par les organisations ouvrières. En effet, le mouvement ouvrier avait mis en évidence la condition dégradée de la femme dans la société capitaliste. Dans son livre-enquête La Situation de la Classe laborieuse, Engels avait décrit les conditions inhumaines du prolétariat, en particulier celles des enfants et des femmes contraints de travailler dans les manufactures et les mines. Dans son autre ouvrage, L'origine de la famille, de la Propriété et de l'État, Engels avait établi que la situation de subordination des femmes est liée à la division de la société en classes sociales, à l'existence de la propriété privée. Il avait démontré que l'assujettissement de la femme à l'homme ne relève pas d'une donnée morale ou physique, mais de conditions matérielle et sociale. Certes, le mode de production capitaliste a permis à la femme de s'intégrer dans la production, mais sans annihiler les structures de soumission de la femme à l'homme, la mentalité patriarcale encore prégnante parmi certaines populations masculines de nombreux pays sous-développés. Autrement dit, le système capitaliste, dans certains pays conservateurs, perpétue l'infériorisation de la femme, son statut d'objet au service de l'homme. Quoi qu'il en soit, la libération et l'émancipation de la femme ne se réaliseront jamais dans le cadre de la société capitaliste. Le combat de la femme est consubstantiellement lié à celui de l'homme, son égal et vice-versa. Leur ennemi est commun : le capitalisme, les traditions archaïques oppressives, le patriarcat, les religions régressives et agressives, les comportements destructeurs, les attitudes antisociales, les valeurs marchandes, produits d'un capitalisme en putréfaction. Aujourd'hui, leur principal adversaire, c'est la segmentation de leur lutte en revendications parcellaires. L'esprit de corporatisme étroit du néo-féminisme actuel est préjudiciable au mouvement collectif d'émancipation humaine. Il contribue à l'accentuation de l'aliénation des peuples opprimés, du prolétariat. Faut-il mener un combat de classe émancipateur ou une lutte catégorielle d'aménagement sexuée au sein d'une société d'exploitation et d'oppression? Force est de constater que le mouvement féministe s'inscrit dans une dynamique de revendications interclassistes. Ses actions sont inévitablement circonscrites dans le cadre des structures sociales existantes. Aussi, demeurent-elles enfermées dans le registre légal circonscrit par le système dominant, dans une politique de supplication formulée à destination de l'État, seule instance, selon les féministes, habilitée à infléchir le pouvoir sexiste des mâles dominants, d'impulser une politique plus favorable aux « minorités opprimées », d'imposer une égalité de droits. Avec une telle orientation réformiste, la portée des revendications féministes ne peut dépasser le périmètre législatif contrôlé par des représentants par ailleurs réfractaires à toute modification du système dominant basé sur l'exploitation et l'oppression. Au reste, ce féminisme réformiste constitue un péril pour le prolétariat car il occulte le caractère de classe de la société, les rapports sociaux conflictuels (à suivre la logique du néo-féminisme dominant, toutes les femmes auraient les mêmes intérêts économiques et sociaux, l'ouvrière comme la bourgeoise). Ce féminisme est la voie royale du dévoiement de la lutte émancipatrice, de l'émiettement du combat salvateur, de la fragmentation de la conscience politique révolutionnaire. En un mot : de la stérilisation de l'affrontement de classe. Ce féminisme est le meilleur allié du capital. Il enferme la lutte dans le restreint cadre ghettoïsant de la défense parcellaire et interclassiste. Aussi, perpétue-t-il l'aliénation. Sans conteste, le mouvement d'émancipation féministe peut être comparé aux mouvements de libération nationalistes du XXème siècle. Tous deux, produits du capitalisme impérialiste, ont échoué dans leur entreprise d'émancipation socioéconomique et politique de leurs populations laborieuses et opprimées. Car ils se sont trompés de cibles, donc de combat. Pour preuve : les populations des pays « décolonisés », à l'instar des femmes, demeurent encore exploitées et opprimées par les nouvelles classes dominantes autochtones, drapées dans les bannières nationales. Comme l'a écrit la militante ouvrière Flora Tristan en 1843 dans son livre L'Union ouvrière : ?L'affranchissement des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes. L'homme le plus opprimé peut opprimer un être, qui est sa femme. Elle est le prolétaire du prolétaire même?. En d'autres termes, pour endiguer toutes les violences perpétrées contre la femme, l'oppression de la femme par l'homme, il faut prioritairement abolir l'exploitation de l'Homme par l'Homme. |
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