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Qu'adviendra-t-il, dans les
prochaines années, du rôle et du statut du comptable vis-à-vis des processus de
conception des systèmes d'information ?
Des technologies de l'information très évolutives... L'accélération du progrès des « Nouvelles Technologies du Traitement de l'Information » donne une acuité très vive à cette question. Elle menace en effet de bouleverser des pratiques, des méthodes et une vision de l'entreprise fortement et anciennement ancrées dans la profession comptable et dans les enseignements qui y préparent font évoluer les tâches des comptables... C'est que l'automatisation change tout d'abord très profondément les « processus de fabrication » des données comptables. Elle absorbe ainsi des tâches de plus en plus complexes, on allait dire « expertales ». De la sorte, le comptable cesse d'être celui qui fait la comptabilité. Tout au plus en définit-il les règles logiques et arithmétiques, qu'exécute ensuite l'ordinateur. Qu'on le veuille ou non, cela ne vas pas sans heurts et sans difficultés, ni, surtout, sans interrogations quant à l'avenir et rendent leur statut incertain. Dès lors, l'incertitude relative à l'évolution du statut des comptables se renforce et même inquiète : sont-ils identifiés par leur désignation comme tels dans la profession ou l'entreprise ? S'agit-il plutôt de ceux qui « font » la comptabilité, directement ou par règles ? À moins qu'on ne les assimile aux seuls «fabricants» des informations pour gestionnaires, si tant est que ces derniers soient repérés... Et, à bien y regarder, nul n'échappe à ces interrogations, qu'il soit en situation de comptable d'entreprise ou d'expert comptable libéral car, entre les deux, il n'existe pas une différence de rôle aussi marquée qu'on pourrait l'imaginer. « Le comptable » sera ici entendu comme celui qui conçoit et met en œuvre le système comptable dans son ensemble, puis l'adapte au besoin à son usage par d'autres utilisateurs. Au gré des entreprises ou des utilisations, ce vocable peut donc recouvrir aussi bien les comptables « internes » que les comptables « externes ». Les « objets » de la comptabilité entrent de même en mutation... D'autre part, les nouvelles technologies de l'information transforment très rapidement les « processus-objet » des comptabilités, et la manière de les représenter. L'évolutivité des produits et des procédés, leur flexibilité croissante, l'importance toujours plus sensible du qualitatif, remettent en cause l'usage de catégories jadis familières et reconnues : coûts, résultats, produits, activités, entreprises même ne constituent plus forcément des objets de mesure pertinents au regard des besoins du gestionnaire. De nouveaux systèmes d'information sont donc à imaginer, à concevoir et à mettre en place. Il existe autrement dit un besoin croissant de différenciation de ces systèmes. Et la conception même des Systèmes d'information se trouve ainsi mise en cause. Bien sûr, on pense ici principalement aux informations formalisées. Mais le système d'information « pour » les gestionnaires d'entreprise ne se laisse pas facilement identifier pour autant. Faut-il en effet le restreindre au seul système d'information comptable et à ses dérivées ? S'étend-il plus largement à l'ensemble des informations utilisées par tous les « décideurs », quel que soit leur niveau ? Concerne-t-il seulement, de façon beaucoup plus restrictive, les seuls responsables suffisamment haut placés dans la hiérarchie (par exemple, dans une petite entreprise : le seul chef d'entreprise...) ? A l'évidence, il n'existe point ici de réponse indiscutable. Les systèmes d'information de gestion sont ceux qui contribuent aux activités de prise de décision non liées à l'exécution immédiate et courante des tâches d'exécution. Mais, en tout cas, la question posée est celle des tenants et des aboutissants d'une démarche de différenciation du système d'information de gestion formalisé, et de la place que peut tenir, dans cette démarche, le système comptable. Quelle place reste-t-il alors à la comptabilité ? C'est donc à une double mise en cause des tâches et des compétences des comptables que l'on assiste : ces derniers se trouvent en effet menacés de perdre non seulement la production immédiate des informations de gestion mais aussi, et surtout, la conception même de ces informations. Le jeu des acteurs renvoie ainsi à la question posée, qui est celle des rapports de la comptabilité au Système d'information de gestion en général. Et comment désigner « la comptabilité » elle-même ? S'agit-il des informations produites en application du plan comptable ? ou encore des informations dérivées des données comptables de base ? ou enfin de l'ensemble des informations produites par les comptes (directement ou règles)? Rien n'est facile à trancher en la matière et, en définitive, la seule idée fédératrice est sans doute celle de la comptabilité vue comme un système intégré et cohérent de données à caractère économique et monétaire. Globale dans sa définition même, et dans sa représentation de l'entreprise, la comptabilité n'apparaît donc pourtant que comme une partie des systèmes d'information à l'usage des gestionnaires. Maîtriser son rôle et ses usages, c'est par suite, en quelque sorte, dépasser l'ambivalence apparente de sa signification. Nous entendons par comptabilité la base des données comptables et l'ensemble des informations susceptibles d'en dériver par des processus plus ou moins complexes. Le débat intégration/différenciation du système d'information Au total, le débat s'articule donc autour de deux conceptions extrêmes mais non intangibles ni exclusives. La première suggère de confondre Système d'information comptable et Système d'information de gestion dans une cohérence de conception et une continuité d'usage. Elle rejette donc toute définition restrictive de la comptabilité, fondée par exemple sur la stricte application du plan comptable, ou sur des finalités très spécifiées (fiscales notamment). Par là même, elle place le comptable en position essentielle et dominante dans la conception du système d'information. Cela signifie que la différenciation et la définition de la nature et des usages des informations de gestion passeront par une organisation et une planification adaptées. Il se pose alors inévitablement les questions essentielles de notre point de vue : - du rôle et des pouvoirs attribués dans ces conditions aux comptables ou aux experts-comptables, le cas échéant ; - de la place accordée à la comptabilité dans la structuration progressive des informations de gestion. Et la recherche d'un nouveau positionnement de Système comptable Mais, à l'opposé, on peut globalement soutenir que, en raison de ses particularisme et des contraintes auxquelles il est soumis, le système d'information comptable est par nature inadapté et inadaptable à la conception d'un système d'information de gestion satisfaisant, c'est-à-dire différencié en fonction des besoins. Il peut tout au plus en devenir un sous produit. Le rôle des comptables se réduit alors, pour l'essentiel, à véhiculer les dispositifs règlementaires et fiscaux. Cependant, et sur cette même base, on peut aussi faire valoir que les comptables retrouvent ainsi, et d'une autre manière, un rôle essentiel : celui d'intégrateurs « intégrés » des données, de vérificateurs de leur existence et de leur cohérence. Possible point de départ de la différenciation des systèmes d'information, la comptabilité en deviendrait ainsi l'aboutissement, le point de convergence et de contrôle. Résumons alors, en les schématisant, les deux points de départ de la réflexion. II.2. De nouveaux rôles organisationnels pour les comptables Confronté à des processus organisationnels ainsi élargis et différenciés, le comptable doit quant à lui chercher de possibles redéfinitions pour son rôle et ses expertises. Cela lui impose de comprendre et maîtriser les nouvelles logiques qui président aux processus de conception des systèmes d'information de gestion. A la limite, ces mécanismes se démultiplient autant de fois qu'il existe d'utilisateurs gestionnaires. Ils impliquent donc un grand nombre d'acteurs, mais dans une logique décentralisatrice. Sauf à se considérer comme un utilisateur parmi d'autres, le comptable ne tient alors plus de rôle particulier dans le processus de différenciation du système d'information. Cependant, une telle logique génère de façon logique et spontanée ses propres mécanismes correcteurs et réintégrateurs, qui visent à contrôler les modalités d'élaboration et d'utilisation des moyens informationnels. Cela débouche sur des processus de planification et de contrôle, au sein desquels le comptable peut trouver un nouveau rôle « intégrateur ». Les nouvelles logiques organisationnelles de différenciation des systèmes d'information pourraient être résumées de la façon suivante : Le rôle intégrateur du comptable peut en effet se manifester tout d'abord par le moyen des activités de conseil. Il s'agit par exemple de clarifier des langages des gestionnaires et, au-delà, d'homogénéiser ces langages. Ici : les modèles comptables constituent évidemment, pourvu qu'on en fasse une utilisation pertinente et nuancée, une solide base de travail. En particulier, ils autorisent une analyse critique cohérente des performances et des résultats des différents gestionnaires. ... une vision plus globale de l'entreprise... Ils renvoient ainsi à la nécessaire une globalisation des évaluations. Or, lorsqu'il s'agit d'une entreprise et plus encore d'un groupe de sociétés, cette globalisation repose nécessairement sur des représentations économiques et monétaires. A l'évidence, le modèle comptable retrouve alors tout son sens. Il redevient un auxiliaire indispensable. Il acquiert ainsi le statut d'outil légitime et non plus formalisme imposé. Ce processus de légitimation ne peut ainsi manquer d'influencer la démarche globale de conception du système d'information. 3. Une volonté d'innovation... Par là, les comptables et experts comptables retrouvent un rôle essentiel. Mais, à l'évidence, il ne s'agit plus alors, pour eux, de « vendre » des adaptations à une réglementation complexe, coûteuse et contraignante, ou d'imposer un modèle rigide et normatif. Il s'agit, au contraire, d'aller vers la démonstration de l'intérêt et de la facilité, pour chacun, de l'usage des données comptables. Car, en définitive, ce sont bien ces données qui disent la réussite ou l'échec de l'entreprise, sa survie ou sa disparition. Elles en expriment ainsi, en quelque sorte, la légitimité économique. ... et peut-être un nouveau métier Quel gestionnaire peut l'ignorer ? N'est-ce pas par là que la frontière ou l'opposition entre systèmes d'information différenciés et systèmes comptables perd son objet? Aux concepteurs comptables et gestionnaires de chercher en commun les solutions informationnelles de continuité. Les nouvelles technologies permettent sans doute de les trouver en les adaptant au gré des contingences de taille, d'activité et de situation. *Expert-comptable et commissaire aux comptes. Membre de l'Académie des Sciences et Techniques - Financières et Comptables Paris. |
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