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Les rêveries attachantes
surpassent l'orée de l'imagination, brodées sur les limbes des pincettes
soyeuses des longueurs charnues qui fascinent l'esprit de leurs contours
rondelets. Admirer l'art de l'esquisse des traits bouffis d'une finesse
busquée, tracée de retouches crochues, épinglée dans un regard éperdument épris
de courbes parfaitement dodues.
S'y plaire à parcourir le paysage envoûtant de ce prestige mythique, réfléchi dans la mémoire vivante, capturée par le parfum enivrant dégagé par sa présence élue dans des réflexions innées. Rabâcher des élans pâteux les vestiges adulés de ces contrées candides, étirées généreusement dans des idées balourdes, cousues au vent d'une silhouette qui souffle un orage voluptueux dans les yeux fermés sur les meilleures envies. En effet, le haïk, ce vêtement féminin mythique porté au Maghreb, joint la pudeur à la séduction. Le port de cette étoffe blanche et rectangulaire qui recouvre le corps de la femme lui permet, d'un côté, de préserver la blancheur de sa peau et de cacher ses bijoux en signe d'humilité, son usage vise également à éloigner le mauvais œil des regards épris de sa beauté et des joyaux qu'elle porte. D'un autre côté, ce voile léger sublime l'élégance de la femme en éveillant les caprices de l'imagination masculine sur des fantasmes tellement piquants. Le haïk est enroulé autour du corps féminin avec allégresse, il est maintenu à la taille par une ceinture, puis fixé par son extrémité sur les épaules à l'aide de nœuds ou de fibules fantaisistes de différents métaux. Il est souvent accompagné par «laâdjar», une voilette triangulaire destinée à couvrir le visage des femmes mariées surtout. Ce vêtement d'une seule pièce est fabriqué à partir de laine, de soie ou de soie synthétique. Il a connu un grand succès dans la société maghrébine dans un passé récent. Son adoption au Maroc, où il est appelé «Lhaf» ou «Melhfa», a presque disparu des coutumes vestimentaires. En Tunisie, «le Sefseri» est une variante du haïk lâchée et abandonnée au profit de modes d'habillement importées de l'Orient ou de l'Occident. Cependant, c'est en Algérie que cette tenue a été la plus répandue et la mieux ancrée parmi les traditions du pays. On voyait les femmes enveloppées dans ce textile comme des colombes se faufilant parmi la foule dans les rues d'Algérie. Le haïk était une marque de bonnes mœurs dans les espaces publics qui avaient un aspect global masculin à une certaine époque. Il se caractérisait aussi par sa grande sobriété dans certains endroits, et suscitait ainsi le respect net aux femmes qui le portaient. Mais certaines femmes, plus coquettes que d'autres, avaient des façons discrètement extravagantes de s'en vêtir. Elles élevaient un peu l'étoffe du bas en marchant, soutenant avec une belle manière la plissure par le coude juste en haut des hanches, laissant entrevoir le bout de leurs mollets douillets, pour le plaisir des hommes qui devinaient le charme de cette silhouette dissimulée derrière l'allure attrayante de ce rideau charnel. Il existe en Algérie différents types de haïk qui varient selon les spécificités socioculturelles de chaque région, et une multitude de qualités et de couleurs qui distinguent souvent une classe sociale d'une autre. Ainsi, «El Ksa» est un haïk filé en laine fine, généralement porté par les femmes dans les régions montagneuses, pauvres pour la plupart. «El Houiek» qui est fait de soie et de broderie en ftoul est réservé aux jeunes mariées. «El Mlaya» prit une couleur noire en guise de deuil à Salah Bey, le bey de Constantine, dès son décès en 1792. «El Mrema», qui fut porté par les femmes citadines, est un voile de prestige léger et précieux. Il affiche un rang social élevé, car tissé de soie pure et rayé avec du fil d'or et d'argent. «El Aachaachi» est aussi un modèle de haute gamme qui se démarque par la brillance de sa couleur sablée. Le mot est emprunté à l'arabe Hayk qui provient du verbe arabe Haka qui signifie «tisser». Il a été employé sous différentes formes francisées comme Heque, Haiyek, Alhaiyek, Eque, Haique ou Hayc. Le mot haïk sera d'abord féminin et se fixe au masculin au début de la colonisation française du Maghreb. Néanmoins, l'origine du haïk reste imprécise et assez controversée parmi les récits historiques et les suppositions transmises oralement à ce sujet. Les témoignages les plus crédules et les plus authentiques sont très récents par rapport à la création de cet habit et de son usage qui semble provenir de temps éloignés. A cet effet, certains historiens avancent qu'il a été le produit de tisserands juifs après leur migration massive vers le Maghreb au troisième siècle avant J-C, persécutés alors, puis expulsés par les civilisations indo-européennes à cette époque. Ces chercheurs en histoire justifient leur thèse par la similitude entre le haïk et la Frumka qui, elle, est un habit juif composé de plusieurs voiles que les femmes de cette confession portent avec des gants et aussi une voilette sur le visage. Mais la Frumka a une connotation plutôt religieuse qui n'est pas une morale qu'on peut assimiler au haïk. D'autres écrits attestent que le haïk a fait son apparition au Maghreb suite à la chute de Grenade et à l'arrivée d'artisans musulmans d'Andalousie au Maghreb à partir de 1492. Ces derniers ont ramené avec eux l'art et le savoir-faire dans plusieurs disciplines dont le tissage et la couture. Diego de Haedo, un abbé, savant et historien espagnol, décrit les femmes algéroises au dix-septième siècle dans son ouvrage «Topographie d'Alger» en écrivant, «Quand elles sortent de chez elles, elles mettent des manteaux blancs, très déliés, en laine fine ou tissus de laine et soie. C'est tout un art que de porter le haïk : Les femmes s'entortillent dans ces manteaux, en attachant un bout sur la poitrine avec des agrafes ou de grandes épingles d'argent doré, elles jettent le corps du manteau sur les épaules et sur la tête, et de l'autre bout, celui de dessous, elles couvrent le bras droit.» Beaucoup d'autres poètes et chanteurs populaires, de peintres et d'artistes de tous bords, dédièrent leurs œuvres au haïk qui est devenu un symbole d'identité par excellence, et un patrimoine culturel enraciné dans les sociétés maghrébines jusqu'au temps présent. Au-delà de la prestation agréable du haïk, son utilité était notable dans les moments difficiles que la région a vécus, sa contribution éminente à la guerre d'Algérie en est un parfait exemple. Malgré sa disparition regrettable de la scène sociale, le haïk reste toutefois un objet illustre à jamais présent dans la mémoire, de par son association originelle aux événements et aux mœurs qui forment la personnalité de tout un Maghrébin. |
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