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L'anarchisme... Libre, libre jusqu'au délit

par Abdelkader Guerine*

Anarchie, un mot composé du préfixe grec Ana (sans), et du nom Archè (pouvoir, commandement, autorité).

Un esprit qui prône l'extrême liberté et refuse la hiérarchie et la conformité aux lois, même divines. Un système qualifié de libertaire qui renvoie l'humanité vers l'état primitif de l'homme qui n'obéissait qu'aux besoins instinctifs et naturels pour exister.

Péjorativement, l'anarchie est synonyme de désordre et de zizanie, mais le concept de cette idéologie résume le sens de l'ordre dans le désordre, l'ordre sans le pouvoir.

Développé en doctrine politique, après le renversement des monarchies bourgeoises, en Europe, pensé par des intellectuels et des savants imminents de France, d'Allemagne, de Suisse, de Pologne et de Russie, l'anarchisme prit la forme d'un mouvement universel composé d'adeptes, éparpillés en Europe, avec des cultures et des langues différentes, chose qui ne permit pas aux anarchistes d'asseoir une assise solide et un parti bien soudé, afin d'imposer leurs idéaux. L'anarchisme favorise la liberté individuelle et rejette le collectivisme des communistes, qui suscitèrent l'estime du peuple avec leurs slogans travaillistes et prolétaires en absorbant la majorité des sièges aux parlements, après l'élection des premières républiques, en France notamment.

En effet, dès la Révolution française de 1789, l'anarchisme se proclama comme une tendance politique officielle, car les anarchistes avaient joué un rôle capital dans la chute des régimes royaux en Europe. La monarchie totale a basculé vers une monarchie partielle, avec un parlement élu démocratiquement par le peuple pour représenter ses choix dans un cadre de droit et d'égalité sociale. Rappelons que les peuples d'Europe vivaient dans la misère absolue sous le règne des rois avant l'écroulement de leur autorité. Le parti libertaire, malgré son activisme dans cette rébellion populaire, a été trahi par les urnes qui n'ont pas été au niveau des sacrifices rendus par les anarchistes, pour effectuer ce grand changement.

La lutte des anarchistes pour obtenir des faveurs républicaines, qu'ils estimèrent comme un mérite incontournable, a duré près d'un siècle. Un siècle de militantisme ardent, violent par périodes, que tous les gouvernements ont décrit de terrorisme, et même de banditisme désobéissant aux lois instaurées par les nouvelles républiques.

En France, l'événement le plus fâcheux était l'assassinat du président Français Sadi Carnot, en 1894, poignardé par Santo Caserio, un élément connu parmi la secte des anarchistes de France. Le meurtrier fut guillotiné, certains membres emprisonnés, et beaucoup d'autres déportés vers la Nouvelle Calédonie ou l'Algérie. Après ce délit, le parti libertaire des anarchistes fut dissout, mais ses meneurs, parmi lesquels le géographe Elysée Réclus et sa fille Marie, ainsi que le chercheur Paul Régnier, ont continué à manifester leur opposition en formant des poches d'anarchistes clandestinement partout dans le monde.

Nous sommes tous libres, mais pas tous égaux, c'était le grand slogan des anarchistes pour mettre leur programme d'action sur un support réel et existentiel. Ainsi, la liberté suggérée par ces derniers reposait sur les compétences individuelles, les privilèges réservés à un homme travailleur n'étaient pas les mêmes acquis par une personne qui ne produit rien.

Plus loin dans l'histoire, les hommes ont éprouvé le besoin d'une liberté sans obstacles depuis la nuit des temps. Franchir les limites de l'interdit a, toujours, été un attrait régulier chez cette espèce animée hardiment par des tentations diverses. Les bouddhistes ont par la suite affranchi cette anarchie primaire comme une pensée et une devise essentielle dans le comportement humain. La liberté n'a aucun empêchement, sauf la limite du respect de l'autre et de la nature. Mais, sachant la complexité de l'esprit humain, avec ses faiblesses multiples et ses défauts mesquins, il était impossible d'appliquer cette conduite parfaite par aucune des civilisations que la terre a connues au fil des siècles. Ce sont finalement les Européens qui ont donné à l'anarchisme un caractère académique, en reconnaissant sa doctrine comme un parti politique, officiellement agréé dans ces pays après l'écroulement des royaumes.

Cependant, leur refus de se soumettre aux lois de la République, leurs rebellions agressives et leurs idéaux, parfois, confus et amoraux sont des raisons qui ont conduit à l'aplatissement des anarchistes puis à leur fin. Les linguistes ont largement contribué à la marginalisation des anarchistes, en détournant le contexte de leur pensée, initialement de liberté absolue, vers un sens indésirable qui exprime plutôt la pagaille et le chaos.

Les anarchistes modernes, généralement des artistes, des intellectuels et des gens fantaisistes, ont redonné vie à l'anarchisme, en exploitant le revers culturel loin de toute forme politique, à travers des actions officieuses imposées ici et là comme des règles de vie. Certains mouvements agissaient de manière pacifique, celui des hippies est un modèle mythique. D'autres, par contre, comme les hooligans, gardent toujours l'aspect violent dans leurs manœuvres qui vont jusqu'aux délits.

*Ecrivain.