Un Kilogramme de citrons desséchés à 300
dinars, un kg de restes de poulet à 380 dinars, des oignons miteux, des pommes
de terre avariées, des carottes immangeables même pour les lapins à 45 dinars,
des courgettes et des betteraves et de la laitue fanés à plus de 60 dinars. Qui
dit mieux comme recette pour faire fuir le consommateur, lui causer une
dépression ou le faire maigrir jusqu'à le faire mourir de sous alimentation en
lui parlant de bizarreries coutumières comme la solidarité, le couffin du
Ramadhan, l'établissement d'un plan de régulation du marché durant ce mois
sacré? Ce sont-là, je pense, de sérieux indices à prendre en considération pour
protéger les Algériens qui vont prochainement, disons officiellement jeûner. Et
comble de l'ironie ! Il y aura toujours quelqu'un dans la sphère commerciale
qui va justifier l'injustifiable avec l'habituel argument béton, le fameux
«tube» de l'offre et de la demande, comme pour expliquer que c'est réellement
ce brave citoyen consommateur qui régule notre marché. Et que selon cette
logique de spéculateurs, le brave consommateur n'a qu'à se passer du produit
demandé au risque de voir son prix augmenter. Certes, il y a peut-être un peu
de vérité dans tout ça, mais comment se fait-il qu'à chaque occasion, ce sont
tous les produits qui sont contaminés par une disette que l'on sait fabriquer
de toutes pièces par les barons des congélateurs géants. Dans ce cas-là, il est
évident qu'aucun consommateur ne peut suivre les règles prônées par la société
pour arriver jusqu'à se priver d'un sachet de lait cédé auparavant à 27 dinars
mais qui devient introuvable durant ce mois pour être revendu à 45 dinars par
exemple alors que ce produit est naturellement disponible partout. La mission
de régulation incombe donc en premier lieu aux autorités compétentes concernées,
ministères du commerce, des finances, de l'agriculture?Il ne s'agit donc plus
d'appeler les commerçants à la raison mais de les appeler à la barre s'il le
faut. Qu'on ne se contente plus de faire appel aux Imams pour sensibiliser les
spéculateurs uniquement durant le Ramadhan alors qu'ils règnent impunément sur
le marché toute l'année et ce depuis la nuit des temps, cachés sous leurs
gandouras blanches ou jaunes de tussor importé et occupant régulièrement les
premiers rangss de la prière des «Taraouihs»
Ici
tout projet est voué à l'échec. Du spéculateur au grossiste en passant par les
nombreux intermédiaires détaillants, tous savent habilement se rejeter la balle
sans dénoncer le grand fautif. A chaque fois, et à chaque année, on assiste aux
mêmes scénarios et aux mêmes pratiques, au même massacre quand les citoyens aux
revenus moyens glissent progressivement vers ceux aux bas revenus puis vers
ceux démunis : les promesses non tenues fusent de partout, ce sont donc ces
guéguerres entre ministères et unions des commerçants qui régulent à chaque
fois le marché mais sur le dos du pauvre consommateur (il risque de ne plus
consommer un jour). Enfin, à ce rythme, il serait permis de dire que le circuit
de distribution de tous ces produits est effectivement aux mains de grands
barons qui tirent les ficelles du marché. Attendons le premier jour du Ramadhan
pour voir et bonne inappétence aux petites bourses car cette année, le mercure
en folie aidant, ce sont certainement les plus maigres qui vont encore maigrir
pour ne plus risquer des montées de cholestérol.