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La mort à grande vitesse

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Cinquante et une (51) personnes ont trouvé la mort et 1.853 autres ont été blessées dans 1.507 accidents de la circulation survenus durant la période du 30 juin au 6 juillet à travers le pays, indiquait dernièrement un bilan hebdomadaire de la Protection civile. Soit près de 8 décès/jour. Les accidents de la route enregistrés durant les cinq premiers mois de l'année ont fait près de 1.500 morts et plus de 14.000 blessés. Soit près de 1 décès /jour. Les jeunes ont été à l'origine de pas moins de 4.252 accidents (30%) et les détenteurs de permis de conduire de moins de cinq ans ont causé 5.767 accidents (41,92%). Facteurs ayant contribué à ces accidents de la route, «le manque de vigilance, l'excès de vitesse des conducteurs et le non-respect des passages piétons ». De véritables bilans de guerre !

L'hécatombe routière continue donc de plus belle (sic !). Et pourtant, bien des mesures ont été prises pour la juguler et bien d'autres sont prévues ou proposées. Cela va du retrait du permis de conduire et au permis à points, au contrôle technique plus rigoureux des véhicules et à l'augmentation du prix de la vignette en passant par l'amélioration des cours de conduite et des campagnes de sensibilisation. Il y a même de l'emprisonnement qui est prévu. Mais, on a l'impression que c'est peine perdue.

L'hécatombe ne se trouve pas seulement sur les routes. Il y a, aussi, les noyades. Lesquelles, à cause des grandes chaleurs, ont commencé bien avant le début de la saison estivale. Ainsi, au 8 juillet, la Protection civile a fait état du décès de 45 personnes par noyade depuis le 1er juin dernier, dont 29 dans des plages interdites à la baignade. Soit plus d'une personne/jour. Et, 1.988 autres personnes ont été sauvées de la noyade. Le risque est grand de voir le bilan s'alourdir et ce malgré les efforts extraordinaires faits par les services concernés. Le grand drame c'est que tout cela ne date d'aujourd'hui et on peut même dire que cela va de mal en pis, malgré tous les appels -officiels, médiatiques, religieux, associatifs…- à la prudence et l'exploitation de presque toutes les voies persuasives ou contraignantes.

Il y a, donc, quelque part, dans notre société quelque chose qui «cloche». Comme si certaines franges de la population -tout particulièrement la plus jeune- veulent en permanence défier la nature, défier tous les autres (l'Autorité y compris) en allant plus vite encore. Dans des espaces tout de même limités (une plage interdite à la baignade, un étang, une route…), notre homme semble percevoir les autres, tous les autres, la nature y compris, comme des rivaux ou des adversaires potentiellement hostiles. A chacun son hubris ! Il se débarrasse, pour un temps, de toutes ses frustrations et de ses angoisses, ailleurs inexprimées ou non écoutées. Elles se mettent donc à «jouer» avec la mort qu'ils savent pourtant à l'affût, guettant la moindre défaillance, humaine ou technique.

La solution n'est donc pas, n'est plus seulement technique ou matérielle. Elle est psychologique quand ce n'est pas psychiatrique. A partir du niveau le plus bas du système éducatif national avec la promotion et la vulgarisation d'une morale civique et citoyenne dans laquelle l'être humain, responsabilisé dès son entrée à l'école (car il ne faut pas, hélas, trop compter sur l'éducation familiale), est au centre de toutes les problématiques, dont celle du déroulement de sa vie et de son destin, et non plus à la périphérie.

Ps, citation à méditer: -Le deuxième facteur de mortalité le plus fréquent après l'ennui : un accident de voiture (Mustapha Benfodil, « Body writing. Vie et mort de Karim Fatimi, écrivain, 1968-2014 ». Roman © Editions Barzakh, Alger 2018).