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«Justice» numérique!

par Belkacem Ahcene Djaballah

Jusqu'ici, on pensait qu'il n'y avait que deux justices : La Divine et l'Institutionnelle. La divine était (et le reste encore) laissée à toutes celles et à tous ceux habités par une foi inébranlable et difficilement saisissable en l'au-delà. Malgré les apparences, ils sont devenus de plus en plus rares. Ce qui a diminué de sa présence et de sa force ici-bas, laissant ainsi place aux «sans foi, ni loi». L'institutionnelle, bardée de règlements multiples et précis, bien que parfois peu clairs, laisse une large place aux «intimes convictions» des magistrats «assis» face à une surveillance pas toujours efficace des avocats de la défense.

Il est dit que «jamais deux sans trois» puisque est apparue, depuis moins d'une décennie, une autre forme de justice : la justice numérique. Il est vrai que l'on s'y attendait un peu dans un pays où la rumeur tenait et tient (encore) le haut du pavé, le nombre de lieux de rencontres et de débats inorganisés et de hasard (restaurants, fast-foods, cafés...) et de retraités «inactifs» ayant sensiblement cru.

On lit et on réfléchit bien moins mais on commente beaucoup plus avec en conclusion, toujours des verdicts sans appel. Avec les nouvelles technologies qui ont envahi tous les terrains de la ville, des villages, des montagnes les plus hautes et des terres les plus isolées, la société s'est fabriqué sa propre justice, encore plus rapide, sinon expéditive, encore plus sévère et là aussi, sans appel ni sursis possibles. Une forme de justice qui a enfoncé la justice populaire (assez proche de la divine), malgré tout assez lente et dépassée et celle l'institutionnelle, malgré tout encore plus lente.

La justice «numérique», c'est celle que l'on découvre à travers les réseaux sociaux. La plupart du temps, mais heureusement pas toujours, empruntant les voies de l'anonymat et des noms d'emprunt, elle tente (en réussissant bien souvent) de faire et/ou de défaire les carrières, les notoriétés de ceux qui ne sont pas «aimés», de ceux qui sont jalousés et enviés, la plupart du temps en des termes dévalorisants quand ils ne sont pas «assassins». L'information numérique circulant et tournant si rapidement et touchant un grand nombre de personnes, même les moins intéressés, a toujours, de ce fait, une très grande chance d'atteindre la cible visée et sinon «d'abattre», du moins démoraliser l'adversaire.

C'est ce qui s'est passé tout dernièrement concernant un animateur que je trouve efficace dans son domaine (Il est connu pour ses activités sur les réseaux sociaux et sur l'audiovisuel et son style direct, parfois dérangeant, ayant acquis une certaine notoriété) ! et que je crois assez «capable» de réussir dans sa nouvelle mission, qui s'était vu proposer un poste de responsable de la com' dans une grande entreprise publique, «première vitrine de l'Algérie». Sous les «coups» de la justice numérique, et de commentaires venimeux et/ou ignorants qui confondent compétence (obtention de diplômes) et capacité (un «capabli» pouvant gérer des situations et des hommes), on voulait l'obliger à se retirer. Il est objectivement des étapes et des situations du développement économique, social et culturel qui nécessitent bien plus de l'expérience pratique que des connaissances académiques (qui sont, bien sûr, les bienvenues et nécessaires en certains créneaux). Le «chômage» des diplômés universitaires ne doit pas exclure les réussites autonomes. Vox populi, vox dei !? Avec la com' numérique, un mélange détonnant, parfois utile, mais bien souvent malveillant et dangereux.