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L'extrême droite «aux portes du pouvoir»
: largement en tête du premier tour d'élections législatives historiques
dimanche, l'extrême droite a demandé aux Français de lui donner une majorité
absolue au deuxième tour, ce qui lui permettrait de gouverner pour la première
fois depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Alors que le traditionnel «front républicain» contre le Rassemblement national (extrême droite) apparaît moins systématique que par le passé, le parti de Jordan Bardella et Marine Le Pen est en mesure d'obtenir une forte majorité relative voire une majorité absolue dimanche prochain. Avec de 33,2 à 33,5% des suffrages, le RN et ses alliés obtiennent leur meilleur score au premier tour d'un scrutin, dans le sillage des européennes, selon les dernières estimations. Ils devancent le Nouveau Front populaire (NFP) réunissant la gauche (28,1 à 28,5%), loin devant le camp d'Emmanuel Macron (21 à 22,1%) lors de ce vote marqué par une participation en forte hausse. Les Français «ont rendu un verdict sans appel», s'est réjoui dimanche soir Jordan Bardella, 28 ans, qui semble se rapprocher irrésistiblement de Matignon, où siège le Premier ministre. Le second tour des législatives sera «l'un des plus déterminants de toute l'histoire de la Ve République» française, fondée en 1958, a-t-il ajouté, assurant qu'il voulait être, s'il l'emporte, «le Premier ministre de tous les Français», «respectueux de la Constitution» mais «intransigeant». «Il nous faut une majorité absolue», a lancé de son côté Marine Le Pen, annonçant sa propre élection comme députée dès le premier tour dans son fief d'Hénin-Beaumont (Nord). Le pari d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale au soir de la déroute de ses candidats aux élections européennes du 9 juin, est dans tous les cas définitivement perdu. Le «bloc macroniste» est «pratiquement effacé», s'est réjouie Marine Le Pen, qui avait perdu face au chef de l'Etat au second tour des deux dernières présidentielles. Majorité absolue Les Français ont montré «leur volonté de tourner la page de sept ans de pouvoir méprisant et corrosif» du chef de l'Etat, a-t-elle encore commenté. «Face au Rassemblement national, l'heure est à un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour», a souligné Emmanuel Macron dans une déclaration écrite. Pour autant, le président n'a pas totalement clarifié l'attitude à suivre en cas de duels entre le RN et le NFP ou de triangulaires. «L'extrême droite est aux portes du pouvoir», a alerté de son côté le Premier ministre Gabriel Attal, appelant à «empêcher le Rassemblement national d'avoir une majorité absolue». Cela dépendra en bonne partie des désistements et consignes de vote dans chaque circonscription. Avant ces décisions cruciales, un nombre record de triangulaires potentielles est attendu, pouvant concerner au maximum, avant désistements éventuels, plus de 300 des 577 sièges de députés en jeu. A l'Elysée comme chez la plupart des ténors de son camp, ce rassemblement semble devoir exclure les candidats de La France insoumise (gauche radicale), ou un certain nombre d'entre eux. Gabriel Attal est lui-même resté imprécis, promettant des désistements et appelant à «voter pour les candidats qui défendent la République». Dans un geste d'apaisement, le Premier ministre suspendra une réforme controversée de l'assurance chômage, a annoncé son entourage dimanche soir. A gauche, l'appel au barrage face au RN fait consensus : après avoir entretenu un certain flou, le leader de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a annoncé que ses candidats se retireraient s'ils terminaient troisièmes et que le RN était en tête. «Nous avons sept jours pour éviter à la France une catastrophe», a lancé de son côté le député européen de gauche Raphaël Glucksmann, qui a appelé tous les candidats arrivés en troisième position à se désister. En revanche, le parti de droite conservateur Les Républicains (LR), qui a obtenu environ 10% des suffrages, s'est refusé à appeler ses électeurs à voter contre le RN dimanche prochain. Si Jordan Bardella entrait à Matignon, ce serait la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu'un gouvernement issu de l'extrême droite dirigerait la France. Il s'agirait aussi d'une cohabitation inédite entre Emmanuel Macron, président pro-européen, et un gouvernement beaucoup plus hostile à l'Union européenne, qui pourrait faire des étincelles sur les prérogatives des deux têtes de l'exécutif, notamment en matière de diplomatie et défense. Assemblée bloquée ? Un autre scénario possible est celui d'une Assemblée bloquée, sans alliance envisageable entre des camps très polarisés, au risque de plonger la France dans l'inconnu. Malgré des divergences qui pouvaient sembler irréconciliables, la gauche était parvenue à s'unir dans la foulée de la dissolution avant que les différends entre la gauche radicale et ses partenaires, notamment sur le leadership contesté de Jean-Luc Mélenchon, ne ressurgissent. Pendant ce temps, rien n'a semblé freiner la dynamique du RN en campagne sur le pouvoir d'achat et contre l'immigration : ni le flou sur l'abrogation de la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, ni les polémiques sur les binationaux, ou les propos sulfureux de certains candidats d'extrême droite. Pour le premier tour, la participation devrait s'établir au moins à 65% des inscrits, selon les estimations, contre 47,51% en 2022 et 67,9% lors des dernières législatives organisées après une dissolution, en 1997. Au moins 37 députés RN ont été élus dès le premier tour. Dans les bureaux de vote, beaucoup d'électeurs ont témoigné pendant la journée de leur fébrilité. «J'aimerais retrouver de la sérénité car depuis les élections européennes, tout a pris une ampleur inquiétante. Mais il faut continuer à se battre pour ce que l'on croit», a affirmé à l'AFP Roxane Lebrun, 40 ans, à Bordeaux. A Saint-Etienne, Christophe, policier de 22 ans, s'inquiétait d'un scrutin qui risque d'«encore plus diviser la population». |
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