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Ce que les normalisateurs doivent savoir...

par Mustapha Aggoun

Il est grand temps que le monde prenne conscience de l'impossibilité, dans sa configuration politique actuelle, pour l'État sioniste de parvenir à la paix avec les Palestiniens. La structure politique en place entrave toute perspective de résolution pacifique du conflit. Les partis religieux extrémistes détiennent 33 des 120 sièges à la Knesset israélienne, soit 27% du total des membres du parlement. Le parti sioniste religieux, dirigé par Bezalel Smotrich, compte 7 sièges ; le parti ‘ Puissance Juive' de Itamar Ben-Gvir, en a 8 ; le Shas de Aryeh Deri, en a 11 ; et le parti ‘Judaïsme unifié' de la Torah, dirigé par Moshe Gafni, en a 7. Ces partis ne veulent pas seulement conserver la Cisjordanie et la bande de Ghaza sous leur contrôle, mais aussi s'étendre vers la Jordanie, l'Égypte et l'Arabie Saoudite.

Ces partis sont animés par des motivations religieuses et idéologiques. Pour eux, la politique est un moyen de réaliser leur projet religieux, qu'ils appellent « la terre d'Israël », en s'appuyant sur une interprétation vague de la géographie de ce que « Dieu a donné aux enfants d'Israël ». Le problème ne se limite pas à ces partis, mais concerne également d'autres formations politiques se prétendant laïques.

Le parti Likoud, qui compte 30 sièges, rejette fermement l'idée d'un État palestinien coexistant avec Israël. Une grande partie de ses partisans et membres réside dans les colonies de Cisjordanie. Ils évoquent la possibilité d'un État palestinien uniquement dans le cadre d'un plan de paix plus vaste, tel que celui proposé par Trump, tout en sachant pertinemment que les Palestiniens ne l'accepteront jamais.

Qui reste-t-il ?

Le parti « Yesh Atid », dirigé par Yair Lapid, compte 24 sièges à la Knesset. Le parti « Unité nationale », dirigé par Benny Gantz, en a 12, tandis que le parti « Israel Beitenu » d'Avigdor Lieberman en a 6. Tous ces partis s'opposent à la création d'un État palestinien. Ensemble, ils détiennent un total de 42 sièges à la Knesset. Parmi eux, 35 membres ont voté en faveur d'une résolution rejetant la création d'un État palestinien indépendant, même sans définir ses frontières. Ils ont ainsi rejoint la coalition gouvernementale qui compte 64 sièges. En résumé, 99 des 120 membres de la Knesset s'opposent à la création d'un État palestinien, quelle que soit sa taille ou ses frontières.

Qui donc accepte un État palestinien ?

Le parti Meretz, qui n'a aucun siège. Le Parti travailliste détient 4 sièges. Il reste les 10 sièges des partis arabes, qui sont les seuls à accepter un État palestinien.

Le Président Biden et son secrétaire d'État Antony Blinken essayent de convaincre le gouvernement israélien et ses opposants d'accepter l'idée d'un État palestinien (sans en définir les frontières) et un processus de négociation de trente ans pour y parvenir. Mais ils n'ont obtenu aucune promesse en retour. Biden veut « quelque chose », n'importe quoi qui lui permettrait de dire à l'Arabie Saoudite qu'Israël est prêt à accepter un État palestinien et un processus politique qui y mène. Il pourrait, bien sûr, ajouter des expressions comme « un processus irréversible » pour y parvenir, afin de pouvoir déclarer une victoire politique à l'approche des élections présidentielles. Mais 99 membres de la Knesset refusent de lui donner ces mots « vides de sens » pour les Palestiniens.

Le problème de Biden ne se limite pas à Netanyahou, mais inclut aussi Gantz et Lapid. Ceux-ci peuvent dire à Biden, en privé, ce qu'ils ne diront pas publiquement, qu'ils sont prêts à accepter ce qu'il veut d'Israël. Leur but n'est pas de faire plaisir à Biden, en lui donnant ce qu'il veut, mais de l'utiliser pour faire pression sur Netanyahou afin de renverser le gouvernement fasciste actuel et de le remplacer par le leur à travers des élections. Mais alors, ils refuseront ce qu'ils avaient promis à Biden en secret. C'est ce qu'ils ont voté en février dernier, et ils ne changeront pas leur position pour Biden ou pour quiconque, d'autant plus qu'ils savent qu'Israël a une influence importante dans les institutions du gouvernement américain, empêchant tout président américain d'exercer des pressions sur eux.

Notez qu'en dépit de la révolte étudiante en Amérique et malgré le fait qu'une majorité du peuple américain est contre le soutien inconditionnel à Israël, le nombre de sénateurs qui ont voté pour le dernier paquet d'aides financières et militaires à Israël (un peu plus de 26 milliards de dollars, dont quelques centaines de millions d'aide humanitaire aux Palestiniens) était de 79 contre 18 (le Sénat compte 100 membres). À la Chambre des représentants, 366 membres ont voté pour, contre 58 (la Chambre des représentants compte 435 membres). En somme, 83% des législateurs américains ont voté en faveur du soutien à Israël.

Quel élément obligerait un État bénéficiant d'un tel soutien au Congrès américain à se retirer des territoires qu'il occupe ? Certainement pas l'administration Biden ni aucune autre administration américaine.

Il n'y a qu'une seule façon d'obliger Israël à reconnaître les droits du peuple palestinien : continuer à faire pression sur l'État occupant par tous les moyens possibles. Tous ces moyens sont désormais bien connus, et le peuple palestinien, à l'intérieur et à l'extérieur, les utilise.

Le boycott politique est l'un des moyens de pression les plus importants. Dans ce contexte, des pays comme la Colombie, la Bolivie et l'Afrique du Sud ont complètement rompu leurs relations diplomatiques avec Israël. D'autres pays comme la Turquie, le Chili, le Honduras, le Tchad et le Belize ont rappelé leurs ambassadeurs.

Il y a certainement une plus grande opportunité d'isoler Israël sur la scène mondiale si l'Autorité palestinienne, accompagnée des pays arabes ayant des relations avec Israël, rompt ces relations. Cela encouragerait des dizaines de pays à rompre leurs relations avec Israël. Afin de contraindre l'État occupant à se retirer des territoires palestiniens et arabes qu'il occupe, il est essentiel d'exercer une pression constante par tous les moyens légitimes.

Attendre une solution de la part des États-Unis est une illusion qui ne fait que tromper. Seuls certains pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec Israël, tels que l'Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis et le Maroc..., persistent à croire en une paix que les sionistes eux-mêmes ne souhaitent pas.