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Le mouton, entre devoir et pouvoir

par El Yazid Dib

À chaque fête religieuse, toutes les bourses se vident. Au moment où tout le monde crie à la hausse des prix, la flambée des produits, tout ce même monde court faire la queue, s'acharne et envahit chaque espace commercial. On le trouve dans le souk, les agences de voyages Hadj, Omra, Tunisie, les marques de luxe, les restos, les pizzerias, les salles de fêtes, les concessionnaires auto, en face des DAB. Il n'y a pas uniquement ces occasions festives où la frénésie des achats l'emporte sur la modestie des dépenses. Que ce soit le Ramadhan, la fête de la rupture du jeûneur, celle du mouton, la naissance du Prophète (qssl), les vacances, la rentrée scolaire ou autre cause, l'Algérien est toujours pris en tenaille, entre le besoin, le devoir, la foi et l'économie. Il se tord le cou pour être au rendez-vous de chaque évènement dépensier. Puis il ne cesse de gémir tant sur les prix que sur l'engouement de ses concitoyens pour l'acquisition de la même chose qu'il trouve onéreuse et la convoite à son tour.

Il y a de ces gens qui, sans pouvoir d'achat terrible, ne rechignent nullement à aller au devant la difficulté financière qui les étrangle déjà, quitte à s'endetter.

Alors que nul n'est contraint au-delà de ses capacités. L'on parle même de ce « magasin à bestiaux» ad-hoc, fixé quelque part qui vient d'innover dans le financement tempéré de la bête où le mouton est cédé à crédit avec des échéances de paiement mensuelles. Voici une extravagance hors us et coutume. Quant à sa licéité, c'est aux exégètes d'en découdre la faisabilité. Fallait pas faire d'une affaire de faculté une obligation cardinale. L'exemple du rituel sacrificiel est le plus édifiant.

Parfois cela dépasse le rite religieux pour s'installer dans un effet de société ou d'un irrésistible copier-faire. Pour certains le mouton béni est un plaisir pour les enfants, pour d'autres, ce sont enfin, quelques jours de festin gargantuesque, pour la majorité, une sunna qui avec la température ovine tend à devenir inaccomplissable. C'est dire, qu'il est plus facile de joindre l'envie du devoir à sa possibilité que de pouvoir joindre les deux bouts. Devant cette situation ubuesque mettant le marché comme arène entre le marchand et le client, lequel doit-on incriminer ? Le premier tient à assurer sa marge, le second aspire à plus de clémence.

A qui la faute? Le seul coupable n'est autre que cet « esprit de consommation » effréné. On se hue sur tout. Le sachet noir nous envoûte. Sauf que cette année là, à un jour de l'Aïd, il n'y a pas, comme d'habitude trop de bêlement survenant des balcons et des courettes. C'est cet esprit, cependant qui attise le feu des étals et des étables et souffle le chaud et le froid dans les minables bourses des simples salariés et des pauvres retraités.