Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Yasmina Khadra, mal compris ?

par El Yazid Dib

Le buzz, oui y en a eu. Pas trop. Un extrait d'une vidéo exhumée d'une ancienneté indéterminée pour le commun des surfeurs, met l'ardeur orale de l'écrivain face à l'attachement de l'algérianité. Fallait-il reproduire toute l'émission pour ainsi tirer les conclusions finales ou se river juste à un point de fixation, voire de vexation ? Un extrait de n'importe quelle chose n'est pas, parfois le bon échantillon de l'espèce originale de la même chose. C'est toujours le contexte qui explique le fait. Il ne s'agit pas là d'une essence de parfum ou d'un spot laconique d'un film documentaire. L'auteur le «bien lu» dans le monde devient l'homme le «mal compris», chez lui. Il a pourtant présenté ses œuvres et offert ses signatures à travers plusieurs wilayas du pays. De Tizi Ouzou à Oran, de Batna à Tiaret ou de Sétif à Bel Abbès.

Et les plus nombreux parmi ses admirateurs sont bien dans cette partie matricielle de l'Algérie que l'on nomme, sans tabou, ni préjugés, la Kabylie. Pourquoi sans tabou ni préjugés ? Chacun de nous, dans sa prime enfance (du moins la nôtre et à Sétif) avait fait, à la demande de ses parents des courses chez «Ahmed Essoufi» ou «Bouzid Lekbayli» quand il s'agit d'épicerie, chez «Mosbah Lem'zabi» quand il s'agit de quincaillerie ou de bonneterie, entre autres. Plus, de nos jours, on entend parler de promoteurs immobiliers «El bariki» ou «El magraoui» et ceci n'exprime aucunement une discrimination ou un instinct séparatiste. Tout juste une appellation incrustée spontanément dans le tas des sobriquets et qui s'est inconsciemment généralisée. En l'état, dans la communication sociétale, il y a cette façon toute innocente, dénuée de malveillance, d'identifier des personnes par leur lieu de natalité ou de provenance. C'est dire aussi que se référer à une «identification» par un référent régional ou tribal n'est nullement un aveu de stricte nationalité. L'on est Algérien peu importe sa tribu.

Le nationalisme comme les constantes nationales d'islam, d'arabité et d'amazighité ne sont le monopole de personne. Un patrimoine collectif, d'autant plus valorisé par sa richesse et ses variétés. Et personne n'a à imposer sa «lecture» anthropologique ou historique de l'origine d'un tel ou d'un tel. Chacun est libre dans les croyances de ses propres sources. Néanmoins, privilégier sa «région» sur sa nationalité ou la faire passer pour telle est, de surcroît à l'étranger, un acte de pire séparatisme. Cependant, l'on ne peut étiqueter l'auteur le plus représentatif de la littérature algérienne de gars haineux à telle ou telle partie du pays. La littérature n'est-elle pas cette énergie fusionnelle qui transcende toutes les frontières linguistiques, ethniques ou confessionnelles ? En réponse à ce buzz survenu dans ce moment qui ne dévoile pas tous ses desseins, Yasmina soutient : «Je n'ai jamais refusé de dédicacer mes livres à qui que ce soit. Dans la vidéo, c'est un trait de protestation, et non une affirmation». À l'autre de dire, pour rajouter un grain de sel dans les non oublis, «Khadra, il faut le lire et non l'écouter». Malgré tout, son talent reste une magie et son authenticité ne se puise pas du «village de l'Allemand» ou dans les «fantasmes de Cologne».