Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Le défi de l'Afrique

par Mustapha Aggoun

Ils font tout pour maintenir l'Afrique subsaharienne là où elle est, c'est-à-dire dans la pauvreté. Cette situation est absolument vitale pour la prospérité de l'Europe et l'Occident. Il est essentiel d'être clair sur ce point. Les structures économiques mondiales, les institutions internationales et l'économie qu'ils enseignent à travers le monde sont toutes conçues pour maintenir l'Afrique exactement dans cet état. Que ce soit l'Europe, les États-Unis ou désormais la Chine, le constat reste le même : ils veulent que l'Afrique demeure appauvrie, car ils ont besoin de ses matières premières à bas prix pour soutenir leur propre développement et leur consommation.

Cette dynamique n'est pas le fruit du hasard. Les accords commerciaux inéquitables, les politiques d'ajustement structurel imposées par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, ainsi que les pratiques commerciales prédatrices des multinationales, contribuent toutes à maintenir un statu quo économique qui empêche l'Afrique de se développer pleinement. Les termes de l'échange sont structurés de manière à ce que les pays africains exportent des matières premières à faible valeur ajoutée, tandis qu'ils importent des produits finis à prix élevé. Cette asymétrie crée une dépendance économique qui étouffe le développement industriel et technologique du continent africain.

Il est également crucial de reconnaître le rôle des institutions financières internationales et des gouvernements étrangers dans la perpétuation de cette situation. Les prêts accordés aux pays africains sont souvent assortis de conditions strictes qui dictent des politiques économiques favorables aux intérêts étrangers plutôt qu'à ceux des populations locales. Les programmes d'ajustement structurel imposés par le FMI ont souvent conduit à des réductions drastiques dans les dépenses sociales, affectant l'éducation et la santé, et exacerbant la pauvreté.

En parallèle, la Chine, nouvel acteur majeur sur le continent, reproduit en grande partie les mêmes schémas que les anciennes puissances coloniales. Sous couvert de partenariats économiques et d'investissements dans les infrastructures, elle exploite les ressources naturelles africaines tout en créant une nouvelle forme de dépendance économique à travers des prêts massifs et des projets de développement souvent réalisés par des entreprises chinoises avec de la main-d'œuvre importée.

Cela ne signifie pas que les Africains soient impuissants. Il existe des mouvements panafricains et des leaders locaux qui luttent pour un changement véritable, pour une indépendance économique et une gestion souveraine des ressources naturelles. Cependant, ils se heurtent à une opposition féroce de la part des puissances établies qui voient dans l'émancipation économique de l'Afrique une menace directe à leur propre niveau de vie et à leur hégémonie technologique.

Si l'Afrique parvient à s'industrialiser et à diversifier son économie, cela entraînera une redistribution des richesses à l'échelle mondiale. Les matières premières ne seront plus accessibles à des prix dérisoires, ce qui aura des répercussions sur les coûts de production et, par conséquent, sur les niveaux de vie en Europe, en Amérique du Nord et en Asie. Les pays développés ne pourront plus maintenir leur niveau de vie élevé sans faire face à une concurrence accrue et à des coûts de production plus élevés.

C'est pourquoi l'Occident et d'autres puissances économiques ne permettront pas un tel changement sans une lutte acharnée. Les politiques protectionnistes, les interventions militaires déguisées en missions humanitaires, et les manœuvres diplomatiques sont autant de moyens utilisés pour maintenir l'Afrique dans une position de faiblesse. Cette lutte pour le contrôle des ressources et des marchés est au cœur des relations internationales contemporaines. Il est crucial que les Africains prennent conscience des forces qui œuvrent contre leur développement et qu'ils s'organisent pour renverser ce système injuste. Seule une prise de conscience collective et une mobilisation à grande échelle permettront de changer le cours de l'histoire et de garantir un avenir prospère pour le continent africain.