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Le tumulte de l'histoire

par Abdelkrim Zerzouri

Plus que les «dérobades» de repentance et d'excuses de la France pour les crimes commis en Algérie durant 132 ans de colonisation, le refus de restitution des biens culturels et d'objets historiques et symboliques «spoliés» durant la période en question reste une position qui choque les bonnes consciences. Comment s'accrocher à des biens qui appartiennent à d'autres, qu'on sait pertinemment qu'ils ont été pillés, et qu'on expose fièrement au public dans les musées ? On n'a besoin ni de preuves ni d'attestations confirmant leur héritage pour déterminer l'origine de ces biens et objets historiques, pourquoi alors s'entêter à ne pas vouloir les rendre à leur propriétaire ? L'Algérie a renouvelé sa demande, en mai 2024, concernant la récupération d'objets «historiques et symboliques» qui sont conservés dans diverses institutions françaises.

L'Algérie souhaite les voir revenir sur leur terre d'origine «sous forme de gestes symboliques». Il s'agit d'une liste d'objets et de documents datant de la période coloniale (comprenant des effets personnels et militaires de l'Emir Abdelkader, des documents d'archives datant du XIXe siècle et autres éléments de souveraineté avant et après 1830), qui ont été transmis au président français à l'occasion de la dernière réunion de la Commission mixte d'historiens algériens et français. Le dialogue mémoriel sur la table de cette commission vise essentiellement à «renforcer les liens entre les deux pays sur des bases plus respectueuses du passé partagé», et la volonté politique du président Macron à aller dans ce sens a été exprimée plus d'une fois, mais il reste d'autres complications, qui n'ont pas lieu d'être, et qui risquent de phagocyter cette volonté de réconciliation mémorielle entre les deux pays. Premier quiproquo, et pas des moindres, le projet de loi-cadre permettant la restitution des biens culturels, spoliés par la France durant la période coloniale, pas seulement en Algérie mais également dans plusieurs pays africains, a été retiré en avril dernier de l'ordre du jour des débats au Sénat, et «sans explications». Tant qu'on soutient en France que la restitution des biens culturels et objets historiques appartenant à d'autres nations doit passer par l'adoption d'une loi spécifique, cela risque sérieusement de faire perdurer le retour du patrimoine africain qui se trouve en France. Et quand on sait que pour l'Algérie, selon les déclarations du président Tebboune, qui a plusieurs fois martelé que «le dossier de la mémoire ne saurait faire l'objet de concessions ni de compromis, et restera au cœur de nos préoccupations jusqu'à son traitement objectif, audacieux et équitable envers la vérité historique», cette situation risque de garder le futur des relations entre les deux pays dans le tumulte de l'histoire. A moins d'accélérer le vote de cette loi-cadre, ce futur apaisé sera dur à concevoir.