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LA «GUERRE DES CERVEAUX»

par Belkacem Ahcene Djaballah

Le savez-vous ?

30 chefs d'Etat ou de gouvernement en exercice dans le monde, en 2023, ont fait leurs études supérieures en France (dont Mohammed VI), 65 aux Etats-Unis (dont Netanyahu), 58 au Royaume-Uni. Et, après la France, on a la Russie (10), puis la Suisse, l'Australie, l'Italie et l'Espagne.

Le savez-vous?

En 2010, 80% des étudiants arrivés en France ont quitté leur pays ou sont devenus français.

Ce sont là des chiffres extraits d'un classement des Etats les plus influents de ce point de vue, établi par le ‘Higher Education Policy Institute', un cercle de réflexion britannique spécialisé dans les politiques universitaires.

Il est évident que cela concerne surtout les pays africains (les pays anciennement colonisés), des pays arabes, tout particulièrement ceux du Golfe, lesquels malgré des décennies d'indépendance politique et malgré bien des efforts en matière de formation, puisent encore et surtout, pour ce qui est des postes clés de la gouvernance politique et économique, dans le vivier de leurs «diasporas». Ce qui n'est nullement condamnable, sachant bien, tout particulièrement jusqu'aux années 80, que le niveau des Universités occidentales, se positionnent, hélas et malgré bien des efforts, assez loin dans les pelotons de tête.

Les lauréats africains (et arabes) étaient, par ailleurs, dès leur sortie des Écoles nationales, rapidement «kidnappés» (comme les jeunes sportifs et footballeurs) par un système de repérage bien huilé et d'attraction avec des Universités, des Centres de recherche, des entreprises et même des Organisations internationales, toujours assoiffés de sang nouveau avec, bien souvent, la «complicité» ou le silence des autorités locales. Il est vrai qu'on ne peut avoir que la politique de ses moyens (certes financiers et des horizons nouveaux disponibles, mais aussi une atmosphère, réelle ou fantasmée, de liberté) d'où une certaine «fuite des cerveaux».

Bref, le Nord global, ayant perdu, contre le Sud global, les «guerres économique et politique» a réussi là où on l'attendait le moins, la «guerre des cerveaux». En fait, la plus importante des batailles dans la guerre du développement. Heureusement, rien n'est définitivement perdu. Tout particulièrement lorsque ces gouvernants cités plus haut (re-) venus d'ailleurs se débarrassent de leurs (dé) formations implantées dans leur cerveau et lorsque ces étudiants partis ou restés ailleurs n'oublient pas les pays qui les ont enfantés.

En définitive, ce qui est condamnable à mon avis, c'est surtout la transformation des comportements s'opérant au retour au pays. Chez certains ! Certains anciens (lors des études ou lors du séjour pour raison de travail) soumis aux contraintes de la vie démocratique, libérale et moderne (réelle ou supposée) deviennent assez vite producteurs et acteurs des contraintes autoritaristes. Ce qui ébranle les assises de toutes les (bonnes) connaissances accumulées par ailleurs et fausser le déroulement de la gouvernance.

Conclusion, la formation à l'étranger forme bien, très bien même, mais développe un ego intellectuel surdimensionné qui se transforme, de retour au bercail, en une forme de «dictature», souvent soft, parfois bien dure.