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«L'histoire
et l'historiographie ne devraient pas nécessairement être écrites,
exclusivement ou essentiellement, par les vainqueurs» Nur
Masalha, «1948 and After »
L'Histoire finira toujours par trouver des scribes dévoués, maîtres dans l'art de fabriquer les mythes nécessaires dont la Nation a besoin pour se construire, transfigurer son réel, préparer sa grandeur ainsi que tous les alibis et prétextes dont elle aura besoin dans sa lutte pour apaiser les consciences et légitimer l'innommable. L'Université hébraïque de Jérusalem ainsi que d'autres relais politiques, institutionnels et financiers, en Israël et dans le monde, auront pour mission de confectionner à l'Etat sioniste un Roman national sur mesure qui lui permettra d'agir odieusement dans l'ombre et dans l'impunité la plus totale. Israël a toujours raison et Israël ne peut se tromper. «Les mythes qu'Israël a forgés pendant la formation de l'État se sont consolidés jusqu'à devenir un impénétrable et dangereux bouclier idéologique « .(1) L'historiographie officielle sioniste ne pouvait de toute évidence éclore, agir, s'imposer et in fine mystifier l'Histoire d'Israël qu'en instrumentalisant la mémoire des pogroms et celle de la Shoah. L'Université hébraïque de Jérusalem sera un acteur décisif dans la manufacture du paradigme mythologico-religieux et nationaliste sioniste (Socialisation, identité, judéité, judaïsme millénaire ) au service d'un Etat dont toutes les actions passées et futures paraîtront, pour les israéliens et au monde entier, se déployer dans un cadre moral, politique et juridique irréprochable. Israël n'a jamais été satisfait de la partition de 1947 qui ne convenait guère aux projets démesurés du Grand (Eretz Israel), il laissera penser aux israéliens et au reste d'un monde culpabilisé par la Shoah que son existence demeure toujours précaire au milieu de ces Arabes irrémédiablement hostiles, ce qui justifiera impérativement une riposte de la part des sionistes selon les méthodes qu'il jugeront appropriées mais dont les véritables desseins ne seront dévoilés à personne. On n'en parlera ni dans les médias ni dans les manuels scolaires ni dans les discours politiques. Le monde entier, dans l'ignorance la plus totale, donnera à Israël un blanc-seing pour la réalisation de ses projets funestes. Rescapé de la Shoah, personne n'en voudra à Israël d'effacer les Palestiniens, il s'agissait d'une question d'ordre existentiel. La Solution finale version sioniste se met alors en place. On lui donnera le nom du « Plan Dalet ». Tout ce qui a été méthodiquement fomenté par Israël depuis 1948 répondait aux impératifs de ce « Plan », contesté par certains et confirmé par d'autres. Cette feuille de route sioniste dont l'objectif essentiel était de vider la Palestine des Palestiniens en usant de tous les moyens, les plus illégaux et les plus criminels aboutira inéluctablement et de la manière la plus pernicieuse à une épuration ethnique des Palestiniens, processus qui se poursuit jusqu'à nos jours. Que s'est-il réellement passé en 1948 ? Pour les Israéliens ça invoque la célébration d'une journée mémorable : celle de la déclaration d'indépendance et de la naissance de leur nouvel Etat. Pour les Palestiniens, cette année tristement mémorable, évoquera le début du désastre : La Nakba de 1948. Départ volontaire ou forcé, Transfert, expulsion, épuration ethnique c'est au milieu d'une confrontation extrêmement violente mais qui passera quand même inaperçue (Historiographie sioniste officielle / Nouveaux Historiens israéliens et Historiens palestiniens) que l'on verra se dégager une réécriture de l'histoire plus sérieuse, objective, scientifique et qui se propose de fournir des réponses plus ou moins consensuelles. Suite à l'ouverture en 1978 des archives d'Etat israéliennes et britanniques, sous la férule du nouveau courant historiographique post-sioniste, beaucoup de vérités accablantes viendront dévoiler la monstruosité d'un Etat sioniste qui n'a jamais sincèrement œuvré pour la Paix ou une coexistence pacifique. C'est précisément sur ces mythes et ces crimes dissimulés que porteront les recherches des nouveaux Historiens israéliens. Le travail quasi encyclopédique effectué dans ce domaine par des Historiens palestiniens émérites qui ont réagi assez tôt à la question de la Nakba sera assez important. On fera tout pour nuancer ou discréditer cette Historiographie dissidente révisionniste qui allait porter un coup dur à l'Historiographie officielle et à l'image d'Israël. Ce nouveau courant historiographique israélien s'attèlera à remettre en cause tout ce qui a été dit, écrit, faussement propagé, enseigné par Israël. L'Historien Simha Flapan sera parmi les premiers à déconstruire plusieurs mythes israéliens qui seront évoqués également par ses pairs ainsi que par les Historiens palestiniens : à savoir que l'exode des Palestiniens n'a jamais été une décision collective qui obéissait à des ordres donnés par différents leaders arabes. La nouvelle Historiographie israélienne arrivera à démontrer (à l'unanimité) que la Nakba de 1948 était irréfutablement une expulsion violente initié par le climat de terreur qui a été mis en place (selon un plan préétabli ou au gré des conjonctures) par les dirigeants israéliens. « Méthodes dégoûtantes employées par les autorités confiscation des terres, actes de terreur et d'intimidation, instauration d'un climat de peur, et finalement, d'expulsions forcées ». (2) Le coup le plus dur porté à l'Historiographie sioniste viendra de l'Historien Benny Morris, très méticuleux dans ses recherches , sioniste convaincu ;le plus sulfureux de tous, versatile, on le verra tantôt admettre l'expulsion forcée et l'atrocité des exactions israéliennes sans pour autant les insérer dans un plan préétabli 3 et en minimisant la responsabilité de David Ben Gourian ; tantôt se résigner à reconnaître le projet sioniste d'une épuration ethnique mais en niant le caractère immoral de cette opération. Il dira au cours d'une interview accordé au journal israélien Haaretz : » Il y a des circonstances dans l'histoire qui justifient la purification ethnique. Je sais que ce terme est complètement négatif dans le discours du XXe siècle, mais quand vous avez le choix entre la purification ethnique et le génocide, l'annihilation de votre peuple, je préfère la purification ethnique «. Pourtant tout le monde savait qu'il n'y avait aucune menace réellement alarmante [génocide et annihilation d'Israël] de la part des Palestiniens et des pays arabes qui pouvait justifier cette purification ethnique. Le Mythe de la menace arabe sera battu en brèche et l'Historien Benny Morris le savait fort bien. On pourrait expliquer son revirement spectaculaire par les dures représailles administratives dont il a fait l'objet de la part des autorités israéliennes et des Historiens de l'ancienne école. L'Historien Ilan Pappé sera celui qui donnera le coup de grâce à cette Historiographie sioniste miteuse au service d'une idéologie colonialiste et génocidaire. Il sera catégorique : il y a bien eu en 1948 dans le cadre d'un Plan Dalet un « Nettoyage ethnique et un plan global d'expulsion « (4). On ne peut que s'étonner en constatant le manque d'intérêt accordé à des publications académiques aussi déterminantes dans ce conflit israélo-palestinien qui dure depuis 76 ans , le mépris et l'indifférence accordés à ces révélations produites par ce nouveau courant historiographique nous renseigne sur cette idéologie occidentale monolithique irrémédiablement colonialiste déjà condamnée par l'Intellectuel Edward.W.Saïd. La France reste l'un des pays les plus compromis et les plus imperméables à l'égard de toutes publications susceptibles de froisser les pays dont elle a promis une allégeance inconditionnelle (Etats-Unis, Israël). L'Historien et journaliste français Dominique Vidal, consterné de voir qu'une contribution historiographique aussi importante pour la compréhension des événements fondateurs du Proche-Orient contemporain ne soit disponible qu'en anglais et en hébreu et reste inaccessible au public francophone durant des années, décide alors de publier deux livres 5 qui constituent une synthèse de toute cette nouvelle Historiographie israélienne. Les publications de Dominique Vidal pousseront à une ouverture en matière d'édition qui contribuera largement à faire lire au lectorat francophone des vérités qui ont été la source de très graves méprises et d'injustices commises à l'égard du peuple palestinien. Par ailleurs, on peut fièrement affirmer que les Historiens palestiniens on entamé assez tôt cette prodigieuse action de préservation de la mémoire et de déconstruction de l'historiographique sioniste. Pendant plus de cinquante ans, le récit de cette destruction programmée du peuple palestinien a été nié en Occident. Des études sérieuses, écrites dans les quatre décennies qui on suivi la Nakba existent cependant. On trouvera une somme considérable d'ouvrages (bibliographie sérieuse) écrits en langue arabe qui ne seront jamais traduits ni en Anglais ni en Français. Le travail des Historiens palestiniens s'avère plus fourni, global, méthodique et exhaustif que celui des Historiens israéliens. L'Historiographie palestinienne aura l'avantage de consulter différentes sources (en plus de l'Anglais et de l'Hébreu) notamment les plus précieuses celles en arabe (orales, visuelles ou écrites), elle englobera des recherches rigoureuses établies par d'éminents Historiens au niveau des archives déclassifiées israéliennes et britanniques, les anciennes publications d'auteurs victimes contemporaines du drame comme celle de l'historien Mustafa Murad Dabbagh (6), un ouvrage en dix volumes (7570 pages) qui constitue une véritable encyclopédie du pays perdu ou l'œuvre monumentale de Aref al-Aref 7 qui rend compte village par village des drames de la guerre et de l'exode. Ce livre, malgré plus de cinq décennies écoulées depuis sa rédaction, reste pour différentes raisons, l'une des références arabes les plus importantes et les plus fiables sur la Nakba de 1948, en raison de la contemporanéité de son auteur avec la Nakba, de sa présence quotidienne dans le milieu du drame et de son enregistrement précis d'une quantité sans précédent de récits des événements. Parmi les Historiens palestiniens les plus éminents qui ont traité du projet programmée de l'expulsion des Palestiniens voire de l'épuration ethnique, on peut citer Walidi Khalid et Nur Masalha. Les études de Walidi se sont échelonnés sur près de trente ans (publiées sur une période qui s'étend de 1959 à 1993) (8) et constituent la contribution palestinienne la plus précoce et la plus rigoureuse à l'historiographie de la Nakba. Il abordera la fameuse question du « Plan Dalet » et son incidence directe sur l'Expulsion des Palestiniens. Des ouvrages comme ceux de M.M. al-Dabbagh [1966] ou de W. Khalidi [1992] compileront, sous forme d'encyclopédie, des données historiques, démographiques, géographiques et écologiques sur les villages détruits et disparus tout en les situant sur une carte. L'ouvrage de Walid Khalidi, All That Remains (9), demeure un guide essentiel pour qui veut mesurer l'ampleur de la catastrophe de 1948. L'Historien Nur Masalha effectuera laborieusement un travail remarquable ; il abordera quasiment toutes les questions à commencer par la plus importante qui est celle du « Transfert »(10) des Palestiniens ; à travers des preuves et des documents qu'il a utilisés, dont la plupart sont en hébreu, il confirme que les idées de déportation ont accompagné le projet sioniste depuis sa création et étaient au cœur même de sa doctrine. Dans son livre paru en 2012 « The Palestine Nakba: Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory », Masalha démontre comment l'expulsion du peuple palestinien sera immédiatement suivie par un terrible « Mémoricide » qui consistera en l'effacement physique des traces matérielles de son histoire, de ses archives et de ses noms de lieux, et la négation même de son existence. Face à la polémique inextricable entre les courants historiographiques israéliens au sujet de la Nakba de 1948 , du Plan Daleth et de la politique sioniste d'effacement (corrélative ou pas à ce Plan D) , seule la sinistre réalité palestinienne sera à même de confirmer l'acte prémédité qui sera exécuté par la suite : La destruction immédiate des centaines de villages , le refus du droit au retour et la confiscation des territoires palestiniens au profit de l'état israélien , la politique maffieuse de l'implantation ininterrompue de colonies illégales, l'opération de plantation des forêts et des parcs sur les ruines des anciens villages et sites palestiniens, étape cruciale dans ce double processus Spoliation/Mémoricide, la politique d'apartheid, le blocus de Gaza, les assassinats et détentions arbitraires par une justice d'exception, les discriminations sociales de toutes sortes En définitive et pour ne citer que ces faits, on ne peut nier cette farouche détermination sioniste qui visait sur les bases d'une idéologie et d'un plan préconçu étatiques (avant ou à posteriori du Plan de partage de 1947) de se débarrasser diligemment et définitivement des Palestiniens [transfert/épuration ethnique]. Le Génocide que subit Gaza depuis le 7 Octobre 2023 n'est que le prolongement de ce Plan démoniaque. *Universitaire Notes 1_ Simha Flapan, « The Birth of Israel : Myths and Realities «, New York, Pantheon, 1987, p. 8. 2_ Ibid. , p.86 3_ Benny Morris, « The Birth of the Palestinian Refugee Problem «, 1947-1949, p. 286. « Le problème des réfugiés palestiniens est né de la guerre, non d'un dessein, juif ou arabe. Il fut essentiellement une conséquence dérivée des peurs et des longs et difficiles combats » 4_ Ilan Pappé, « Le nettoyage ethnique de la Palestine «, Fayard , 2006 5_ Dominique Vidal et Joseph Algazy, « Le Péché Originel d'Israël. L'Expulsion Des Palestiniens Revisitée Par Les «Nouveaux Historiens» Israéliens, Editions de l'Atelier, 1998. -Dominique Vidal, Sébastien Boussois » Comment Israël expulsa les Palestiniens (1947-1949) », Éditions de l'Atelier, 2007 6_ DABBAGH, M. M, « Biladuna Filastin» [Notre pays la Palestine], Beyrouth, 10 vol. ,1966 7_ AREF al-AREF, « Al-Nakba wa'l firdaws al-mafqud «, 1947-1952, (La Catastrophe de Palestine et le Paradis perdu), Almaktaba Alassrya , Sidon , Liban , publié entre 1956 et 1959 ( 6 Vol. ) 8_ Walid Khalidi, «Nakba 1947-1948», coll. Études Palestiniennes, Sindbad, 2012. 9_ Walid Khalidi, «All That Remains :The Palestinian Villages Occupied and Depopulated by Israel in 1948 «. Institute for Palestine Studies, Washington 1992 10_ Masalha Nur «Expulsion of the Palestinians : The Concept of «Transfer» in Zionist Political Thought, 1882-1948 », Washington, D.C: Institute for Palestine Studies, 1992. 11_ Masalha Nur, « The Palestine Nakba: Decolonising History, Narrating the Subaltern, Reclaiming Memory. », London, UK & New York, NY: Zed Books Ltd, 2012. |
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