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Comprendre la marche de
l'humanité et son progrès doit nous inciter à aller au-delà de notre habitude de
regarder l'histoire. Il faut regarder la marche de l'humanité d'un nouveau regard
qui puise dans l'essence même de ce qui fait l'être, de ce qui fait l'humanité.
Autrement, nous resterons à ressasser l'histoire telle qu'elle est racontée par les experts en histoire. En fait, une histoire événementielle, une succession de faits, une histoire monotone qui, certes, nous apprend comment le monde est devenu et ce qu'il est maintenant mais n'explique pas pourquoi ce devenir est devenu, c'est-à-dire s'est réalisé dans son essence. Or, aujourd'hui, avec les formidables progrès qui se sont réalisés, il faut faire parler la pensée qui pense en nous et ce qu'elle pense de la marche de l'histoire. Et non à la façon de l'historien qui ne regarde très fidèlement que le développement causal de l'histoire. Or, ce que l'historien oublie ou ne sait pas, ne lui vient pas dans sa conscience, c'est que nous savons que par ce que nous dicte notre pensée, et souvent croyons que nous pensons. En fait, c'est la pensée qui pense en nous, c'est elle qui nous motive, c'est elle qui nous guide, c'est elle qui nous meut dans l'existence. Quel est l'homme qui peut dire qu'il se meut tout seul, qu'il se dirige tout seul dans l'existence si ce ne sont des moyens que lui a octroyés l'Essence suprême. Évidemment, cela paraît complexe et même singulière cette approche. Mais il demeure qu'il faut pousser la complexité et la singularité humaine dans ses retranchements les plus profonds autant que la pensée nous permet de les entrevoir. Ce qui signifie qu'il faut tenter d'aller dans l'histoire et au-delà de l'histoire. Ce qui n'est pas chose facile. Mais quand on lit dans les œuvres de grands philosophes, les idées qui en sortent prônent précisément d'aller au-delà de ce que la réalité laisse entrevoir. Paul Ricœur, un philosophe français, dans un cours sur l'«Herméneutique», énonce que ce n'est pas à partir de la réflexion sur la mort dont nous n'avons aucune expérience que l'on peut espérer comprendre l'énigme de la vie, le mystère de la conscience de soi et l'origine de la question du sens. C'est à partir de l'expérience du temps, constitutif de l'existence humaine, inséparable de la conscience de soi et de la genèse d'un sens qu'on peut comprendre pourquoi la mort reste pour la pensée, pour la réflexion sur soi, une énigme ? Pour ce philosophe, ce sont les temps modernes qui rendent possible et sans doute nécessaire cette nouvelle démarche ?herméneutique- par laquelle on peut tenter, non point de comprendre (par la pensée) mais de déchiffrer le sens de notre rapport singulier à l'être. «Nous sommes invités, convoqués pour tenter une herméneutique de la conscience historique, parce que la conscience que nous prenons de nous- mêmes est désormais liée au sentiment que les hommes ont de faire leur histoire. L'idée que l'histoire est soumise au Faire humain est la plus neuve et sans doute la plus fragile, puisque, à la fin de ce XXème siècle, elle sera contredite par cette autre découverte, qui est sans doute le second versant de la conscience historique, savoir que ce qui arrive est toujours autre chose que ce que nous attendions, que l'action engendre des résultats non voulus, qu'enfin nous nous affectons nous-mêmes par l'histoire que nous faisons (comme si nous la subissions).» Ce que dit Paul Ricœur est incontestablement novateur, et pour cela, il faut changer l'approche pour la compréhension des événements qui ont changé le monde et révolutionné l'histoire. Et c'est dans ce comprendre qu'il faut chercher l'essence des choses humaines, l'essence des événements. Un principe universel qui nous permet d'énoncer du devenir des peuples que, par leurs nations, par le progrès du monde, par le progrès de leur conscience dans la vision que chaque peuple a de lui-même et des autres, chaque peuple partage le destin des autres peuples et chaque peuple peut influer sur le destin de tous : c'est tout cela la fierté et surtout le sens de l'humanité entière. Comment ne pas ressentir au sein d'un peuple la fierté d'être un humain ? Un humain conscient de son être et d'autrui, un être authentique, un être capable de ressentir la souffrance de soi comme celles des autres. En un mot, c'est être authentique dans l'humain. Comment comprendre ces mouvements ? Prenons les événements les plus visibles, les plus effroyables qui ont existé au siècle dernier, qui ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Pourtant ils ont été les plus déterminants dans l'histoire parce qu'ils ont permis l'humanité d'aujourd'hui. Se rappeler les clameurs des peuples colonisés sous le joug des puissances occidentales coloniales. Ils demandaient leur libération, leur indépendance, en retour on leur répondait par la répression. C'était un rêve pour ces peuples qui luttaient souvent dans la clandestinité pour s'organiser en vue d'atteindre leurs aspirations de vivre en peuples libres. Et les services de renseignements qui les pourchassaient ; leur combat, tant les forces entre les colonisés et les colonisateurs étaient sans commune mesure, était pour ainsi dire vain, chimérique, ils ne seraient jamais indépendants. Sauf qu'il y avait et qu'il y a toujours une Essence suprême qui commandait, qui gouvernait et continuait à commander, en clair à guider les êtres humains. Parce que c'est cette instance qui est le socle de l'humanité, puisque celle-ci est sortie d'Elle. Précisément, les puissances européennes au début du XXe siècle, occupées dans leur antagonisme pour le partage du monde, se menaçant mutuellement, et comme l'a écrit Nietzsche dans la «Volonté de puissance», fort d'armements les plus inimaginables, ont provoqué deux Guerres mondiales. Le nombre de morts a été ahurissant surtout en Europe, l'Allemagne à elle seule a perdu plus de millions d'êtres humains, l'URSS plus de 25 millions, et les deux conflits ont fait plus de 70 millions de morts et des dizaines millions de blessés et d'handicapés à vie. Mais alors pourquoi ces deux Guerres mondiales, à 20 ans d'intervalle ? Les puissances européennes étaient-elles, à ce point, aveugles pour se déclarer la guerre et perdre tout alors qu'elles avaient une mainmise totale sur le reste du monde. Sur l'Asie, l'Afrique et l'Amérique du Sud. L'Amérique du Nord partagée entre les États-Unis, le Canada et le Mexique. Ces puissances auraient pu se partager le butin qu'était l'Afrique entière, pratiquement tout le monde arabe colonisé, une grande partie de l'Asie colonisée et une Amérique du Sud et centrale dominée. Le peuple de l'Inde (le Pakistan n'existait pas encore) seul comptait plus de 300 millions d'Indiens en 1940, et donc par son statut de peuple colonisé, était sujet de l'Empire britannique. George VI, roi du Royaume-Uni et des dominions et Empereur des Indes, régnait en maître sur cette région du monde ; d'autres régions du monde relevaient des empires européens. Si on regarde cette petite Europe régnant sur le monde, il y avait comme un non-sens dans cette situation de l'humanité. Une totalité du monde dominée par une petite fraction de l'humanité. Mais c'était ainsi, il y avait des déterminants herméneutiques dans cette expansion coloniale européenne. Pourquoi étaient-ils plus avancés les Européens tant sur le plan militaire, institutionnel qu'organisationnel ? C'était ainsi la marche de l'histoire à la fois dans le peuplement du monde que dans son brassage. Une intentionnalité dans l'histoire a amené l'Europe, à travers la colonisation, malgré les horreurs coloniales tels la traite des esclaves pour les besoins de main-d'œuvre en Amérique du Nord et du Sud, pour brasser l'humanité qui, dans la finalité, était une. Et c'est ainsi que se sont opérés les brassages raciaux dans les deux Amériques, et les pays neufs qui en sont sortis : les États-Unis, le Brésil, le Canada... devenus des pays multiraciaux. Au final, ce ne sont pas les hommes qui font l'histoire, mais les desseins qui réalisent l'histoire. Et c'est la raison pour laquelle au début du XXe siècle, le monde commençait à tanguer. Dans leur soif de puissance, enivrés par tant de puissance et de domination sur tous les continents du monde, les États-Unis devenus un pays neuf mais allié aux pays d'Europe, et faut-il rappeler aussi que le communisme n'existait pas encore, que les pays d'Europe déclenchaient pour la première fois une guerre qu'ils croyaient courte et sans grande conséquence, chaque partie cherchait à protéger son empire, d'autres cherchaient à prendre des empires. C'est ainsi que le Premier Conflit mondial éclata, et sera dans toutes les consciences des peuples d'Europe et du reste du monde. La fin de la guerre se termine, et à peine les blessures commencent à être pansées que, une décennie après la grande Crise économique de 1929 qui a permis d'installer Hitler maître de l'Allemagne. L'année 1939 vient comme un cataclysme sur l'Europe et le monde. Irrémédiablement deux guerres mondiales vont mettre à néant cette volonté de puissance des pays d'Europe. La suite vient d'elle-même, les indépendances des peuples colonisés étaient toutes tracées par l'Esprit du monde, qui est aussi la Raison, l'Essence suprême même qui donne sens à l'histoire des hommes, à l'humanité. Elle donne à cette humanité de savoir sans même vraiment savoir où qu'elle doit aller. Sinon tout au plus d'aller là où elle doit être menée, parce que c'est nécessaire. Cela répond un peu à ce que dit Paul Ricœur que nous rappelons «savoir que ce qui arrive est toujours autre chose que ce que nous attendions», que l'action engendre des résultats non voulus, qu'enfin nous nous affectons nous-mêmes par l'histoire que nous faisons (comme si nous la subissions). Mais bien sûr, ce n'est pas comme si nous la subissions l'histoire, mais nous la subissons réellement tout en la faisant cette histoire non comme nous le voulions mais comme l'histoire le commande. Pourquoi ? Simplement parce que c'est au-dessus de la volonté des hommes, l'histoire relève de l'Essence. Et donc si la colonisation a été nécessaire puisqu'elle a existé et qu'elle a été rendue possible par la puissance à laquelle était arrivée l'Europe, les guerres mondiales ont aussi été nécessaires, et au final, l'Histoire n'a fait que prendre ce qui était pris à autrui pour le rendre à autrui. Et, ainsi le monde allait vers un mieux possible. Du moins ce qui relevait de la colonisation. Mais l'humanité évolue toujours, un stade a été dépassé, mais d'autres stades restent en suspens. Mais ce que l'homme, et bien sûr l'humanité entière, ne doit pas perdre de vue, c'est qu'il existe cette Raison dans l'Histoire, à travers l'Esprit du monde, ou simplement Dieu, qui la justifie, qui lui donne sens dans ce qu'elle assigne au monde. La Raison gouverne le monde (Hegel). C'est Elle qui permet à l'humanité d'avancer, de prospérer, de régresser aussi mais régresser pour avancer. Et, sans cette Raison du monde, sans cet Esprit du monde, l'humanité ne pourrait avancer, et ne pourrait même pas aller à sa perte puisqu'elle n'aurait pas sa raison d'être. Tout simplement l'humanité n'existerait pas. Et cet argument imparable : Quel homme peut-il dire je suis moi ? Ou quel peuple peut-il dire : Nous sommes un peuple et existons par nous-mêmes, pour nous-mêmes et de nous-mêmes ? Les peuples américains, européens, africains, arabes... peuvent-ils dire qu'ils existent par eux-mêmes ? Les peuples européens peuvent- ils dire que nous existons par nous-mêmes ? Le peuple chinois existe-t-il par lui-même, que c'est son communisme et son communisme de marché qui lui donne le sens d'exister ? Il est évident que tous les peuples de la Terre existent par eux-mêmes, cela va de soi sinon ils n'existeraient ni n'auraient de sens d'exister. Mais, dans leur existence, ils sont existés, dans le sens qu'ils ont été existés, créés, venus sur terre, et la préhistoire le témoigne. L'homme a découvert des ossements des premiers hommes sur la Terre. S'il n'y avait que quelques hommes sur la Terre, cela signifie que l'astre sur lequel vivent les hommes a préexisté avant eux. Dès lors, venus sur la Terre et ici il faut parler seulement de leurs âmes venues sur la Terre, leurs habits sont empruntés de la Terre, ils ont évolué lentement mais cette évolution est conditionnée, dans le sens que les hommes ne se sont pas évolués par eux-mêmes mais l'ont été par le gré des circonstances. Et ces circonstances leur ont fait découvrir depuis la lance, la pointe taillée sur des pierres aux missiles balistiques nucléaires intercontinentaux. On comprend pourquoi cette expansion européenne sur les Amériques qui, faiblement peuplés, attendaient d'autres hommes pour les peupler. Il a fallu attendre l'évolution des sciences, des techniques, il y a cinq à six siècles, pour que ces deux continents soient découverts et, avec l'apport des Européens, des Africains, des Asiatiques, ont réalisé leur peuplement ; cette évolution a produit des pays neufs. Dont aujourd'hui, les États-Unis, la nation la plus puissante du monde ; de même, le Brésil une autre grande nation. Et cela n'est arrivé qu'à une date précise, à partir du XVe siècle, avec des peuplements diversifiés selon un processus déterminé, logique en regard de l'Histoire. Donc tout ce qui s'est produit depuis des siècles jusqu'à aujourd'hui signifie que les hommes ne commandent pas leurs destinées. Ils sont et ils deviennent de nouveau ce qu'ils sont mais autrement. Ils ont avancé dans l'histoire, ils ont évolué et ne sont plus ce qu'ils étaient, ils sont devenus autres. Et de nouveau, au gré des événements, ils avancent encore dans l'histoire. L'Europe a été au Moyen-Âge, elle est passée par des stades et des guerres et s'est constituée des empires coloniaux, puis encore par des guerres mais cette fois-ci mondiales pour devenir démocratique. De même, la Chine a été impériale puis est devenue communiste. Aujourd'hui, elle est hybride, communisme et capitalisme se chevauchent et tous deux en synergie lui ont donné sa puissance. Mais rien n'indique qu'elle sera ce qu'elle est aujourd'hui demain. Et le monde change, rien ne restera sur place, l'humanité évoluera parce que c'est inscrit dans ses gènes, dans son essence. Aucune puissance ne restera ce qu'elle est aujourd'hui ou ce qu'elle a été hier parce que l'histoire relève de quelque chose qui est en rapport avec l'Essence suprême, et seule cette Essence par laquelle l'humanité entière est venue à être, viendra aussi à devenir par Elle. Ce dont nous ne savons rien mais Elle, l'Essence suprême sait. Mais une chose est certaine, l'Essence corrigera toujours la trajectoire que prendra l'humanité. Comme cette guerre macabre en Ukraine sur qui tous les regards des grandes puissances sont braqués. La guerre en Ukraine se terminera, la paix reviendra, les blessures se panseront ; de nouvelles donnes apparaîtront, donnes qui feront oublier les peines vécues et engendreront certainement un monde nouveau beaucoup plus stable qu'il ne l'est aujourd'hui. Par conséquent, la réconciliation sera inéluctable ; l'Occident a besoin de la Russie face à la Chine qui avance et qui est appelée à supplanter l'Occident sur le plan économique mondial ; la Russie a besoin de l'Occident et de la Chine ; la Chine a besoin de la Russie et de l'Occident ; la Russie, en tant que pays territorialement le plus grand du monde, sera, par sa géographie, la jonction, le trait d'union entre l'Occident libéral et la Chine au régime hybride capitaliste-socialiste. Les heurts de l'après-guerre certainement persisteront, mais sans heurts il n'y a pas d'humanité. L'humanité n'est pas le cours d'un fleuve tranquille mais elle apprendra à le devenir, elle apprendra à éviter les guerres et à cultiver la paix, c'est dans l'intérêt de toutes les grandes puissances, et de l'humanité entière. *Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective |
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