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Abdelkader Zidane est
décédé la matinée du mercredi 10 février 2021, à 9h du matin des suites de la
maladie du coronavirus. Après plus d'un mois d'atroces souffrances durant
lequel sa famille, ses parents, ses proches, et ses nombreux amis demeuraient attachés
au téléphone espérant la bonne nouvelle de sa guérison; le couperet tombait ce
mercredi, Zidane venait de nous quitter pour toujours.
Combien est triste ce moment où un ami si affable disparaît. Il était si serviable si sociable qu'il devenait un élément indispensable pour l'ensemble du groupe d'amis que nous étions. Durant son hospitalisation on l'appelait, chaque jour, au téléphone mais il ne répondait pas, c'est alors que le Professeur Attar lui envoya un sms, la réponse fut glaciale pour nous: «je suis très très très fatigué», chacun comprit mais aucun ne fit de commentaire. Zidane sa formation et son parcours professionnel Venant de Ténès, il était arrivé au Lycée Technique des Palmiers pour y préparer son baccalauréat. Il devint maître d'externat puis d'internat. Dominant la communication avec les élèves il développa l'action sociale venant en aide aux défavorisés en organisant, par exemple, la quête pour payer les frais de voyage pendant les vacances scolaires et en participant à la satisfaction d'autres besoins. Il montait des tournois de football entre les élèves soit par classe soit par dortoir pour les internes. Zidane était l'homme qui se construisit lui-même. Il était le parfait self made man. Alors qu'il était en pleine préparation de son examen, il apprit deux mois avant l'épreuve que son père venait de décéder ce qui voulait dire que dorénavant, il fallait qu'il participe à la gestion de la famille. De retour à Oran, il prit son courage à deux bras et ira travailler à ALTRA (Arzew) devenue peu après ENGTP (entreprise des grands travaux pétroliers) qui alors allait participer aux grands chantiers du développement national dans le secteur des Hydrocarbures. «Le courage est la première des qualités humaines car elle garantit toutes les autres», disait Aristote. Zidane en fera la preuve, avec ténacité il s'impliqua dans tous les grands projets industriels: - la Centrale électrique de Mers El Hadjadj - le renouvellement des installations portuaires endommagées lors de la tempête de 1980 - la rénovation des Complexes GNL 1et 2 - les arrêts techniques de la Raffinerie d'Arzew Et puis il effectua plusieurs missions ponctuelles à Hassi Rmel et à Hassi Messaoud. Il fit partie de l'équipe de l'Ecole de Formation des soudeurs-radiologues qui travaillait sur plusieurs types de soudures de leur contrôle et de leur inspection. Tous ces travaux et l'étude des méthodes applicables à chaque cas fournirent à Zidane un bagage technique non négligeable lui permettant de passer l'examen d'ingénieur qu'il aura haut la main. Il deviendra alors responsable de l'Ecole de Soudure. Le management allait l'absorber entièrement. On pourrait parler longuement de la vie professionnelle de Zidane mais cela ne suffira pas à retracer le contour de l'homme qu'il fut sans aborder sa vie syndicale, toute pleine de bravoure, d'engagement sans faille et d'honnêteté. Zidane le preux syndicaliste A cet effet M. Noureddine BOUDERBA (cadre supérieur de l'ENGTP, membre du syndicat GTP, ex président du Comité de participation de GTP, et ex membre du bureau fédéral de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole du gaz et de la chimie FNTPGC), l'homme qui a subi à partir de l'été 1995 dans le cadre de la répression qui s'est abattue sur les syndicats et les travailleurs les plus combatifs un licenciement de 26 mois, un harcèlement judiciaire (7 plaintes déposées au pénal, 2 mois de mandat de dépôt) apportera un témoignage édifiant sur les qualités morales du syndicaliste Zidane. Ils se sont connus en 1991 quand il fallait que les syndicats se réapproprient leur structure pour juguler les menaces qui pesaient sur les épaules des travailleurs (stagnation des salaires, non évolution des carrières, les bases de vie dans le Sud devenant insalubres, à tout point de vue, Sonatrach ayant réduit son activité, les plans de charge de GTP s'amenuisaient, la menace du licenciement de1.500 travailleurs fut à prendre au sérieux...). La bureaucratie syndicale s'opposait à tout changement et puis les nouvelles lois sociales venaient limiter le droit syndical en instaurant la précarité, le travail temporaire et le temps partiel. La période d'instabilité politique et les problèmes sécuritaires n'encourageaient pas la mobilisation. L'engagement de Zidane en faveur des travailleurs demeurait constant. Altruiste, honnête à l'extrême, on pouvait compter sur lui. Pour toute action syndicale il était toujours au devant de la scène, fidèle à la confiance que les travailleurs avaient placé en lui. Au sujet du grand mouvement syndical du secteur parapétrolier 1994-1995 pour s'opposer à la privatisation de leurs entreprises, proposant le regroupement autour de la société mère SONATRACH, Zidane a su mobiliser toute la plateforme d'Arzew, sans exception. C'est alors que débuta la répression la plus féroce !!! Zidane une culture d'origine et l'engagement militant Zidane est né à Ténès dans le quartier populaire dans une famille où tous les enfants étaient scolarisés. Il évoluera dans ce milieu alors que le réveil politique nationaliste était à son summum comme dans toutes les chaumières algériennes (il faudra un jour écrire ce que ressent un enfant grandissant dans cette ambiance). Si beaucoup d'adolescents ont rejoint le maquis très tôt ce n'est pas le fait du hasard. Et ceux qui ont évolué et grandi dans ce climat savent ce que le mot patrie veut dire. Zidane était prédéterminé à être l'homme qu'il fut. Appelé au Service national en octobre 1973, il ira avec fierté accomplir son devoir, heureux de revêtir la tenue que son frère aîné Maamar - que DIEU ait son âme- avait porté avant lui dans les rangs de l'ALN. Ses officiers garderont de lui un bon souvenir et certains d'entre eux devinrent ses amis. Puis il fut rappelé en janvier 1976 et il reprendra du service avec la même détermination. Nationaliste convaincu, il suivait l'actualité des révolutions dans le monde avec passion et particulièrement la Révolution Palestinienne. Il applaudissait à chaque acte de bravoure accompli par les combattants et était honoré par le comportement des djounouds algériens, le long du Canal de Suez. Il fustigeait les trahisons de certaines monarchies arabes, Il ne faut surtout pas s'en faire disait-il ce ne sont historiquement que les descendants des affranchis «el moutlakoun» comme les a définis Le Prophète que le Salut de DIEU soit sur lui. Le courage légendaire des Quoreich qui préféraient mourir au combat plutôt que sur leur lit douillet avait fondu face à la puissance de l'armée de Mohammed et ils se murèrent dans leurs maisons. C'est alors qu'ils reçurent une grâce Humiliante : «vous êtes moutlakoun (affranchis)», Cette grâce les poursuit de nos jours et ils sont à la solde de leurs nouveaux maîtres! Il jubilait de joie quand il apprit la résistance héroïque de l'Imam SADR face aux forces sionistes lors de la guerre du Liban. C'est un bel exemple pour les forces arabes. L'aspect politique de ce que fut Zidane révèle le même sens de l'engagement et de la franchise. Après l'ouverture du champ politique et l'émergence des partis politiques Zidane ira logiquement à ce qui correspondait le plus à sa pensée. Il adhéra au mouvement de Benbella, le Mouvement pour la Démocratie en Algérie. Il fut désigné membre de la Délégation d'Oran (bureau régional mais qui pouvait intervenir sur l'aspect national). Quand Benbella vint à Oran après tant d'années d'exil et se rendit à Arzew et Bethioua l'accueil fut euphorique, Zidane qui vivait et travaillait dans la région avait fait son œuvre. C'est alors que le débat politique s'orienta vers la question de la Réconciliation Nationale, Zidane fut l'un des premiers à s'y investir et quand on en arriva aux négociations, il fut désigné par Benbella, dans le groupe de contact composé du Commandant de l'ALN Aidouni, de Zidane, de Abdelkader Abdessadok et de Mohammed Zaoui. Zidane entreprit alors un marathon pour prendre le maximum de contacts et sillonna la région frappant aux portes les plus indiquées pour porter le message de la paix évitant au pays la catastrophe que d'aucuns avaient programmé. Les contacts n'étaient pas faciles et le danger était partout présent et il se rendit y compris dans les maquis pour faire cesser le feu. L'Algérie était dans son cœur et d'ailleurs il aimait fréquenter la plupart du temps ceux qui avaient réellement participé à la guerre de Libération tels le capitaine de l'Etat Major de la Wilaya 5 le regretté Si El Hadj Abdelkrim Zaoui, le Commandant El Aidouni de la Wilaya 5, le Commandant Mourad de la Wilaya 4, le Commandant Si Lahcen Soufi de la Wilaya 5, M. Si Ali Cherif Deroua du MALG et bien d'autres. Il s'instruisait auprès d'eux des moindres faits survenus ici ou là durant la guerre et comparait les dires. Il avait d'autre part lu la majorité des ouvrages traitant de la résistance, il se faisait ainsi une idée précise de l'histoire du pays. On aurait parié qu'il avait pour projet la publication d'un récit, hélas!!! Zidane le quasi-retrait de la vie publique et une plus grande concentration sur la voie de la foi religieuse La retraite acquise, le désenchantement politique et le poids de l'âge ont pesé de toute leur puissance sur son détournement vers une dévotion sans limite .Il était déjà depuis sa jeunesse porté sur le poids important que le musulman doit accorder à la pratique religieuse, cependant l'expérience de son vécu va lui ouvrir l'approfondissement de l'intérêt que l'individu doit porter à la conscience. Il se retira quasiment de tous les cercles de rencontres et de discussions dont l'intérêt portait strictement sur le profane. Il ne condamnait point mais ce n'était plus son centre d'intérêt. Zidane était devenu le pratiquant entier, il pratiquait toutes ses prières en mosquée et toutes les prières surérogatoires sans exception. Il jeûnait une grande partie de l'année et le Ramadhan devenait pour lui le mois de dévotion complète. Il s'abandonnait à DIEU comme il aimait à le dire, il fréquentait la Zaouïa Belkaid et y passait pratiquement toutes ses soirées s'adonnant à la lecture du Livre Saint. Il adorait la lecture du Saint Coran en groupe, il avait appris beaucoup de Hadiths du Prophète et les poésies Midh. Il accomplira trois pèlerinages aux Lieux saints en appliquant strictement toutes les recommandations contenues dans les textes sacrés relatifs au Hadj. Dans ses lectures à la Grande Mosquée il tomba sur le verset 84 chapitre XXXVIII (sourate le récit «el kassas») et dans son exégèse par les Fouquahas il suffisait d'écrire ce verset dans les lieux saints pour y retourner de nouveau. Altruiste il n'hésitera pas à le recopier à la main plusieurs fois et le distribua au hasard dans la foule des Hadjis. Il souhaitait partager ce bonheur du Hadj avec tout le monde. Mais comme on dit «à cœur vaillant rien d'impossible» le 25 février 2019, venait sonner le rappel au combat, la prière du Vendredi accomplie, il fila vers la place du 1er Novembre pour un regroupement auquel plusieurs associations avaient appelé et ce fut l'heure du Hirak. Sans rien changer à sa nouvelle vie, il se retrouvait à marcher de la fin du Dohr à la prière du Asr, au milieu de cette jeunesse exubérante et il le fit jusqu'à la pause du Hirak. En habitué des combats, il remarquait les faiblesses, mais disait-il «Ils se feront». Voilà qui était Abdelkader ZIDANE, un homme simple fait par l'Algérie et pour l'Algérie comme ce pays sait en faire naturellement. * Cadre retraité CE TEXTE A ETE REDIGE APRES L'ECOUTE, LE RECUEIL D'INFORMATIONS ET LE CONSENTEMENT DES AMIS DE ZIDANE: LE PROFESSEUR ABDERRAHMANE ATTAR, DE MONSIEUR NOUREDDINE BOUDERBA , DE MONSIEUR FKIH SAHRAOUI, DE MONSIEUR BELKACEM GUESMIA,DE MONSIEUR ABDELKADER ABDESSADOK, ET DE MONSIEUR MOHAMMED ZAOUI. |
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