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Dans un contexte mondial qui
ressuscite l'image des grandes pandémies du moyen-âge, un professeur en
microbiologie de Marseille déclare avoir trouvé le remède miracle. Il s'agirait
d'une ancienne molécule administrée pour les infections du paludisme, composante
essentielle d'un mix. Je voudrais bien le croire mais...
Une nouvelle sans doute réjouissante si elle n'avait pas provoqué la bataille d'Hernani. La France se retrouve divisée entre deux camps opposés qui se livrent une bataille médiatique féroce, barricadés dans deux tranchées solidement creusées. Avec une telle guerre de positions même le discours modéré est inévitablement considéré par les uns comme par les autres comme faisant partie du camp adverse. Il faut bien reconnaître que ma position est assez ambiguë car teintée de grosses réserves en même temps que l'espoir d'une confirmation. Cependant j'ai crainte que je ne pourrais, avec la plus grande volonté, avoir assez d'arguments pour défendre la seconde hypothèse. Essayons d'aller pas à pas vers une démarche équitable, à charge et à décharge, pour justifier mon scepticisme. Commençons par rappeler les faits. De quoi s'agit-il ? Nous l'avons dit, le professeur affirme que la molécule qui combat le paludisme, associée à un antibiotique, serait une possibilité de vaincre le virus. Il l'atteste de ses recherches. Et c'est là où commence le débat car les membres du Conseil scientifique autour du président de la République, dont il fait partie, contestent la démarche adoptée par l'étude du professeur, contraire aux règles scientifiques. Par centaines, des Marseillais font la queue pour recevoir le traitement et dans le monde l'écho ne s'est pas fait attendre, surtout par la publicité donnée par Donald Trump. Le voici donc en position de victime. Néanmoins ce n'est pas un argument recevable pour valider des résultats scientifiques. Le professeur Raoult, un éminent scientifique Écartons immédiatement les attaques honteuses contre la personne du professeur. Le débat exacerbé a poussé certains à pointer du doigt le « look » assez particulier du personnage en le traitant de charlatan et de gourou. Cela est inadmissible car l'homme est absolument conforme à la décence dans une liberté capillaire et de ton qui ne peuvent rien enlever à sa dignité. D'ailleurs, un aspect très courant dans le monde artistique comme scientifique. Il s'agit là d'une banalité qui ne mérite pas qu'on s'y attarde. Le professeur Didier Raoult est un éminent chercheur, reconnu dans le monde entier comme une sommité de sa discipline et aux nombreuses publications scientifiques de très haut niveau. Pour autant, est-ce suffisant pour accréditer scientifiquement l'espoir qu'il suscite ? Absolument pas car défendre le professeur contre les attaques indignes ne prouve pas pour autant la véracité de ses résultats pour combattre le fléau. Quelle base scientifique de l'étude ? Loin de moi l'idée de prétendre justifier de la moindre once de ses compétences. Mais ce qu'on nous avait appris au collège me semble pencher plutôt du côté des arguments de ses détracteurs. Nous savions, depuis ce très jeune âge, que la procédure de validation d'un produit destiné à être inoculé à des êtres humains devait suivre un protocole scientifique assez logique et facile à comprendre. Près de huit malades sur dix ne présentent que des symptômes bénins, la guérison étant au bout. Pour un nombre indéterminable de la population, c'est le cas des infectés asymptomatiques, nous ne pouvons les détecter que par un test, ce qui n'est pas possible à une si grande échelle. Le professeur a comptabilisé une proportion importante de guérisons, supérieure à celle des chiffres que l'administration de la santé avait divulgués sur le plan national. Le souci est qu'il n'a pas suivi le protocole scientifique tel que les standards internationaux l'exigent. Ce protocole nécessite que l'on administre le véritable produit pour une première cohorte et un placebo pour une seconde de même population statistique. Les personnes qui ont subi l'injection ne savent pas dans quelle cohorte ils sont. Autrement dit nous avons deux populations distinctes, si celle de la véritable prise de produit actif présente plus de résultats favorables, dans une proportion significative, cela validerait l'efficacité. Or le professeur Raoult n'a aucunement adopté cette méthode et ses résultats ne sont donc pas convaincants. L'étude qu'il a produite est mise à mal par l'ensemble de la communauté scientifique internationale. Le professeur argue que les Chinois ont validé l'efficacité de la molécule. Si un jour il m'arrivait de faire confiance à un État qui a occulté le problème dans ses débuts en incarcérant un médecin, lanceur d'alerte, ainsi qu'à la fiabilité de ses statistiques, je perdrais mon sens de discernement. Puis je constate que celui qui a donné le premier une crédibilité à ce traitement est Donald Trump. Là je ne perdrais pas seulement mon sens de discernement mais ma raison entière. D'autant que la communauté scientifique de son pays n'est pas dans cette certitude, même ne l'est pas du tout. Il faut rajouter enfin que l'échantillon du professeur est bien trop petit pour qu'une conclusion scientifique soit concluante. Au final, après l'engouement international du départ, je découvre récemment que les plus grandes revues scientifiques internationales émettent plus que des doutes mais des moqueries certaines. Rien ne me fait donc pencher du côté du professeur Raoult sur ce point fondamental. L'irrationnel chasse la raison du scientifique L'autre point qu'il faut soulever est le climat d'irrationalité que suscitent les déclarations du scientifique. Le débat scientifique ne doit jamais sortir de son contexte au risque de créer une irrationalité auprès du public. Mais pire encore, à un moment où la peur s'est installée. Ce n'est pas pour me convaincre d'une bonne impression. En rajoutant de la communication médiatique c'est avoir jeté de l'huile sur le feu. Le débat est sorti de son cadre et la France est divisée en deux clans qui s'entre-déchirent sans en avoir ni les compétences ni les données scientifiques. De toute part des personnalités s'affrontent et s'insultent dans un climat inapproprié au débat scientifique. Rien de bon ne peut sortir d'un tel tumulte et certainement pas la vérité scientifique. Par cette autre constatation, je ne peux défendre la position du professeur. Pourquoi n'a-t-il pas pris le temps d'une procédure scientifique de validation ? Plus que personne, il sait que la peur de la mort réagit au détriment de ce que toute sa vie il a mis en œuvre d'une manière admirable, la démarche scientifique. L'argument irrecevable du cas Galilée Dès qu'un scientifique sort du cadre et se confronte à l'opposition de la majorité de ses pairs, voire à la totalité, on évoque instinctivement le célèbre exemple historique de Galilée. Bien entendu que la science n'avance pas toujours dans le cadre de sa procédure balisée. Beaucoup de découvertes ont été possibles par une démarche empirique, parfois accidentelle. Mais soutenir cette éventualité pour défendre le professeur Raoult me semble sans fondement. Galilée n'a pas été contré par une communauté scientifique libre de ses méthodes et de son discernement, mais par un dogme religieux qui pensait fermement détenir la vérité absolue tirée des textes religieux. On ne peut tout de même pas rapprocher les deux exemples d'autant que Galilée avait une preuve scientifiquement vérifiable avec sa célèbre lunette et ses calculs déduits des longues observations et des travaux de Copernic. De plus personne ne veut faire monter sur le bûcher le professeur Raoult et la molécule qu'il préconise est en vente auprès du public depuis des décennies puisque c'est un remède contre le paludisme. Or si la découverte avait été perçue comme certaine, beaucoup de scientifiques et de médecins l'auraient plébiscitée. Après la période d'euphorie, ils se sont bien rendu compte que le miracle ne s'est pas produit dans les résultats. Tous continuent de prôner le confinement, ce qui est contradictoire avec la prise du traitement en question. Ce n'est pas comme cela que devrait fonctionner la science. Laissons alors la raison revenir, elle est promise par l'étape suivante. Le juge de paix, les études en cours Si nous écartons la recherche d'un vaccin, en cours actuellement, dont il faut admettre que c'est pour un temps beaucoup plus long que celui qui est nécessaire pour vaincre l'épidémie mondiale, il ne reste que la piste des remèdes. Plus d'une centaine d'études sont en cours en ce moment dans le monde. Elles remettront de l'esprit scientifique là où l'irrationalité avait pris le dessus avec l'affaire du professeur Raoult. Et c'est ainsi qu'aucune piste n'a été écartée pour confirmer ou infirmer celle du professeur marseillais. Il faut cependant dire que jusqu'à présent elle ne semble pas être des plus prometteuses par ses résultats. Professeur Raoult, j'aurais aimé défendre votre position mais vous ne me laissez aucune chance pour que je puisse avoir un argument qui me fasse conclure à votre miracle annoncé. Je refuse de croire en toute irrationalité, ce n'est pas avec d'aussi pauvres arguments scientifiques que je pourrais être enthousiasmé par la vôtre. Mais j'ai un doux espoir secret que vous ayez raison, malgré tout. *Enseignant |
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