Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Les
médias manifestent une certaine difficulté à maitriser leurs politiques
éditoriales. Ils semblent perdre leur crédibilité parfois et patauge
aujourd'hui dans la qualité informationnelle. Ils se télescopent et se copient
car il n'y a plus de place au scoop médiatique. Les médias sont touchés eux
?aussi par la hantise du coronavirus qui a tellement dominé l'avant-scène
médiatique qu'il n'y a plus d'information saine. Ceci donne lieu à la
construction d'une lecture collective et d'un discours politique identique. En
revanche cela a permis de façonner une sorte de média-phobie chez le spectateur
mais surtout chez les internautes. La politique étatique s'est depuis longtemps
emparé de l'arsenal médiatique et a fait des chaines télévisées un symbole
officiel de la souveraineté gouvernementale. Le contrôle de l'opinion public
s'exerce par la diffusion des images dirait-on contagieuses afin de gouverner
le peuple,l'aduler parfois
mais souvent le manipuler. En termes de suprématie politico-économique cette
idée de l'image contagieuse recoupe par ricochet avec le « Manufacturing
Consent »( E.S. Herman et Chomsky,1988). En réalité,
depuis la mise en ligne des informations télévisuelles et l'apparition de l'ère
post-médiatique, le média s'est devisé en deux grand pôles informationnels, Le
média classique, ce que j'appellerais « le hard média »ou le grand écran tel
que le téléviseur et le « soft-média » ou le post-média, c'est-à-dire
l'internet. Mais cette dissidence de la matérialité médiatique et la
transformation de l'espace informationnel du « devenir-panique » d'un virus ( R. Debray 1994) ont impacté le public. Elle le divise et
le catégorise, ce qui crée des informations relatives en rapport avec un
problème générationnel de la réception de l'information.
C'est un peu comme le Minitel et le télégramme, tombent aujourd'hui dans l'oubli. Si le média classique rassure le public, les réseaux sociaux en tant que forme officieuse de l'information semble semer la panique dans la société, contribue à la désinformation et au marketing de la peur. Dans cette phase développée de la pandémie du coronavirus, l'information devient nocive parce qu'elle est centrée sur un sujet qui menace l'espèce humaine. L'image visuelle accompagnant le processus d'information devient contagieuse. Elle est médiatique par elle-même et peut être isolée du texte. Une lecture sémiologique aide mieux à comprendre la propagation informationnelle. L'image du masque véhiculée à travers les médias est elle-même une preuve d'un risque et d'une menace de la maladie. Les images massives du masque confirment la présence du virus. Le masque devient un punctum qui attire l'attention et repousse en même temps le spectateur. De l'autre côté, l'information se relativise et devient parfois incontrôlable. C'est le cas des réseaux sociaux Facebook et Youtube qui multiplient des versions amateurs et officielles des informations n'émanant pas de spécialistes. Une vraie recherche de l'information s'impose donc pour certains afin de connaitre la réalité du virus. Ainsi, le spectateur classique est en état d'attente d'être rassuré. Il est à la recherche d'une information positive potentiellement diffusée par les services de santé compétents de son pays. Les internautes, quant à eux,ne seront jamais satisfaits d'une seule version. Par conséquent, ils vivent en permanence dans l'angoisse de l'information négative. Ce qui explique les contradictions de leurs différentes interprétations de l'origine du virus. D'où le nombre impressionnant de contenus de clips et d'articles en rapport avec les théories du complot. Ils deviennent addicts aux écrans et s'adonnent à ce genre d'explications. Ce qui propage aussi une certaine incrédibilité dans les sources officielles de l'information. Les contradictions qui peuvent résulter des médias classiques et postmodernes déroutent ainsi la concentration sur la dangerosité du sujet en tant qu'une entité physique. Il y a sur Facebook, 510,000 commentaires, 293,000 statuts, et 136,000 photos qui sont postés toutes les 60 secondes (Lyfemarketing, 2019). L'image visuelle est donc la Market place de l'émotion. Dans le casdes informations des médias de masse et de post-média en rapport avec le coronavirus, cette image est le lieu et la source d'angoisse. Elle est liée à un espace médical ou maladie et guérison s'inscrivent dans un imaginaire sanitaire de l'homme. C'est la façon dont on lit ces images ayant un impact visuel souvent négatif sur le spectateur. Il s'agit d'images sensées être informationnelles, c'est-à-dire des photo-journalistiques en rapport avec une industrie des médias. Elles sont souvent isolées d'un contexte linguistique inspiré d'une culture spirituelle. Ces images sont justement hors contexte car elles ne sont pas contractuelles pour la plupart des téléspectateurs. Elles sont télescopées, légalement piratées,et thématiquement identiques. Elles trompent, contaminent et transmettent un état de pessimisme. Elles deviennent contagieuses. Il faut donc moins d'images négatives et plus de sémantique positive afin d'avoir une visibilité saine,ce qui permet de reconstruire une mémoire visuelle dans un environnement optimal. Le confinement de trois milliards de personnes aujourd'hui est certes nécessaire mais il ne doit pas transformer l'homme en esclave d'une information visuelle nocive pour ne pas tomber victime du marketing de la peur. Les images visuelles ont changé notre regard sur le monde. Elles regardent à notre place ce que l'on ne voit pas réellement même si elles ne reflètent pas toujours la réalité. C'est pourquoi, elles peuvent perturber la réflexion du spectateur. Il est donc important de se débarrasser du « média-virus », cette industrie souvent sans conscience spirituelle et corrode l'âme du lecteur. En clair, quand on aime regarder un film d'horreur cela veut dire qu'on sait déjà que les images horribles sont cinématographiques. Aimer regarder ce genre de film, cela s'apprend. Le Covid-19, s'est aujourd'hui transformé en mystère. Ce virus est réel mais il est devenu une image mentale qui circule en boucle pour s'installer à tort dans la conscience humaine. Les images à tendances médicales, celles des masques barrières, et celles qui contiennent des formes coronaires ne doivent pas nous inquiéter. Au contraire, elles sont faites pour nous sensibiliser. Reste à dire que les médias doivent façonner une nouvelle norme spirituelle qui résiste à la matérialité des images angoissantes. C'est cette norme qui aidera le lecteur-spectateur et consommateur de créer sa propre immunité contre des images visuelles nocives et de s'émanciper du pouvoir de ces images. «Les médias, écrit Lise Renaud (2005), associent une image aÌ un produit, ce qui confère aÌ ce dernier une signification particulière. L'usage des médias constitue une stratégie incontournable de santeì publique : ils influencent les normes sociales et proposent de nouvelles façons de faire aux citoyens. Les médias font partie de l'environnement global des individus et sont, après la famille et les autres réseaux sociaux, un important agent de socialisation. » * Professeur de culture visuelle et de littérature |
|