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Aujourd'hui, on commence à
entrer en Algérie dans une période dite en politique «de pré-transition
organisée», c'est-à-dire essayer d'utiliser tous les moyens constitutionnels
pour arriver à organiser des élections présidentielles et élire un président de
la République.
On est bien dans les temps sérieux de la crise politique depuis que le mouvement populaire a pris l'initiative de se rendre chaque semaine dans la rue pour dire non à un système politique non crédible et détesté qui a beaucoup perduré sur le plan de la «longévité politique». En effet, il est important de noter aujourd'hui que le mouvement populaire est en train de dire tout simplement aux concernés du pouvoir et de la décision politique de passer une fois pour toute à la vraie rupture avec les comportements du système et de trouver le plus vite possible des solutions à cette crise qui frappe le pays en assurant une transition transparente pour atteindre un processus démocratique digne de ce nom. Si l'on reprend le dicton qui dit que «la première des vertus est le dévouement à la patrie», il est indispensable aujourd'hui pour tous les Algériens d'être dévoués à cette chère Algérie afin de lui éviter tout problème qui pourrait nuire à sa stabilité. Si l'on reprend aussi le dicton anglais «Don't swim against current» qui signifie qu'il ne faut pas nager contre le courant, le pouvoir en place doit comprendre qu'il doit écouter le mouvement populaire en négociant dans les meilleurs délais ses revendications avec le recours à l'ouverture d'un débat réel et demander la désignation de ses représentants car la démocratie se fabrique par le peuple. Ou alors le pouvoir peut prendre l'initiative de mettre en place trois personnalités indépendantes et populaires à la tête du Conseil constitutionnel, du gouvernement et de l'Etat. Il reste bien sûr le côté procédural qui doit considérer à la fois l'approche constitutionnelle et politique. Il s'agit de prévoir déjà cette crise politique et de ne pas laisser l'agencement de «la désobéissance civile» et l'absence de l'autorité publique pour être à temps avec les défis de la sécurité nationale, et aussi de la crise économique prévisible d'ici 2020 - 2021 au niveau du déficit budgétaire, notamment sans la planche à billets, au niveau des déficits de la balance des paiements et de la balance commerciale, et au niveau des problèmes de réserves de change qui vont complètement baisser. Il est à signaler que le mouvement populaire est toujours décidé à appliquer les articles 7 et 8 de la Constitution après avoir participé à l'activation de l'article 102 de cette Constitution. Pour ce mouvement, l'article 7 évoque que «le peuple est la source de tout pouvoir» et que «la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple» et du coup ce mouvement se considère comme le maître à bord pour orienter le «gouvernail» de la situation et bien évidemment le choix de son pouvoir d'une manière transparente. En outre, l'article 8 stipule aussi que « le pouvoir constituant appartient au peuple; le peuple exerce sa souveraineté par l'intermédiaire des institutions qu'il se donne; le peuple l'exerce aussi par voie de référendum et par l'intermédiaire de ses représentants élus; le président de la République peut directement recourir à l'expression de la volonté du peuple». Quand on fait une lecture matérielle de la première phrase de cet article 8 de la Constitution en particulier, on comprend que le peuple détient le pouvoir constituant originaire. En effet, comme le précise Philippe Foillard dans son manuel «Droit constitutionnel et institutions politiques» publié en 2001, «la définition matérielle de la Constitution prend en compte son contenu, c'est-à-dire toutes les règles écrites ou non, qui touchent à l'acquisition et à l'exercice du pouvoir (...). Cette situation (du pouvoir constituant originaire) peut se produire (...) en cas de changement de régime politique et en particulier dans le cas d'une révolution. Les dirigeants provisoires peuvent être forts de la légitimité politique acquise grâce au succès de la révolution». Partant de là, ces dirigeants provisoires peuvent même procéder à la rédaction d'une nouvelle Constitution, ce qui n'est pas conseillé pour notre cas. Ils peuvent aussi, dans le cas de l'Algérie, procéder à la gestion de la période de transition. Ceci justifie la mise en place d'un HCE (Haut Comité d'Etat) ou de préférence d'une personnalité nationale indépendante à la place du chef de l'Etat pour gérer la période de la transition. A travers la deuxième phrase de l'article 7 («la souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple») corrélée à l'article 28 de la Constitution qui évoque que «... l'Armée Nationale Populaire a pour mission permanente (...) la défense de la souveraineté nationale (...)», on peut déduire que l'Armée Nationale Populaire peut assurer la souveraineté nationale qui appartient exclusivement au peuple et donc il y a une sorte de légitimation constitutionnelle à l'accompagnement de l'armée au peuple, dans son processus de transition démocratique. Il faut savoir que cette Constitution est donc interpelée aujourd'hui plus que jamais en tant qu'ensemble des règles qui définissent le statut des gouvernants et les rapports des gouvernants et des gouvernés. Selon les spécialistes de la Constitution, les portées de la Constitution peuvent être juridiques et politiques : la première portée de la Constitution est juridique en définissant les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions, notamment leurs compétences et leurs rapports tandis que la deuxième portée de la Constitution est politique dans le sens où elle peut exprimer un projet politique global, notamment par des préambules ou par le biais des déclarations des droits comme le cas des articles 7 et 8 de la Constitution algérienne... Cela peut évoquer le passage de la question de la souveraineté nationale détenue par le peuple à la question même de la souveraineté populaire qui a été étudiée par Jean-Jacques Rousseau à travers le Contrat social et l'idée selon laquelle des procédures de démocratie peuvent être développées. Partant du constat que la démocratie est déterminée par le fait que le peuple puisse choisir ses gouvernants, les spécialistes de la question des processus de transitions politiques s'accordent en général sur la conception procédurale de la démocratie politique : un régime politique caractérisé par des élections libres et par une compétition politique transparente. Cette base théorique insiste sur l'idée selon laquelle les élections libres et transparentes organisées par une partie crédible sont les seuls leviers pour atteindre un consensus nouveau qui rallie politiquement de larges fractions de la société. Le concept de transition à la démocratie est ainsi directement lié à deux volets importants : d'une part, il s'agit de retrouver les vertus de la démocratie électorale, d'autre part, il s'agit de rompre majoritairement avec le système politique totalitaire qui considère la démocratie politique comme secondaire et indésirable. Justement, en Algérie, la question qui reste posée est : comment faire sortir les symboles du système tout en usant du cadre constitutionnel et politique ? Une réponse possible serait de remplacer progressivement les personnalités décriées par la rue à travers leurs démissions. Justement, ce mardi 16 avril 2019 a connu la démission du président du Conseil constitutionnel (appelé «premier B» par le mouvement populaire) qui a coïncidé avec la nouvelle intervention du chef de l'état-major de l'armée sur la situation politique, évoquant encore une fois le rôle de l'armée dans la protection du peuple, l'accompagnement de la transition dans le cadre constitutionnel, l'incitation de la justice à poursuivre les dossiers de corruption et de dilapidation de l'argent public... Dans ce contexte, le choix des remplaçants des chefs décriés des différentes institutions, appelés les «B», pour assurer la transition, sera déterminant car tout ce qui symbolise l'ère qui s'achève rencontrera sûrement le rejet de la population, et risquera d'amplifier la crise. Mais selon le règlement intérieur du Conseil constitutionnel, le président de ce dernier a été remplacé rapidement par un de ses membres, même s'il aurait été très préférable pour le chef d'Etat de nommer une personnalité nationale indépendante à ce poste. D'une manière politique et pragmatique, le chef de l'Etat par intérim devrait désigner cette personnalité indépendante à la place de ce nouveau président du Conseil constitutionnel. Cette personnalité prendrait ensuite la place du chef de l'Etat après sa démission mais pas avant que ce dernier ne procède à l'acceptation de la démission du gouvernement puis à son changement. En effet, le gouvernement actuel, du moment qu'il est décrié par le peuple à travers les visites de ses ministres sur le territoire national, montre qu'il ne peut pas travailler dans ces conditions et doit donc démissionner, pour permettre une sortie constitutionnelle à travers son remplacement par un gouvernement indépendant désigné par le chef de l'Etat car l'article 104 de la Constitution, qui stipule que « Le gouvernement en fonction au moment de l'empêchement, du décès ou de la démission du président de la République, ne peut être démis ou remanié jusqu'à l'entrée en fonction du nouveau président de la République», n'évoque pas la procédure à suivre dans le cas de la démission du gouvernement. Concernant le président de l'APN, sa démission est un fait qui ne pose pas problème du moment que le mouvement le rejette et bien évidemment il serait remplacé par un autre membre de l'APN. Finalement, le défi à relever aujourd'hui pour l'Algérie est bien de choisir des personnalités intègres, honnêtes et crédibles, qui bénéficieraient de la confiance du peuple et qui seraient capables d'assurer la transition et de faire sortir le pays de cette étape critique en organisant des élections présidentielles libres et transparentes sous la coupe d'une commission électorale indépendante. Néanmoins, l'Algérie doit d'abord accéder à la démocratie et à un système politique très cohérent et crédible, condition nécessaire mais pas suffisante, pour pouvoir commencer à élaborer des politiques publiques permettant de relever les défis qui l'attendent dans le cadre de la consolidation d'un Etat de droit légitime et fort qui aurait l'aspect de coercition dans sa gestion des individus et de la société. *Professeur-Docteur en sciences politiques ; Docteur en droit; Titulaire d'un diplôme d'études approfondies en sciences économiques |
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