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«De combien
d'hommes ne peut-on penser que c'est par médiocrité qu'ils sont sages ?» André
Gide
Le choix de cette thématique n'a rien de fortuit, il émane du désir de pourvoir au débat sur l'optimisation du fonctionnement de l'Etat en ces temps de vaches maigres où il est vivement recommandé de savoir compter ses billes. Dans cette occurrence, qui voit plein d'experts de tout poil, non garantis et surtout non répertoriés, s'époumoner à suggérer toutes sortes de recettes pour une plus grande efficience du fonctionnement de l'Etat, nous apportons cette modeste réflexion pour pointer le recrutement des personnels de l'Etat, suggérant et démontrant que la méthodologie qui sévit présentement est résolument justiciable d'une réinitialisation, au regard d'un mode opératoire qui perd tout à la fois en légitimité et en performance. Il faut convenir à ce sujet que le contexte actuel est des plus propices (choix budgétaires contraints, impact tic, démographie, etc.) pour discuter très opportunément de la question, étant admis que les meilleures réformes se font le couteau sous la gorge. Toutefois, nous ferons ici l'impasse sur la problématique du recrutement lui-même dans la fonction publique ? nous en avons longuement disserté sur le sujet dans ce journal (QO du 23/25/26/27/28/2015) pour limiter notre propos, ce qui n'est pas déjà un exercice aisé, à débattre typiquement des concours et des examens professionnels au travers des procédures qui les régentent. Aussi, notre attention se fixera-t-elle sur et autour des dysfonctionnements qui vont jusqu'à déjuger le principe fondateur fixé à l'article 63 de la Constitution qui déclare que «L'égal accès aux fonctions et aux emplois au sein de l'Etat, est garanti à tous les citoyens, sans autres conditions que celles fixées par la loi (..) ». Principe qui est d'ailleurs vigoureusement revendiqué par l'article 77 de l'ordonnance n°06-19 du 15 juillet 2006 portant statut général de la fonction publique, qui affirme pour sa part que «Le recrutement des fonctionnaires est soumis au principe de l'égal accès aux emplois publics». Entendons-nous bien, la Constitution ne fait pas précisément mention du vocable «concours». C'est plus au fil d'un long mûrissement et d'un long cheminement des idées que la jurisprudence et la doctrine ont convergé pour admettre que le concours représente la formule concrétisant le mieux, et même la seule pour les jusqu'au-boutistes, le principe de l'égal accès aux emplois publics. Les différentes versions du statut général de la fonction publique intervenues depuis l'indépendance ont été explicites sur la question, en consacrant le concours, sous toutes ses formes, comme étant le mode privilégié du recrutement dans les emplois publics. La dernière en date, celle issue de l'ordonnance 06-19, susvisée, a statué dans le même sens à travers l'article 80, qui pose plus directement que le recrutement dans un emploi de la fonction publique s'effectue par voie de concours, détaillant par suite les différents modalités le régissant, entre concours sur épreuves, concours sur titres et test professionnel. Le statut général a toutefois tempéré son dogme, pour des motifs de nécessité, en autorisant le recrutement direct des candidats ayant subi une formation spécialisée auprès d'établissements de formation dédiée. Cet accès dérogatoire est suffisamment inscrit dans les statuts particuliers. En fait, la dérogation n'est qu'apparence, pour la raison simple que les sortants de ces établissements sont eux aussi obligés, avant d'en sortir, d'y entrer par la voie du concours, ce qui relativise bigrement le soi-disant privilège dont ils profiteraient. La vraie exception c'est celle qui permet, certains statuts particuliers en font mention, la possibilité de recruter directement les candidats détenant des titres et diplômes universitaires d'un certain niveau pour occuper des corps et grades hiérarchiquement élevés, normalement réservés à la voie promotionnelle. C'eût été d'ailleurs plus fondé que cette virtualité fût concrètement mentionnée comme telle par le statut général lui-même. Dans cette analyse, il n'est surtout pas question de la remise en cause des fondements mêmes du principe républicain du concours, auquel cas on nous jugerait d'emblée comme prétentieux ou bonimenteur de la première heure, ce qui serait mérité, que de désapprouver certaines de ses modalités erratiques qui l'emmènent en terre inconnue. Si bien que toute une palette de ces dérèglements est fournie dans cette contribution pour illustrer l'état d'effritement d'un système qui contredit et met en échec les bonnes intentions du concours en tant que vecteur le plus égalitaire de la promotion sociale. Bien sûr qu'il serait vain, si ce n'est encore malséant, de se mettre à désavouer ce que les autres réalisent sans produire ou présenter à la place un modèle plus satisfaisant ou plus abouti pour y remédier. Oui ça serait en effet très répréhensible, c'est pourquoi nous nous emploieront à proposer des solutions qui pour les unes sont prêtes à l'emploi et qui pour d'autres appellent un effort cérébral plus soutenu pouvant conduire à leur concrétisation, au fur et à mesure de nos développements. Mais, disons-le quand même, l'essentiel de ce qui sera proposé, visera surtout à faire «bouger les lignes» ou à inspirer les gardiens du temple, qui n'apprécient guère de sortir des sentiers battus par crainte de ne pas pouvoir ou de ne pas savoir affronter la difficulté d'une œuvre nouvelle et de se retrouver en disgrâce. Certes, il faut admettre qu'il n'existe pas de solution «hic et nunc», mais est-ce sérieusement raisonnable d'en tirer motif pour se dispenser de solliciter ses neurones sachant que c'est par l'exercice que l'on acquiert la compétence ? Il y a même un proverbe qui dit que «il y a un commencement à tout, l'échec est le début de la réussite». Ceci dit, notre requête cible distinctement l'état critique qui afflige le concours sur titre qui, outre qu'il cumule déjà les tares du concours sur épreuves, charrie d'autres difformités qui lui sont caractéristiques, le tout achevant d'hypothéquer lourdement la chaîne de montage des dispositifs opérationnels. 1) Le concours sur titre 1.1. Petit rappel du texte et du contexte pour ceux qui ont besoin d'être affranchis ou rafraîchis Le statut général de la fonction publique a bien précisé dans son article 80 que le recrutement par voie de concours sur titre, usant d'une formule concessive, reste réservé à «certains corps de fonctionnaires». Dans le principe, disons-le, le concours sur titre (normalement dit concours sur titres et travaux) s'adresse aux corps et grades hiérarchiquement élevés et/ou à profil technique accentué, ou à ceux des emplois qui relèvent du registre médico-social, soit enfin il s'applique aux corps des enseignants chercheurs et des chercheurs permanents. Les connaissances et les compétences de ces communautés de métiers, étant suffisamment validées par leurs diplômes, sinon concernées par une réglementation spécifique, qu'il est constant que les concours qui les intéressent se suffisent soit de quelques épreuves écrites ciblées, soit d'une sélection qui implique l'examen comparatif de leurs titres et diplômes, ainsi que de leurs travaux de recherche et autres états de service. 1.2. Un genre surestimé Avant de deviser sur le concours sur titre dans sa version en vigueur pour montrer du doigt les gaucheries de cette formule cabalistique aux yeux du citoyen lambda, partons auparavant pour rappeler les conditions et l'origine de l'incursion dévastatrice de ce mode de concours qu'on a voulu imposer comme voie unique de recrutement dans les emplois de l'administration. Au tout début, c'est par une interprétation très spécieuse du décret exécutif 12-194 du 25 avril 2012 relatif aux examens et concours au sein des institutions et administrations publiques, remake quasi superflu de la copie originale du décret exécutif 95-293 du 30 septembre 1995, régissant déjà la matière, que s'est manifesté le grand chambardement. Ce qui devait être une simple potentialité, entrevue à l'article 3, premier alinéa dudit décret prévoyant dans ces termes «outre les voies de recrutement prévues par les statuts particuliers (?), le recrutement aux emplois publics peut s'effectuer par voie de concours sur titres», s'est subitement érigée en règle générale contrevenant ainsi aux dispositions sus-rappelées, dont l'énoncé ne souffrait pas, a priori, d'une confusion qui eut permis cette interprétation. Si telle devait être le but recherché, il aurait été plus conforme qu'il soit énoncé plus conséquemment dans les termes suivants «nonobstant les dispositions prévues par les statuts particuliers pris en application de l'ordonnance (?), le recrutement aux emplois publics peut s'effectuer, soit en totalité, soit partiellement par voie de concours sur titres». Ce dérapage a pu se produire car on est allé spéculer ingénument que le concours sur titres pouvait être la panacée toute trouvée pour organiser, dans le meilleur rapport qualité prix, les opérations de concours. Par suite, les contretemps de ce choix endossé au niveau décisionnel pour éviter le grand décorum du concours sur épreuves, dont les coûts et la lenteur devenaient difficilement tolérables, ont refroidi l'optimisme de ses promoteurs qui sont, selon la formule latine, «tombés de Charybde en Scylla», c'est-à-dire qu'ils ont fini par éviter un danger pour tomber dans un danger plus grand. Nous soutenons, pour ce qui nous concerne, à contrario de ce qui est affirmé comme motif dissuasif à l'encontre du concours sur épreuves, que ce mode de concours, doit rester le concours de droit commun, si on veut assurément concrétiser le principe de l'égal accès aux emplois publics. C'est très certain que ce type de concours doit être complètement expurgé de ses défauts, et mieux pour être perfectionné et même transformé dans son mode opératoire, sans perdre de sa valeur républicaine, au rythme de l'avancée des systèmes concurrents. Nous en parlerons plus en détail un peu plus loin. 1.3. Contexte et prétextes d'un système impensé Dès l'origine, l'intention se voulait utilitariste, on pensait benoîtement faire dans l'intérêt général par la simplification et la fluidification de toutes ces procédures récurrentes qui paralysent le dispositif des concours sur épreuves. Au surplus, et même s'ils connaissent une très forte sélectivité, les concours administratifs n'en finissaient (ent) pas d'exercer un attrait de plus en plus important du fait qu'ils restent très largement accessibles aux jeunes diplômés, très attirés par les emplois administratifs. Avouons quand même qu'il s'agit bien plus d'une attirance par défaut plutôt que d'une pure inclination par le fait que le recrutement dans l'administration, quoi qu'on dise, reste quasiment le seul réellement abordable, par comparaison avec le recrutement dans le secteur régi par le droit du travail -soyons charitables pour ne pas citer de noms- qui lui, demeure, par euphémisme, très confidentiel et ou très réservé. 1.4. Des modalités ni efficaces ni justes La circulaire n°7 du 28 avril 2011 fixant les critères de sélection aux concours sur titre pour le recrutement dans les grades de la fonction publique a été adoubée, telle quelle, par le décret exécutif 12-194 sus-évoqué, qui a repris à son compte les critères de sélection édictés sans les modifier ni les retoucher, tolérant quand même quelques variations apportées à la marge, mais sans grand bénéfice, par certains ministères pensant y apporter une plus-value qui n'a pas été au rendez-vous de toute façon. Nous verrons et nous démontrerons ici que toute l'ingénierie issue de cette circulaire est loin de consacrer le choix juste pouvant conduire à une sélection optimisée des candidats en présence. En effet, au lieu que ce soit un procédé réfléchi en capacité de mettre au jour et à révéler le potentiel des prétendants au regard de prédispositions pertinentes comme leur motivation réelle, la qualité et la conformité de leurs titres et diplômes, la valeur des travaux dont ils peuvent se prévaloir ou de la signifiance de leurs parcours professionnels, cet artifice a accouché, plus prosaïquement, d'un dispositif de sélection qui marie et croise des critères, se voulant exhaustifs, qui ne font que s'ajouter et se surajouter pour un résultat qui ne fait place ni à l'équité ni à la compétitivité. Une lecture rapide de la grille classante annexée à la circulaire suffit pour nous en convaincre. Celle-ci prévoit en fait quatre types de grilles différenciées au gré de quelques variations de pure circonstance visant à démarquer les secteurs les plus courants, soit : une pour les corps d'administration générale, une deuxième pour les enseignants et les chercheurs universitaires, une troisième pour les enseignants et formateurs et une quatrième pour l'accès à la formation spécialisée. Nous nous contenterons ici d'étudier la critériologie issue de la variante la plus emblématique qui s'applique à la filière administrative : Premier critère : «adéquation du profil de formation avec les exigences du grade postulé». Noté sur 5. Comme ne le dit pas l'intitulé du critère, ce dernier recouvre en fait deux sous-critères qui se mélangent pour aboutir à une sorte de vente concomitante sans l'ombre d'un possible argument qui aurait justifié cette joint-venture: le premier sous-critère se perd à faire croire, en vain, qu'il est réalisable, en l'état actuel des choses, de connecter un diplôme à un emploi de la fonction publique, alors même que les deux s'ignorent superbement, au point qu'il n'existe même pas un simple répertoire des métiers administratifs, ou a minima un catalogue des fiches perspectives métiers pouvant éclairer les instituions de formation, particulièrement l'université, pour mieux ajuster leurs offres de formation aux fondamentaux de ces métiers. Quant à l'autre sous-critère, concédons qu'il s'agit bien d'un repère légitimement congruent, dans la mesure où il valorise les moyennes du cursus de formation, méritant de préférence de figurer comme critère entièrement à part, d'autant plus qu'il est gratifié d'une surprime au bénéfice des candidats diplômés des grandes écoles ou des majors de promotions issus des universités ou des centres universitaires; Deuxième critère : «formation complémentaire au diplôme exigé». Noté sur 2. Formule fourre-tout qui permet de valoriser tout et n'importe quoi. Les formations font florès et à moins d'examiner en totalité le contenu et les objectifs de ces formations, on ne saurait raisonnablement démontrer si formellement la formation suivie par tel ou tel candidat s'inscrit bien dans le champ disciplinaire couvert par le diplôme de base, ou si même elle a un rapport quelconque avec le domaine. Le prescripteur attitré s'est même fourvoyé à donner une vraie fausse interprétation du concept, disant que seul un diplôme supérieur pouvait donner lieu à validation de cette formation au titre dudit critère. De quoi désorienter la règle commune qui spécifie que dans ce cas de figure, le candidat bardé d'un diplôme supérieur doit juste prétendre à concourir pour un grade plus élevé dans la hiérarchie de la fonction publique, pour lequel est précisément requis ce diplôme. C'est dire que ce critère est sujet à quiproquo et reste fortement contre-indiqué, à plus forte raison lorsqu'on sait, il n'y a pas lieu de s'en cacher, que les membres des jurys appelés à apprécier la validité et l'opportunité de ce complément de formation, sont si peu qualifiés ou si peu armés, pour rester courtois, à pouvoir émettre un jugement sur la qualité des formations alléguées. Il n'est pas discutable toutefois que ce paramètre se prête opportunément pour bonifier le parcours des candidats aux concours des maîtres-assistants universitaires et des chercheurs permanents. En tout cas, il est nettement plus convenant qu'il soit pris en compte au lieu et place de la variable relative au nombre d'inscriptions au doctorat qui ne présument en rien de l'acquisition d'un excédent de savoir du seul fait de leur nombre ; Troisième critère : «travaux et études réalisés dans la spécialité pour les concours d'accès à la catégorie 11 et plus». Noté sur 2. Que dire de ce critère sinon qu'il renvoie aux observations déjà émises dans les lignes qui précèdent. L'intention est certainement très généreuse, mais il faut garder raison et reconnaître que ce paramètre est susceptible de charrier les pires scénarios, que de s'essayer à noter des travaux, ou toute autre prestation intellectuelle, dont il est rarement, sinon jamais, possible de vérifier l'origine et l'authenticité. La prise en comte de ce critère controversé, qui pose déjà problème pour le recrutement des enseignants et des chercheurs permanents de l'enseignement supérieur, secteur pourtant considéré, surtout prétendu, être rompu dans le contrôle et la validation de tels travaux au moyen de protocoles et de logiciels de détection dédiés, est susceptible d'engendrer plus de problèmes qu'il ne pourrait prétendre en régler. A la vérité, tout le reste de l'administration est dramatiquement désarmé pour tenter de déjouer les plagiats et autres fraudes qui infestent le monde de l'édition numérique. La preuve est donnée par ces nuées de doctorants qui ratissent large sur la toile, remixant et recyclant à l'envi les travaux de thèses de toutes natures, lorsque même ils sont rédigés en sanskrit ou en javanais, faisant fi de l'éthique et surtout de la législation sur les droits d'auteur qui incrimine le plagiat et la contrefaçon. On se doit, tout aussi d'ailleurs, de dénoncer tous ces jurys en charge d'apprécier ces travaux, qui sont (sauf peut-être et au bénéfice du doute les jurys universitaires) le plus souvent complètement démunis et n'ont pour ainsi dire aucune qualité pour porter le moindre jugement sur des œuvres de l'esprit, qui les dépassent irrémédiablement. Ouvrons une petite parenthèse, même si d'aucuns vont crier à la digression, pour nous insurger au sujet du recrutement des enseignants et des chercheurs universitaires pour clamer haut et fort que le ministère compétent doit, à bon droit, manifester son refus de se laisser déposséder de son droit de fixer les modalités de recrutement desdits personnels, sans qu'aucune tierce partie ne se considère en droit de faire intrusion pour s'inviter à l'élaboration des modalités de ce choix. Il n'y a pas besoin de rappeler que ce ministère est, sans conteste, le mieux placé, en tout cas mieux que personne, pour sélectionner, à l'aune de ses besoins et de ses spécificités, ses enseignants et ses chercheurs. On ne saurait accepter qu'une quelconque institution puisse se prévaloir ou exciper d'une prérogative de contrôle de pure conformité pour s'immiscer dans le processus de sélection de ces personnels. Il faut quand même se souvenir qu'il fut un temps, celui du décret exécutif n° 95-126 du 29 avril 1995, où il était question que le contrôle de régularité devait intervenir a posteriori, pour censément réhabiliter le gestionnaire public dans un contexte de partage des rôles, qui fixe les responsabilités des uns et des autres et pour que nul n'aille piétiner les plates-bandes de l'autre. En cette année de grâce pour la fonction publique, le credo qui dominait c'était «passer du principe du contrôle au principe de la responsabilité». Osons envisager, sans contredire l'essence même du sacro-saint concours et moyennant adaptation du décret référent, et il en a bien besoin, d'autoriser, sous conditions dérogatoires, les recteurs d'université et autres directeurs de centres de recherches pour procéder à des recrutements spontanés, pour ne pas dire directs, sous le contrôle du ministère de tutelle qui aura toute latitude d'en suspendre le cours si le procédé n'est pas absolument motivé. Nous pensons en particulier à ces circonstances urgentes, lors desquelles les gestionnaires reçoivent des candidatures rares ou très recherchées, ou celles qu'ils trouvent dans des CVthèque, ou plus couramment lorsque l'appel à candidatures reste infructueux qualitativement et ou quantitativement, dans un temps où l'institution concernée exprime un besoin de recrutement impérieux, in-susceptible d'être compensé par une quelconque démarche habituellement usitée dans cette situation (vacataires ou enseignants associés). J'entends d'ici des voix effarouchées s'indigner de ce que ces propositions ne soient pas conformes à la règle, feignant d'ignorer ou ignorant vraiment la règle de mutabilité du service public, qui a fait dire au professeur René Chapus (traité de Droit administratif général, tome 1, 14ème édition, Montchrestien), parlant de la finalité du service public : « (?) il est normal que les moyens soient ordonnés et occupent une place seconde par rapport à elle (?)». N'est-il pas plus courant que de se convaincre que toute règle n'est pas inscrite dans le marbre et, qu'elle reste justiciable de la validité de sa finalité plutôt que d'un formalisme outrancier qui n'est d'aucune utilité. Partant du principe de responsabilité qui caractérise l'activité gouvernementale, ce ministère et d'autres encore, quitte à en rendre compte, doivent pouvoir se donner les moyens de choisir leurs armes pour affronter les défis auxquels ils font face, sans que leurs efforts soient contrariés, voire mis en échec, du fait d'arguments tirés d'une légalité pointilliste hors de son temps, qui confond entre la fin et les moyens. Si cela peut constituer une transgression de la règle, alors que dire de ces statuts particuliers rabotés à la hache, qui ont perdu leur cohérence et leur équilibre ! il faut lire à ce sujet les morceaux choisis du décret exécutif 16-280 du novembre 2016 qui modifie et complète le décret exécutif 08-04 du 19 janvier 2008 portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps communs aux institutions et administrations publiques : «horriblis» et pure hérésie. Quésaco que ce grade d'administrateur analyste ? Pourquoi pas administrateur juriste, administrateur économiste, administrateur statisticien, administrateur intendant et que sais-je d'autres !! Mazette, mais c'est tout ça administrateur et il ne faut pas avoir fait l'ENA, la vraie, pour le savoir. Les anciens doivent bien s'arracher les cheveux et même la peau du crâne. Qu'est-ce aussi que ce grade d'assistant administrateur tombé de nulle part !! ? Le corps des attachés d'administration qui a toujours existé, même s'il lui est arrivé de troquer sa dénomination contre celle d'assistant administratif, pourvoit déjà amplement au titre de ses missions, consistant à intervenir dans des contextes professionnels divers en vue d'assister ou de suppléer l'administrateur, sans qu'il soit besoin d'enfanter (au forceps !) le neo corps d'assistant administrateur, qui ne fait qu'endosser les missions du corps des attachés d'administration. Un doublon pour rien ! A moins que ce soit juste une trouvaille de derrière les fagots pour l'épate et rien que pour l'épate. Trop chères ces inventions du troisième type qui poussent au désordre statutaire. On devine un peu que tout ce remue-méninges ne sert qu'à vouloir trouver refuge aux sortants du système LMD. Merci pour le MESRS, qui peut enfin trouver où fourguer ses diplômés du système LMD ! Et dire que ce ministère lui-même n'a montré aucune urgence, ni aucun enthousiasme à reconnaître ces diplômes du régime bolognais, ni à s'empresser d'établir leur parité avec les diplômes du régime classique. Que dire aussi de ces circulaires et autres instructions, d'appellation non contrôlée qui font rougir de honte, bien plus souvent qu'à leur tour, les juristes les plus conciliants, et dont nous pressentons à tous les coups qu'elles interviennent, ignorant les règles les mieux établies, pour jouer au pompier de service, quitte même à anticiper un appel qui ne fait même pas mine de se déclarer! Gros écueil aussi, qu'on ne saurait passer sous silence, que sont les séquelles de l'article 6 du décret exécutif n° 12-194 du 25 avril 2012, sus-cité, qui fixe que «à l'exception des concours à portée nationale, le déroulement des concours et tests professionnels s'effectue dans la wilaya de localisation de l'emploi à pourvoir. Dans le cas où l'emploi à pourvoir est localisé dans une commune éloignée, la priorité au recrutement est donnée aux candidats résidant dans cette commune». A l'évidence, il s'agit bien d'une orientation assumée des autorités qui montre, on ne peut mieux, leur volonté de se désengager, pour les raisons que l'on peut comprendre mais qu'on ne saurait raisonnablement admettre, de la question du logement de fonction. Dans les faits, cette option a conduit à exacerber le «localisme» du recrutement. C'est même un contretemps fortement fâcheux, surtout pour un pays qui ne cesse de vouloir affermir son unité. Sur le terrain, les gestionnaires découvrent qu'ils sont sérieusement empêchés de faire le meilleur choix des candidats, se trouvant forcés d'octroyer in fine une prime ou «un droit du sol» aux candidats «autochtones». On ne peut pas ne pas ressentir un malaise face à cette situation qui, de manière totalement involontaire, en vient à porter préjudice à deux types de liberté consacrées par la Constitution, liberté d'établissement et liberté de travail. Par contre, il est absolument dans l'ordre des choses que cette disposition puisse trouver à s'appliquer, sans autre gêne, aux emplois de proximité relevant des catégories postées au pied de la grille de classification, Quatrième critère : «expérience professionnelle». Noté sur 6 L'exigence de l'expérience professionnelle est devenue un lien commun des recruteurs et les managers de tout bord, tant ce critère est intériorisé par beaucoup d'entre eux comme une caution postulant des compétences établies. En fait, c'est une perception et rien qu'une perception qui n'a de légitimité que lorsque elle correspond vraiment à la capitalisation d'un savoir-faire, démontré et démontrable, dans le contexte d'une situation professionnelle donnée. Ce n'est certainement pas la conception, encore moins la préoccupation de la circulaire commentée ici, qui se borne à caractériser la notion d'expérience professionnelle comme étant une simple compilation ou un relevé des différentes fonctions ou activités exercées pendant une période donnée. On est loin de l'expérience acquisition qui permet à un individu de se prévaloir de connaissances acquises par la pratique et de se montrer à son avantage en situation. Ainsi donc, et sauf l'expérience professionnelle requise des candidats aux emplois d'enseignants, qui se suffit à comptabiliser des états de service marqués par une chronologie qui répertorie les périodes d'enseignement par établissements et par années, la notion d'expérience professionnelle, telle qu'elle est regardée par la circulaire, se restreint à considérer l'ancienneté de service des candidats au prorata de leur durées, majorées ou minorées selon leur régime d'emploi et ou le statut du secteur d'activité dont ils relèvent. On est passablement éloignés de la notion de savoirs et d'apprentissages concordant le mieux avec le profil du grade mis en concours. Au final, on dira que le concept d'expérience professionnelle est dévoyé en péchant par trop de souci quantitativiste, qui simplifie la donne. Cinquième critère «date d'obtention du diplôme». Noté sur 2 Ce critère reflète totalement la préoccupation exprimée ci-devant, qui fait qu'il représente à peine un expédient, choisi par défaut, pour prévenir toute contestation, alors que dans le meilleur des cas il doit juste servir pour départager les postulants classés ex aequo. Sixième critère «entretien avec le jury de sélection». Noté sur 3 La nouvelle gestion publique tend, depuis un moment, à s'aligner sur la gestion privée, aussi s'est-elle évertuée à ériger l'entretien au rang de critère indépassable pour révéler le potentiel des candidats lors d'un recrutement. A suivre? *Enarque à la retraite |
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