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Maintenant que les lampions se sont éteints et que s’ouvre officiellement le troisième (et dernier ?) mandat avec des chiffres qui défient les lois de l’arithmétique (plus de 74% de participation avec plus de 90% des suffrages exprimés), la question qui se pose est : la constitution algérienne sert-elle encore à quelque chose après sa violation illégitime ? Ci-après, des explications quant au texte fondamental et au système politique algérien à réformer d’urgence. La République Algérienne Démocratique et Populaire (RADP) a connu autant de Constitutions que de présidents. Tous illégitimes et quasiment tous ayant accouché d’une Constitution. Tous ont essayé d’apprendre la coiffure sur nos têtes d’orphelins. Nos princes ont fait leur principe premier de ce proverbe de chez nous. Une donnée majeure et permanente : l’emprise du chef de l’Etat sur toutes les institutions, titulaire d’impressionnants pouvoirs alors qu’il a été promis au pays un Etat sérieux et régi par une morale (Proclamation du 19 juin 1965) ; en fait, nous avons eu droit triple dépendance technologique, alimentaire et culturelle. La Constitution et le président Ben Bella, civil appuyé par le FLN (alors parti unique) et la Direction de l’Armée ; il a essayé le monocratisme partisan et l’autogestion pour quelques mois, sans lendemain. Il fut déposé par un coup de force un certain 19 juin 1965 à raison du culte de la personnalité. De la prétention à la légitimité du pouvoir à l’institutionnalisation d’un pouvoir central avec comme bras séculier l’Armée instrumentalisée et l’Administration hypertrophiée par la bureaucratie, de la stratégie de développement industrialiste à l’endettement excessif et la triple dépendance sus évoquée, il se caractérise à tout le moins par son autoritarisme. Des Constitutions algériennes de 1963 à 2008, peu d’originalités La Constitution de 1963, plutôt qu’un texte supra légal organisant les pouvoirs publics, reflétait davantage une volonté politique dont la philosophie d’angle fut l’autogestion. L’institutionnalisation du parti unique (monocratisme partisan) et la personnalisation du pouvoir ont eu raison du projet de société véhiculé par ce texte dont les dispositions essentielles furent arrêtées par le B.P. du FLN d’alors et confirmées par une conférence des cadres du parti, faisant ainsi un pied de nez à l’Assemblée nationale constituante pourtant titulaire de la mission d’élaboration de ce texte. La Constitution de 1976 et le président Houari Boumediene, colonel à la tête d’un Conseil de la Révolution qui a tenté le socialisme spécifique ayant abouti à un capitalisme d’Etat périphérique. Une forme de bonapartisme militaro-bureaucratique qui a verrouillé tout droit à l’expression à l’opposition dont certaines têtes notoires -quoique figures de proue du nationalisme algérien- furent retrouvées inertes sur leurs lits de sommeil à l’étranger. Au plan politique, des officiers supérieurs occupe depuis des postes importants : ministres, walis, PDG de sociétés nationales... La même situation a été suscitée dans l’Egypte du temps de Nasser. Le texte fondamental de 1976 fait pourtant de l’Armée «le bouclier de la révolution» et participant, à ce titre, _au développement du pays et à l’édification du socialisme». Désormais, sa seule mission est donc la défense nationale. Elle ne manqua pas, toutefois, d’assurer à plusieurs reprises une mission de sauvegarde de l’ordre public, tâche classique dévolue aux services de police. La Constitution de 1989 et le président Chadli Bendjedid, colonel successeur à a présidence et candidat unique élu à plus de 99% des voix ; ce primus inter pares a mis en place une forme de multipartisme ayant abouti in fine à un système de parti dominant et à un libéralisme débridé ayant contribué à la constitution de fortunes diverses (financière, immobilière et foncière). Nonobstant l’abolition de l’autorisation de sortie et l’importation des bananes, son règne se termina par une destitution présentée comme une démission en live. Parmi les points nouveaux, dans ladite Loi, figurent la consécration du principe de la séparation du pouvoir, d’une part, et l’absence de référence à l’option socialiste, d’autre part. Pour mémoire, la Constitution de 1976 organisait le pouvoir en six fonctions : politique, exécutive, législative, judiciaire, constituante et de contrôle. L’Algérie de 1989 devait s’acheminer vers une nouvelle logique politique : la construction d’un Etat qui reconnaît le caractère pluraliste de la société. En effet, l’article 40 de la Constitution 1989, en son alinéa 1er, stipule que: «Le droit de créer des associations à caractère politique est reconnu» avec pour corollaire l’économie du marché en Algérie, s’inscrivant ainsi en faux par rapport à l’unanimisme en vogue jusque là et à l’économie dirigée par une techno-bureaucratie. En effet, l’article 1er de la même Constitution ne fait plus référence au socialisme, quoique l’article 8 fait état de «la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme» l’Armée nationale populaire (ANP) n’est plus associée au projet de développement économique algérienne. Elle se trouverait donc cantonnée, à la lettre constitutionnelle, à une mission de «sauvegarde de l’indépendance nationale» et de «défense de la souveraineté nationale». Cette Constitution consacre un chapitre aux droits et libertés pour parler de «Droits de l’homme et du citoyen». De la même manière, l’article 53 prévoit la création d’un Conseil constitutionnel chargé de veiller au respect de la Constitution, tandis que l’article 129 stipule que «le pouvoir judiciaire est indépendant». S’agissant du président de la République -rééligible-, l’article 71 indique que «la durée du mandat présidentiel est de cinq ans». Toutefois, cette disposition constitutionnelle fait l’impasse sur le nombre de mandats à assumer par celui-ci, d’une part, et du nombre des candidatures à la présidence de la République, d’autre part. Fin du multipartisme et de l’alternance au pouvoir ? En effet, la logique de l’ouverture du système politique vers le multipartisme alors devait déboucher sur la résolution de ces deux questions. La pratique politique n’a pas encore suivi cette volonté affichée du constituant algérien. Il est à noter que l’article 85, en son alinéa 2, prévoit la possibilité pour le chef du gouvernement d’être candidat à la présidence de la République alors même que cette faculté n’est pas ouverte au président au président de l’Assemblée nationale (Article 84, alinéa 7). Ainsi, il appert bien que le président de la République est bien le centre du pouvoir, comme il le fut dans le cadre de la Constitution de 1976, Premier magistrat du pays, il nomme et démet le chef du gouvernement (article 111) qui est responsable devant lui (article 115); il légifère concurremment au Parlement par voie d’ordonnances pendant les périodes d’intersessions de l’Assemblée. La confusion des pouvoirs était alors à son comble, le président de la République est le secrétaire général du parti unique et ministre de la Défense nationale où il lui loisible de placer ses hommes aux postes de commande, et notamment l’affectation de ses partisans aux postes importants de l’ANP (à la tête des régions militaires) et la mise à la retraite de certains officiers gênants, le rattachement de la sécurité militaire à la présidence et le remplacement au gouvernement des «politiques» par des technocrates lors de différents remaniements ministériels. Un véritable Etat d’exception. La constitution de 1995 a eu le mérite de consacrer l’alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels (deux quinquennats suffisent). En ce sens, l’Histoire devra sans doute gré au président Liamine Zeroual d’avoir tenté d’inscrire ce principe essentiel à la démocratie, lui-même porté démissionnaire de son poste de chef d’Etat. C’est, en toute vraisemblance, l’originalité majeure de cette constitution, les autres dispositions de ce texte fondamental recoupant grosso modo celles des autres dispositions. Ce texte rejoint celui de 1989 qui a officiellement ouvert la voie vers le multipartisme dont il était tant attendu. La constitution de 2008 a mis fin à cette nouvelle récréation (après celle d’octobre 1988) dès lors qu’elle a mis au rancart la limitation des mandats présidentiels (désormais, le président de la République peut rester ad æternam au pouvoir) et à l’alternance au pouvoir d’autant que les partis au pouvoir (du pouvoir) font bloc autour de sa personne par une beya inscrite au calepin de la vie politique algérienne ; ainsi, l’Algérie émarge de façon officielle sur le registre des pays arabes pouvant être qualifiés de monarchies électives (la Syrie, la Tunisie ; peut-être demain l4egypte et la Libye ?). Que faire dès lors pour ajuster structurellement notre système politique ? Que faire ? Réformer d’urgence le système politique Réformer pour mettre un terme au système politique dominé par l’institution de la présidence de la République avec la direction de l’armée comme alliée principale et une pensée unique imposée jusqu’au 5 octobre 1988, voire à un système de parti dominant (sorte de conglomérat à, plusieurs actionnaires politiques). Face à la quasi-absence de l’opposition sur la scène confirmant le déficit démocratique en Algérie, il faut avoir l’audace de s’engager dans la voie de la réforme du système politique pour redessiner le profil des institutions politiques algériennes et redéfinir les prérogatives de celles-ci en vue d’asseoir un équilibre des pouvoirs ; ainsi, il y a lieu de mettre un terme à un exécutif inutilement bicéphale d’autant qu’il est manifeste que de la Constitution de 1963 à celle de 2008 les prérogatives dévolues à la fonction présidentielle sont exorbitantes (les pouvoirs législatif et judiciaire étant des parents pauvres de la répartition du pouvoir d’Etat entre les principaux acteurs politiques). L’équilibre des pouvoirs est une nécessité vitale pour éviter de s’enfermer dans un schéma d’autoritarisme caractérisé et de mépris affiché à l’endroit des autres institutions et du personnel politique, judiciaire et administratif ; ce d’autant plus qu’il y a irresponsabilité politique du chef de l’Etat. Ainsi, il y aura lieu de réfléchir à l’institutionnalisation d’un réel contre-pouvoir au sein de l’Etat pour permettre une émulation institutionnelle synonyme d’une bonne santé de la gestion du pouvoir (d’aucuns diraient gouvernance) et de saines décisions démocratiques pour éviter au pays de sombrer dans l’immobilisme parlementaire, la dictature présidentielle. Pour le contre-pouvoir, le meilleur antidote ne peut être constitué que par des organisations non gouvernementales gérées par des personnalités issues de la société civile en ce qui concerne la veille quant aux droits de l’homme, la construction de l’Etat de droit, la liberté d’expression (presse et culture)_ En ce sens, le Premier ministre (souvent désigné selon des critères de connivence politique, voire par compromis) qui n’est somme toute qu’un grand commis de l’Etat chargé d’une mission par le Président de la République sans aucune volonté politique et prérogatives autonomes. Peut-il en être autrement dès lors notamment que les titulaires des principaux départements ministériels (Défense, Intérieur, Affaires étrangères, Economie, Justice) sont souvent des hommes liges du Président de la République qu’il nomme pour leur allégeance à sa personne en vue d’appliquer sa politique qui, faute d’opposition crédible, se révèle souvent contestable ? En la matière, la réforme serait purement et simplement de gommer l’institution du Premier ministère. La présence soutenue du Président de la République lors des Conseils des ministres en vue d’asseoir des décisions d’obédience nationale démontre l’inutilité de cette institution que l’on peut juger inefficace et de peu de légitimité surtout. En contrepartie, en qualité d’expression de la légitimité démocratique, le Parlement doit pouvoir bénéficier de prérogatives à même de lui permettre de contrôler de façon efficiente la politique du gouvernement franchement dirigé par le président de la République. Il s’agit là d’un élément structurant de la vie politique et constitutionnelle du pays, les ministres devant bénéficier d’une autonomie indépendante de la volonté présidentielle pour pouvoir mieux apprécier les solutions à apporter aux secteurs dont ils ont la charge sous la vigilance du Président, en sa qualité de chef de l’Exécutif. Par ailleurs, quelle est l’utilité du bicaméralisme pour lequel a opté le constitutionnalisme dès lors que les différentes tendances politiques, couches sociales ou catégories socio-économiques, régions du pays, âges et sexes, sont sérieusement représentées au sein de l’Assemblée nationale ? Le monocamérisme devrait pouvoir suffire aux besoins du parlementarisme algérien qu’il serait inutile de doper par l’élection d’une chambre qui alourdit de toutes façons le fonctionnement normal du système politique pour une meilleure lisibilité et transparence de la vie politique du pays. Régions, Armée, partis politiques, culture et presse A cet égard, des Parlements régionaux seraient à même de palier l’absence d’une seconde chambre. Ainsi, l’Algérie n’a pas cru devoir explorer la donne de la régionalisation en tant que forme organisationnelle intermédiaire entre l’Etat et les Collectivités locales à même de permettre une décentralisation et une déconcentration de certaines prérogatives dites de puissance publique entre les mains des représentants régionaux afin d’alléger l’Etat -en son maître d’œuvre de la politique de la nation- de certaines taches davantage techniques que politiques. Il me semble qu’il y a lieu de réfléchir à la mise en place, à titre expérimental, de Régions avec Assemblée régionale élue d’où pourrait être désignée l’élite appelée à gouverner cette nouvelle entité politico administrative. C’est sans doute là une réforme d’Etat d’avenir. Par ailleurs, il reste évident que l’Armée a été mêlée à la vie politique pour permettre à certaines personnalités nationales d’accéder au pouvoir ; ainsi, le 19 juin 1965, Boumediene ès qualité de Ministre de la Défense a pu sans coup férir prendre le pouvoir. Depuis, l’institution de l’Armée à travers sa haute hiérarchie a été davantage encore mêlée à la politique du pays; ce qui explique sans doute que, depuis cette date, tous les Présidents de la République ont à leurs corps défendant gardé le portefeuille de la Défense nationale. Ce Ministère se révèle d’une importance capitale pour qui veut dominer l’échiquier politique, longtemps assujetti à la pensée unique. A ce jour, c’est toujours le cas même si les tenants du pouvoir (depuis notamment l’arrêt du processus électoral de 1991) se proposent de réaménager cette institution afin d’en faire un corps de professionnels. Elle demeure, en tout cas, une institution incontournable dans la vie politique et constitutionnelle algérienne. La réforme devrait consister en une professionnalisation en sorte que cette institution, nécessaire à la défense nationale, puisse se consacrer avec sa haute hiérarchie à cette tache dévolue au demeurant par le texte fondamental du pays. S’agissant des partis politiques, hormis le FFS né au lendemain de l’indépendance nationale par la volonté d’opposition de ses promoteurs, les autres partis politiques sont nés pour la plupart suite aux événements d’octobre 1988. Suite à la victoire du FIS aux élections municipales et législatives (premier tour), l’Algérie a vécu des tribulations qualifiées officiellement de tragédie (en d’autres lieux, il s’agirait plutôt d’un crime de haute trahison envers la nation, passible d’une Haute Cour de Justice, voire de la Cour pénale internationale). Le FLN, longtemps parti au pouvoir, n’a pas réussi sa reconversion tant attendue du fait de la permanence des données de base du système politique en vogue depuis l’indépendance ; en réalité, le FLN a été en apparence promu en parti unique de pouvoir. Compte tenu de l’orientation à insuffler au système politique, la réforme en la matière serait une solution qui pourrait aboutir soit à un bipartisme (selon un schéma classique : parlementaire comme c’est le cas de la Grande Bretagne avec les conservateurs et les travaillistes ou présidentiel avec les républicains et les démocrates comme c’est le cas aux Etats-Unis) ou à un multipartisme (selon un autre schéma : régime qualifié de semi parlementaire ou semi-présidentiel. Ainsi, l’Algérie gagnerait à exercer une réflexion approfondie et instaurer un large débat sur les réformes d’Etat quant au bicéphalisme de l’Exécutif (pour quoi une dyarchie à la tête de l’Etat ?) et le bicaméralisme (pourquoi deux chambres ?). La régionalisation mérite également de retenir l’attention du législateur. La presse et la culture doivent également devenir des pôles d’intérêt démocratique. La pénalisation de la vie politique doit permettre la recherche de la responsabilité pénale des hommes politiques par le juge judiciaire comme le commun des mortels. De même, le juge constitutionnel doit pouvoir se départir de son rôle de simple donneur d’avis à l’exécutif qui fait de lui une institution inféodée à la personne du président de la République. Il se doit de s’inscrire dans une autonomie lui permettant de devenir une véritable juridiction constitutionnelle au service de la nation algérienne. Enfin, le législateur doit pouvoir se laisser tenter par l’idée de modernité de la société algérienne en procédant de façon volontariste, d’une part, à la féminisation de la vie politique par l’instauration du système dit de la parité quant à l’élection des femmes à tous les échelons du pouvoir local et central (ainsi qu’à une plus grande accession des postes de hauts fonctionnaires proches des décideurs politiques) et, d’autre part, à la rationalisation du « nerf de la guerre » que sont les moyens financiers des partis politiques en vue d’une transparence visible pour le citoyen qui a certainement horreur des scandales financiers et de la corruption en tant que thème récurrent mais à ce jour inabouti. Au total, comme déjà exposé par ailleurs, pour éviter la sclérose du système politique algérien, force est de chercher à résoudre cette question fondamentale, à travers une sérieuse révision constitutionnelle : comment réconcilier les Algériens avec les impératifs de développement politique (la démocratie), le développement économique (impulser une politique efficace de l’investissement et rentabiliser le parc industriel existant, dans le cadre d’une économie forte et sociale de marché), le développement social (l’émancipation des travailleurs avec la mise en place d’une nouvelle législation sociale), le développement culturel (renouveau linguistique et remise à flots des créateurs dans l’ensemble des domaines artistiques) et la justice sociale conçue comme pierre d’angle de tout projet cohérent dont la légitimité doit reposer sur la capacité du gouvernement à régler les problèmes des citoyens et à tolérer l’esprit critique -voire simplement caustique- de la presse... * Avocat-auteur algérien |
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