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Transport maritime : plaidoyer pour quelle formule, FOB ou CIF ?

par M. Bouabida*

Les dix ports nationaux ont enregistré durant l'année 2016 un tonnage à l'import de 52 millions de tonnes, soit une augmentation à l'import de 23,80% par rapport à l'année 2015.

Ce tonnage de marchandises a transité par les ports nationaux et son transport a été assuré soit par des navires algériens de la CNAN soit par des navires de compagnies maritimes étrangères. Il est à noter dans ce sens que 97% des importations du pays sont assurées par voie maritime.

Une fois la marchandise achetée à l'étranger, l'importateur pense, bien sûr, à son acheminement vers l'Algérie. L'importateur est alors à la recherche d'un mode de transport qui l'arrangerait, dans le but de rogner le plus possible sur les frais liés à l'importation. Dans ce cadre, les contrats conclus dans le transport maritime entre l'importateur et le fournisseur sont élaborés sur la base de deux formules: FOB, qui est un incoterm et qui signifie «Free on board» soit en clair «Sans frais à bord», ou le CIF (Coast, Insurance and Freight), incoterm qui signifie le paiement du coût de l'assurance et du fret. Le but de ces incoterms est de définir les obligations du vendeur et de l'acheteur lors d'une transaction commerciale et souvent internationale. Ils concernent essentiellement les obligations des parties à un contrat de vente en ce qui concerne la livraison de la marchandise vendue, la répartition des frais et des risques liés à cette marchandise ainsi que les formalités d'export et d'import. Importer c'est donc procéder, notamment à un déplacement physique de la marchandise qui engendre des frais et des risques. Il s'agit donc de déterminer d'une manière très précise qui supporte ces risques et frais, de connaître exactement à partir de quel point les frais relatifs au transport et autres frais sont pris en charge par l'une ou l'autre partie.

Une marchandise est achetée ou vendue en FOB quand celle-ci est achetée sans les frais de transport et autres frais et taxes y afférents et sans les assurances. Par conséquent, lorsqu'une marchandise est achetée en FOB, il faut payer ensuite son transport ainsi que les frais d'assurance. Cet incoterm, qui n'est applicable qu'aux transports maritimes, désigne le vendeur comme responsable de la marchandise jusqu'à ce que celle-ci soit à bord du navire. Cela sous-entend que le fournisseur doit se charger de l'emballage de la marchandise, et des honoraires d'assurance (vols, pertes, détérioration?).

Toujours dans la formule FOB, le vendeur a rempli son obligation de livraison quand la marchandise est placée à bord du navire au port d'embarquement désigné par l'importateur. Le vendeur dédouane donc la marchandise à l'exportation. La déclaration à la douane, les documents à fournir à ces services ainsi que le paiement des taxes à l'exportation sont sous sa responsabilité. L'importateur dans ce cas choisit le navire et paie le fret maritime ainsi que les frais ultérieurs. Le transfert des risques s'effectue lorsque les marchandises sont à bord du navire.

Sur le plan de la responsabilité, l'acheteur prend le relais une fois la cargaison à bord du navire. Il est responsable du choix de la compagnie de transport, de l'acheminement et du déchargement de la marchandise jusqu'à sa propre usine ou ses locaux commerciaux. Il doit donc régler les frais d'assurance depuis l'arrivée de la cargaison sur le navire jusqu'à la dernière étape de livraison ainsi que les frais et l'apport des documents nécessaires aux douanes à l'import.

Quant à la deuxième formule, le CIF soit le coût, assurances et fret, le vendeur dans ce cas doit choisir le navire et payer les frais et le fret maritime nécessaire pour acheminer la marchandise au port de destination convenu avec l'acheteur. Les formalités d'exportation incombent au vendeur. Le transfert des risques s'effectue au moment où la marchandise est placée à bord du navire.

Il est à signaler au passage que les incoterms ont fait l'objet de mises à jour régulières (1980, 1990, 2000 et 2010) afin de tenir compte des évolutions et des techniques utilisées par les opérateurs du commerce international. Aujourd'hui ces clauses sont presque universellement reconnues par l'ensemble de la communauté internationale et elles sont enseignées dans les cursus de nombreuses formations. La dernière révision des incoterms date de 2010 pour une application au 1er janvier 2011. Les nouvelles règles des incoterms 2010 donc sont entrées en vigueur le 1er janvier 2011 et ont apporté quelques modifications pour lesquelles la notion de passage de bastingage est abandonnée pour les marchandises conteneurisées. En effet, son interprétation était trop complexe voire impossible pour beaucoup de marchandises.

S'agissant de la formule FOB, la marchandise est donc livrée sur le navire désigné par l'acheteur. Aux termes des règles 2010, la notion de bastingage qui matérialisait jusqu'alors le transfert de risque a disparu. Désormais le transfert de risque et de frais s'opère quand la marchandise a été livrée sur le navire. Le vendeur règle les frais de transport jusqu'au port d'embarquement ainsi que les frais de chargement et effectue les formalités d'exportation, acquitte les frais, droits et taxes liés à ces formalités.

En ce qui concerne la formule CIF, le transfert de risque s'opère lorsque les marchandises sont livrées à bord du bateau dans le port d'embarquement. Le vendeur assume de plus les frais de transport et d'assurance jusqu'au port de destination et les frais de chargement, il effectue les formalités d'export et paie les droits et taxes liés à ces formalités. L'acheteur endosse les frais à partir de l'arrivée des marchandises au port de destination, effectue les formalités à l'import et acquitte les droits et taxes liés à ces opérations.

QUELLE FORMULE CHOISIR ?

Pour des questions de facilités, l'importateur choisit en général la formule coût et fret (CIF). L'importateur dans ce cas ne connaît même pas le navire que le fournisseur va affréter pour son compte. Il arrive, des fois, que le navire affrété ne réponde pas au type de cargaison qu'il va transporter. Au niveau de nos ports, nous avons vécu des séjours prolongés des navires à quai dépassant les normes pénalisant ainsi et le port et d'autres clients dont les navires sont en attente sur rade d'où l'augmentation des séjours moyens par navire à quai et en rade. La cause est simple, le navire n'est pas conçu pour ce type de cargaison. Nous citerons ici le fer rond à béton chargé anarchiquement dans les cales, sacherie non pré élinguée chargée dans des navires non conçus pour ce type de cargaison, ce qui rendrait très difficile le déchargement d'où des cadences trop faibles et donc des séjours prolongés des navires à quai. Dans de telles situations, ce sont souvent nos ports qui sont pointés du doigt. Souvent ce qu'on gagne en cargaison non pré élinguée, on le perd en surestaries.

Il arrive que des navires désignés en coût et fret ne répondant pas à la nature de la cargaison. Nous citons à titre d'exemple pour le chargement de fer rond à béton des navires avec un fond qui n'est pas plat sont choisis par le fournisseur et lors du déchargement, ce sont des problèmes d'abord pour constituer les fardeaux avec difficulté de mettre en place les élingues. Tout ceci occasionne des pertes de temps, pour le port et pour le client qui s'attend à payer ces retards en «surestaries».

Aussi il arrive que le fournisseur, en accord avec le réceptionnaire, affrète pour son compte un navire «gearless» c'est-à-dire démuni de ses moyens de déchargement. L'importateur opte pour cette option eu égard au fret nettement moins cher et de loin par rapport à celui pratiqué pour les navires munis de moyens de déchargement. L'importateur est donc dans ce cas intéressé par le prix très abordable qu'il va payer mais ignore si le port de réception qu'il a choisi dispose de grues mobiles ! Ces navires reviennent moins chers que les navires munis des grues de bord. Alors au port de déchargement, c'est l'importateur qui supporte les frais de manutention (grues mobiles ou fixes) s'il a la chance que le port d'accueil dispose de ces moyens en quantité suffisante, possible aussi que d'autres navires à quai aussi en expriment le besoin.

Certains importateurs considèrent en important en coût et fret leurs cargaisons sont livrées au port choisi et donc la responsabilité incombe au fournisseur jusqu'à la livraison. Souvent l'importateur en CIF (coût, assurances et fret) n'assure pas sa marchandise considérant que c'est du ressort du fournisseur. Et devant les éventuels dégâts subis et constatés au port d'arrivée, c'est la grande surprise pour ces importateurs confrontés à des pertes et n'ont parfois aucune idée sur le contrat d'affrètement. La vente de la cargaison est aussi bien pour la formule CIF que pour la formule FOB une vente au départ. La marchandise a été donc remise au transporteur maritime et voyage aux frais et risques de l'acheteur.

CONCLUSION:

En conclusion, nous émettons quelques remarques:

L'utilisation d'incoterms dans le cadre d'un contrat de vente fournit une clarté pour les deux parties, donne une certitude sur les coûts et réduit le risque de litiges et désaccords entre vendeurs et importateurs. Beaucoup de personnes associent ces incoterms aux frais de transport. Ils sont souvent utilisés aussi comme pratique de confirmer quelle partie est responsable du paiement des différents frais liés aux transports internationaux. Les incoterms couvrent une série de mesures relatives aux responsabilités et obligations pour un vendeur et un acheteur dans un contrat de vente international et portant entre autres sur la partie responsable du chargement et du déchargement de la marchandise, la responsabilité en cas de perte ou dommages causés aux marchandises à un point donné du voyage, la production des documents?

La formule CIF comme le nom de l'incoterm l'indique, le coût, l'assurance et le fret sont à la charge du fournisseur. La part de responsabilité est donc plus grande pour le vendeur que pour l'acquéreur. Concernant la formule FOB, formule la plus utilisée à travers le monde et réservée qu'au maritime, tous les frais dans le pays de l'exportateur sont à sa charge, tous les autres sont pour le compte de l'acheteur.

L'inexistence de lignes maritimes incite souvent l'importateur à choisir la formule CIF (coût, assurance et fret). Le recours à cette formule est dû à l'absence de lignes maritimes choisies par l'importateur, ce qui pousse ce dernier à opter pour cet incoterm tout en considérant que la responsabilité incombe au fournisseur jusqu'au port de déchargement algérien qu'il a choisi ignorant que l'incoterm CIF est une vente au départ au même titre que le FOB.

L'achat d'une cargaison coût et fret (CIF) implique une mobilisation de devises qui est faite au départ comprenant et la cargaison et le transport maritime, par contre en optant pour la formule FOB, les fonds mobilisés en devises sont contrôlés et ne concernent que la cargaison. Le vendeur procède alors aux formalités de dédouanement de la cargaison à sa charge au port d'embarquement et on peut dire que la marchandise est algérianisée au port d'embarquement avant qu'elle soit embarquée. Le transport maritime est payable à l'arrivée de la marchandise au port d'arrivée, ce qui donne une garantie supplémentaire à l'importateur de prendre possession de sa cargaison.

Notre remarque porte sur un autre volet pas clair concernant le cas des cargaisons importantes, l'incoterm ne précise pas qui paie l'arrimage de la marchandise dans le navire. Il est fait état de l'emballage certes mais il n'a rien à voir avec l'arrimage. Nous citons ici l'exemple d'un navire chargé de 6.000 tonnes de pipes (tuyaux) de 6 mètres de longueur, de grands diamètres en supposant qu'ils soient en amiante de ciment. Ces pipes sont donc très fragiles et très lourds dépassant les 10 tonnes chacun. Des précautions sont donc nécessaires à prendre pour les charger et les empiler et de mettre entre chaque tuyau des planches en bois afin que les tuyaux ne soient jamais en contact les uns avec les autres au vu de leur fragilité. La livraison étant conclue en formule FOB et ne précise pas qui supporte ces frais dus à la mise en place de planches de bois et de câbles aux fins d'éviter la casse. Nous avons évoqué ce point afin de démontrer que cela laisse apparaître parfaitement les limites des incoterms. Ils sont dans la plupart des cas suffisants pour une vente «standard» mais n'exonèrent jamais les parties d'une négociation contractuelle beaucoup plus précise et détaillée. En d'autres termes, nous pouvons dire que les règles incoterms n'ont pas vocation à tous régler.

Concernant les assurances, il existe toutefois quelques nuances et précautions à prendre. Pour une opération ponctuelle d'une certaine importance vendue en formule CIF, la tentation est grande pour l'exportateur de souscrire une assurance «bon marché» parce que la marchandise est transportée aux risques de l'acheteur qui l'ignore et croit que la cargaison lui est livrée au port de destination aux risques de l'exportateur. La particularité de l'incoterm CIF, c'est le transfert de risque qui se fait au port d'embarquement (comme pour la formule FOB) et le transfert du coût au port de destination. Le transfert des risques à l'acheteur s'effectue dès lors que les marchandises sont à bord du navire (passage portuaire). En d'autres termes, le transport maritime est payé par l'expéditeur mais la marchandise voyage aux risques de l'acheteur.

Il arrive des cas où l'importateur en CIF (coût, assurance et fret) n'assure pas sa marchandise, considérant que c'est du ressort du fournisseur. Et devant d'éventuels dégâts subis et constatés au port d'arrivée, c'est la grande surprise pour ces importateurs confrontés à des pertes. Dans beaucoup de cas, l'importateur n'a même pas une idée sur le contrat d'affrètement et ne possède pas de copie pour défendre ses intérêts.

La vente CIF est une vente au départ au même titre que la formule FOB qui signifie clairement que la marchandise voyage aux risques et périls de l'acheteur, du moment qu'elle a été remise au transporteur aux fins d'expédition. La seule différence, c'est que l'importateur donne la latitude au fournisseur de payer le fret parce que le choix du transporteur peut être fait par l'importateur même dans le cas du coût et fret. Il ne s'agit pas d'une vente à l'arrivée qui signifie que la marchandise voyage aux risques et périls du vendeur jusqu'au point ou au port convenu.

Plusieurs cas de contrats de transport en CIF (coût, assurance et fret) avec risques se produisent et en finalité c'est l'importateur qui est exposé à des pertes énormes et indéfendables. Rappelons-nous du cas de cette entreprise publique, durant les années 80, a signé un contrat avec une compagnie de transport maritime pour l'acheminement d'une cargaison de sucre du Brésil (fait survenu il y à un peu plus de quatre décennies et rapporté à l'époque par la presse locale). Le réceptionnaire (entreprise nationale) avait reçu la confirmation que sa marchandise a été bien embarquée. Malheureusement, cette marchandise n'est jamais arrivée en Algérie au port choisi par l'importateur. Dans ce cas, le contrat stipule, coût, assurance et fret à la charge du vendeur. En FOB, la marchandise est algérianisée avant son embarquement et que la formule permettrait de déléguer un expert et constater sur place que la marchandise se trouve bien dans les magasins ou embarquée.

Rappelons-nous, au début de l'année 2012, certains armateurs étrangers (grosses pointures) ont signifié aux opérateurs algériens leur décision de supprimer de manière unilatérale le paiement par la formule FOB de leurs importations. Les clients algériens concernés ont été informés de s'acquitter de leurs factures d'importation en mode CIF, le FOB étant supprimé. Le problème ne s'est pas posé pour les importateurs algériens, notamment les industriels qui importaient depuis longtemps leurs équipements et matières premières en mode coût, assurance et fret. Ce sont les importateurs de produits finis destinés à la revente en l'état, contraints de répercuter un surcoût généré par l'importation en coût et fret sur le prix de leurs produits, qui étaient les plus exposés à des problèmes. A l'époque, un importateur de matériel informatique et de mobilier de bureau a été contraint de payer pour le transport maritime 3.700 dollars par conteneur de 40 pieds en coût et fret, au lieu de 2.900 dollars le container en mode FOB. Le surcoût a été de 800 dollars par conteneur.

Pour l'achat d'une cargaison en CIF, le vendeur dans ce cas doit choisir et payer les frais et le fret maritime nécessaire pour l'acheminement au port de destination convenu avec l'acheteur. Dans ce cas, la gestion de la marchandise échappe à l'acheteur parce qu'elle est gérée par le vendeur, par contre le transport sous la formule FOB permet à l'importateur algérien de négocier directement avec l'armateur en faisant jouer la concurrence, avec l'avantage de payer à la réception de la marchandise au port d'arrivée qu'il a choisi. Il y a donc une maîtrise des coûts de transport. Le mode coût et fret réduit donc la marge de négociation des importations, puisque c'est le fournisseur qui choisit à leur place l'armateur et pas forcément au meilleur prix. Ce mode oblige l'acheteur aussi à payer le transport au moins trois (3) mois à l'avance par lettre de crédit, l'obligeant à immobiliser des sommes plus importantes pour le règlement des frais d'acheminement. A l'arrivée au port de destination, des frais supplémentaires pourraient éventuellement s'ajouter aux frais standards.

L'utilisation des incoterms sans comprendre les implications de son choix peut entraîner des coûts imprévus, des retards? Il est à notre sens conseillé de choisir l'incoterm qui nous offre le plus de contrôle sur le fret maritime et la formule qui répond à ce choix, c'est bien l'incoterm FOB mais il doit être sérieusement maîtrisé !

*Ex-Commandant de port /Cadre Dirigeant E.P. Mostaganem

Expert maritime agréé près les tribunaux (non opérationnel)