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Suite et fin V/ - LES MESURES A ENVISAGER SUR LE MOYEN TERME V-1- LA FORMATION DES ENSEIGNANTS 1/ Une « vraie » formation des enseignants est indispensable, formation qui passe par la prise de conscience de l'intérêt de fonder les pratiques d'enseignement sur des bases théoriques, prenant appui sur les données de la recherche, par l'étude de documents recueillis in vivo et « en temps réel » attestant de l'intérêt d'une approche socio-constructiviste d'inspiration « vygotskienne » pour l'élaboration des dispositifs d'enseignement apprentissage, et montrant par l'exemple pourquoi on peut considérer que les médiations sémiotiques cognitivo-langagières jouent un rôle fondamental dans les apprentissages scolaires. 2/ Mettre en place des stages même très courts (8 jours suffiraient) pour former les futurs enseignants à la psychologie et à la gestion des relations et des conflits. V-2 - L'AUTONOMIE DU CHEF D'ÉTABLISSEMENT A qui profitera cette décentralisation qu'on baptise «autonomie» ?. L'avenir le dira. Aucune évolution, même parée de mots positifs, n'est un progrès pour tout le monde, elle modifie des situations acquises et des rapports de force. Les acteurs des systèmes éducatifs cherchent d'abord à se situer et à comprendre où sont leurs véritables intérêts. Il se peut que les enseignants et même les cadres moyens ne croient pas à cette «autonomie» ou y décèlent un piège, auquel cas ils adopteront des stratégies défensives vidant la restructuration de sons sens. Les changements sont donc fort incertains. Toutefois, s'ils se produisent, ils représenteront un moment important dans l'histoire de notre système éducatif centralisé, un renversement d'une tendance lourde. Dans notre pays, le développement de la scolarisation a, depuis 50 ans, affaibli le rôle des établissements, au gré de leur intégration progressive à d'importants systèmes politico-administratifs. La croissance et la bureaucratisation du système éducatif sous le contrôle de l'Etat ont conduit à l'absorption de ces entités à l'origine autonomes dans des structures ou des réseaux centralisés. Cette évolution a parfois réduit les établissements à de simples »lieux-dits», bâtiments ou ensembles de bâtiments proches, concentrations de classes et de professeurs dans le même voisinage, unités administratives placées sous la responsabilité d'un directeur dont le rôle était purement gestionnaire : régler le partage des élèves, des tâches, des ressources, des espaces et des temps. Le mouvement vers une autonomie, même relative, pousse le balancier dans l'autre sens, avec des incidences imprévisibles sur l'innovation et sur la démocratisation de l'éducation scolaire, mais aussi les rapports entre les établissements et le système dont ils dépendent. En effet, l'autonomie relative concédée aux établissements, dans le registre des moyens et non des finalités, ne délie pas l'organisation dont ils font partie de toute responsabilité politico-administrative. Sa direction reste comptable de la qualité globale de l'éducation aux yeux des parents, de la classe politique, de l'opinion publique. Or, la qualité globale n'est pas indépendante de la qualité locale. Pour assumer cette responsabilité sans vider l'autonomie des établissements de tout contenu, le système éducatif devrait développer des dispositifs complexes d'évaluation et de contrôle des pratiques et des contenus. Or, de tels dispositifs restent à construire, en une période de crise qui durcit toutes les négociations et jette sur toute restructuration le soupçon de préparer des coupures budgétaires. Le système éducatif a, pourrait-on dire, «attendu» d'être dans une situation économique difficile pour proposer une décentralisation dont ils n'ont plus véritablement les moyens financiers, que ce soit pour développer des compétences nouvelles à large échelle ou pour créer des rôles d'interface. Pourquoi le ministère prend-il de tels risques dans une conjoncture peu favorable en 2008/2009 ? On peut avancer plusieurs hypothèses. En voici d'abord quatre qui manifestent une forme d'optimisme. a) Le système éducatif a compris que l'accroissement de l'autonomie locale est la seule façon de stimuler les processus d'innovation. La recherche va dans ce sens et convainc une partie des cadres. Est-ce suffisant ? Le système éducatif est-ils véritablement en quête de stratégies efficaces de changement, au-delà des déclarations d'intentions ? b) Cette évolution peut être vue comme un corollaire de la professionnalisation du métier d'enseignant et de la tendance à donner aux écoles davantage de prise sur leur destin, de la «gestion appropriative». Ce processus n'est pas, cependant, très avancé. Est-il même en marche, sur fond de crise et de reprise en main, avec des risques de prolétarisation ? c) On peut lier autonomie et efficacité des établissements, avec l'espoir que l'autonomie la plus grande possible accordée aux unités organisationnelles ainsi qu'aux groupes et aux individus soit un moyen de les rendre efficaces. Elle les rend capables d'affronter une situation de diversité, de complexité et de continuel changement et les incite à agir pour le mieux. d) On peut estimer que l'autonomie des établissements est la condition d'un développement organisationnel et professionnel durable, que les enseignants ne se prendront collectivement en charge que si on leur accorde des responsabilités plus étendues dans la gestion de leur établissement. D'autres hypothèses font preuve de moins d'idéalisme. e) La gestion autonome, par projets ou contrats de prestation, valorise les cadres scolaires et les «nouveaux chefs d'établissement», qui se voient comme des chefs d'entreprises, prêts à prendre des responsabilités et des risques. Individuellement et collectivement, ils poussent à la roue pour accroître leur propre autonomie et leur pouvoir. Toutefois, lorsqu'on observe les ambivalences de beaucoup de leurs collègues, on se dit que, globalement, le corps des chefs d'établissement suit plus qu'il ne précède le mouvement. f) On peut considérer la gestion des écoles comme un simple champ d'application des doctrines générales du management qui prévalent à notre époque et notamment du New Public Management dans le secteur de l'enseignement public ou assimilable ; le projet d'établissement n'est alors que la version romantique du contrat de prestation et des modes de gestion par objectifs des services et des filiales dans une entreprise moderne. g) Plus spécifiquement, on peut rattacher cette tendance aux nouveaux modes de régulation de l'éducation, l'Etat jouant davantage le rôle de garant que de gestionnaire du système éducatif, avec d'ailleurs deux mouvements contradictoires : le retour à des standards dans les pays anglo-saxons pour lutter contre les excès de la décentralisation, et le mouvement vers l'autonomie dans les sociétés où l'Etat joue traditionnellement tous les rôles. h) On peut - c'est l'hypothèse la plus pessimiste - soutenir que la gestion par projets est une façon de décentraliser les contradictions et les impasses du système éducatif, de remettre aux établissements un pouvoir de décision qui apparaît un cadeau empoisonné. Le rôle des adultes : face à ces tensions, l'école apparaît encore comme un endroit protégé. Les abords des établissements sont, en revanche, un lieu intermédiaire où des conflits peuvent se nouer ou se prolonger. Nous insistons sur «l'importance du trottoir». Nous tenons à ce que la police soit présente devant l'école, tous les matins, à l'arrivée des élèves ; le soir aussi, pour superviser la sortie. Dans leurs collèges, les directeurs devront agir de même : ils doivent être très vigilants afin d'empêcher que des disputes apaisées pendant la récréation ne se prolongent à l'extérieur de l'établissement. La présence du directeur aux entrées et sorties, et en présence des agents de l'ordre, a également pour effet de dissuader des jeunes venus de l'extérieur de semer le trouble aux abords du collège. Pour nous, la présence d'un adulte permet souvent de désamorcer les conflits : «Les élèves manifestent encore une certaine reconnaissance à notre égard, sinon du respect. Nous sommes écoutés. L'important est qu'ils sachent que je suis là et que l'on peut toujours s'expliquer», dira d'un directeur d'école. */ Les efforts des chefs d'établissement. Les chefs d'établissement devront établir un climat de dialogue et d'écoute. A titre d'exemple, les directeurs d'établissement devront mettre à la disposition des élèves un «lieu de vie scolaire» : il s'agit d'un bureau, situé à un endroit central, où les élèves peuvent trouver, à toute heure du jour, une personne disponible pour les aider à résoudre des questions touchant à la vie scolaire. Ces élèves peuvent confier leurs problèmes aux adultes présents dans l'établissement : enseignants, surveillants, personnel administratif... De son côté, l'encadrement devra rester vigilant pour repérer les enfants isolés ou en difficulté. Il faudrait enfin que parents et enseignants prennent leurs responsabilités. Rien n'est pire qu'un adulte qui n'intervient pas. Nous citons le cas d'une élève qui s'est fait voler son téléphone portable en pleine rue : «Pas un adulte n'a réagi. Comment voulez-vous, après cela, que je crois en vous ?». Cette élève nous dit : «On ne peut pas faire accepter un règlement aux élèves si, de leur côté, les adultes ne le respectent pas. Si, par exemple, un enseignant utilise son téléphone portable en pleine séance pédagogique, fume là où c'est interdit, ou encore insulte un élève...». */ Désamorcer la violence à l'intérieur de l'établissement. Avec pragmatisme, chaque établissement devra mettre sur pied des solutions pour prévenir ou stopper la violence. Dans l'ensemble scolaire, l'accent devra se porter sur le travail en groupe. L'objectif est de fédérer la classe autour du professeur avec l'aide du psychologue. Des heures de rencontre devront être organisées à dates régulières (lundi après-midi ou jeudi après-midi) : les élèves peuvent s'y exprimer librement sur ce qui leur pose problème. Pour les jeunes lycéennes, «ces initiatives feront partie d'un travail régulier de désamorçage de la violence». Dans nos collèges et lycées, les élèves sanctionnés devront rendre un travail écrit, à partir d'un questionnaire portant sur des situations de violence. «Il s'agit de les faire réfléchir sur les raisons pour lesquelles ils ont été sanctionnés». Des heures d'éducation à la citoyenneté devront être prévues, avec à la clé des sorties sur terrain avec une nouvelle approche plus attirante et attractive. «Les élèves fonctionnent de manière très cloisonnée. Quand on leur parle du respect dans le cadre d'une heure de réflexion, cela leur paraît évident. Mais ensuite, ils oublient d'appliquer ces principes dans la vie courante». L'importance de l'éducation à la citoyenneté avec cette approche serait que l'enfant puisse prendre du recul par rapport à sa propre violence. «Amener l'enfant à verbaliser sa violence, à en formuler les raisons, c'est l'aider à conquérir son autonomie et son sens de la responsabilité. La plupart du temps, il conclut que «ça n'en valait pas la peine». Nous regrettons que, parfois, la violence des jeunes soit provoquée par une attitude de défiance venue des adultes. «Je ne comprends pas que des adultes aient peur des jeunes. Pour qu'un adulte se fasse respecter, il faut d'abord qu'il respecte le jeune qu'il a en face de lui». */ Pourquoi les collèges plus que les lycées. On peut repérer trois figures dominantes. D'abord, ce que l'on appelle les incivilités, c'est-à-dire des comportements qui ne sont pas considérés comme des délits, mais qui heurtent les normes sociales et culturelles : insolence, incorrection, violence verbale, etc. Ensuite, les violences physiques, beaucoup plus fréquentes contre les élèves que contre les adultes. Enfin, la dégradation des biens et des locaux. C'est clairement le collège. Les enquêtes montrent (ministère de l'Education) que des collégiens adoptent des conduites violentes. La violence est un comportement typique de la préadolescence. Elle apparaît comme un prolongement de l'enfance. A partir de la seconde, l'élève a tendance à rentrer dans le rang. Bien entendu, le contexte social joue un grand rôle. Mais les comportements violents sont aussi fortement liés à une insatisfaction scolaire. La violence est essentiellement une attitude réactive. Le jeune va se comporter en fonction de l'image qu'on lui renvoie de lui-même. Les établissements où l'adolescent est traité avec considération et placé en situation de réussite s'en sortent mieux. Ce n'est pas l'école qui crée la violence, mais elle a une large responsabilité par sa capacité à l'atténuer ou à l'aggraver. V-3 L'AUTONOMIE DE PROJET : LA PÉDAGOGIE DE PROJET */ Définition. «La pédagogie de projet est un processus d'apprentissage qui met un groupe de personnes en situation : d'exprimer des envies, des questions, des besoins, des manques, des ambitions ; de rechercher les moyens d'y répondre ; de planifier collectivement la mise en oeuvre du projet et de le vivre.» */ L'origine du projet (largement emprunté à la réalité sociale). Il peut venir d'une opportunité ou d'un événement d'origine externe : fiche de projets interscolaires d'un événement provoqué par l'enseignant ; d'un projet plus large dans lequel l'école est engagée ; d'une information apportée par un membre du groupe et qui suscite un intérêt collectif ; de l'invitation d'un lieu nouveau dans lequel vous arrivez. */ Les 7 phases de la démarche. Exemples : le projet de la violence et de la citoyenneté présente de manière détaillée tout le déroulement d'un projet. 1- Exprimer ses représentations 2- S'éveiller 3- Définir ensemble le projet (finalités, objectifs, produits) 4- Mettre en oeuvre le projet (inventaire des ressources et des contraintes, plan d'action, analyse des obstacles prévisibles, détermination des méthodes et techniques, planification dans le temps) 5- Agir et participer 6- Transmettre (communication sociale) 7- Evaluer (les résultats et les processus). VI - POUR UNE NOUVELLE APPROCHE DES SITUATIONS DE VIOLENCE SCOLAIRE Pour lutter efficacement contre la violence scolaire, il convient de favoriser une méthode : l'expérimentation au niveau local. Comme nous l'avons démontré, la majorité des solutions proviennent d'initiatives locales. Or, ces solutions ne sont souvent pas exportées faute de détection et de publicité. Nous proposons donc que soit mis en place un ministre délégué en charge uniquement de détecter et de faire remonter les expériences de lutte contre la violence scolaire. Plus largement, ce ministère rencontrerait les équipes enseignantes, les écouterait, détecterait et ferait remonter les expériences positives dans les domaines de l'enseignement et notamment sur la violence. Il faut créer cette écoute de «l'Education nationale d'en bas». En effet, nous avons souvent eu l'occasion de mesurer l'inadaptation des politiques de distribution globale de personnels. Voici un bon moyen de régler ce problème en tenant compte des réalités locales. CONCLUSION Aborder la problématique de la violence scolaire ainsi que celle des relations qu'entretient l'école avec son environnement, n'est pas chose aisée. Cependant, comme nous espérons l'avoir démontré au cours des pages qui précèdent, la violence scolaire n'est pas une fatalité. Le meilleur moyen d'endiguer ce fait de société, qui menace nos enfants dans leur droit à l'accès à l'éducation et au savoir, consiste avant tout à écouter et faire confiance aux principaux acteurs concernés : les professionnels de l'éducation. Mais également redonner à l'école tout son sens en formant des enseignants empreints des valeurs de la République. Il est aussi nécessaire d'offrir du social à l'école, et ce sur tous les plans, afin que nos enfants, quelles que soient leurs origines, soient armés contre tous les extrémismes, les communautarismes et surtout le fondamentalisme. Les relations entre l'école et son environnement constituent l'une des clés de réussite de la lutte contre la violence scolaire. Nous devons soutenir et développer les partenariats existants tout en favorisant les initiatives. Nous espérons que les mesures que nous avons proposées, dans leur grande majorité simples à mettre en place, y contribueront. L'autorité doit être restaurée et renforcée. Celle des enseignants, bien sûr, mais aussi celle des parents qui, comme nous l'avons vu, restent parfois sur le bord du chemin sans comprendre les mécanismes qui président au fonctionnement de l'institution éducative. Sans soutien, sans orientation, nous ne pourrons les intégrer et ainsi donner à leurs enfants un socle social cohérent, condition sine qua non à tout épanouissement. Ainsi, et même si l'école doit rester un lieu à part pour accomplir ses missions, nous ne pouvons plus l'envisager comme un sanctuaire qui échapperait à la violence en se barricadant contre l'extérieur. L'établissement est un acteur à part entière de la vie d'un quartier et se doit d'assumer aussi cette tâche. De la même manière, si l'éloignement peut s'avérer nécessaire pour protéger les autres d'un jeune et ce dernier contre lui-même, nous ne pouvons opter pour le tout répressif ou pour un laxiste porté par l'idéologie de l'enfant. |
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