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L'homme est-il
responsable du changement climatique ? Cette question est tout sauf récente,
argumentent deux historiens, Jean-Baptiste Fressoz et
Fabien Locher (1') ainsi que l'auteur de cette synthèse en y apportant des
arguments scientifiques récents de paléoclimatologie. N'est-il pas temps que
les pays du Sud cessent de faire de simples suivistes zélés en édifiant
désormais leurs positions internationales en toute souveraineté et connaissance
des enjeux?
Les succès diplomatiques et échecs écologiques et citoyens de la Cop 21 (COP21, Paris - 1 au 11 + 1 décembre 2015, conférence planétaire dédiée à la lutte contre le réchauffement climatique global) L'écologie ou mouvement écologique, aujourd'hui 3è force politique des démocraties européennes, est née des décombres et dysfonctionnements de la première et deuxième Révolutions vertes. La première révolution verte a consisté en la mise en place et intensification de l'agriculture moderniste sous le joug des industries de mécanique agricole, des intrants chimiques et, bien sûr, des consortiums bancaires et de la finance en général qui ont été les véritables bénéficiaires de ces nouvelles pratiques ayant concerné le monde économique et agricole au détriment des populations rurales, de la paysannerie, des consommateurs, de l'état sanitaire en dégradation des populations et de la détérioration par contamination de l'environnement (contamination par les nitrates et engrais de synthèse industrielle, les insecticides, les herbicides et métaux lourds des sols, des nappes phréatiques, des rivières et de toute la chaîne alimentaire, etc.). La deuxième Révolution verte a été induite par les innovations biotechnologiques tels les OGM et le développement accru des agro-industries. Souvenons-nous par ailleurs qu'au lendemain de la journée d'ouverture particulièrement médiatisée de la COP21 s'est ouverte la première réunion au sommet, sur invitation du pays hôte, qui n'a concerné que les chefs d'Etat et de gouvernement africains avec l'annonce en prime d'une aide ( ! ! !) de deux milliards d'euros qui sera consacrée à l'Afrique pour le développement des énergies renouvelables ! Pourquoi, alors que la COP21 concernait l'assemblée internationale et presque unanime de tous les Etats du monde, cette réunion au sommet n'a-t-elle concerné que les Etats africains ? L'Afrique ferait-elle partie d'un champ particulier ?'Hors-le-monde'' ? Alors que sur le plan interne et devant les attentes nationales aussi impératives que légitimes, ils n'arrivent toujours pas à inverser la courbe du chômage, ils prétendaient disposer de l'historique volonté et exceptionnelle capacité à inverser la courbe du réchauffement climatique global sur toute la planète ! Réelle, sincère et vertueuse disposition ou simple opération de manipulation et de récupération d'une question de préoccupation pourtant internationale et bien essentielle pour répondre, en abusant de l'opinion internationale, à des stratégies bassement politiciennes et électoralistes. Le choix bien intéressé et même particulièrement stratégique, d'un diplomate chevronné et grand manœuvrier pour la présidence de cette rencontre internationale pourtant à caractère particulièrement sociétal, et non pas d'une personnalité indépendante faisant consensus, révèle bien l'intrusion et l'utilisation du bien-fondé collectif, humanitaire et planétaire pour des calculs uniquement nationaux, voire seulement même partisans ! Ceci explique cet aboutissement d'un accord inabouti et en queue de poisson qui ne sera hypothétiquement officialisé et n'aura d'effet qu'après de longues et bien hypothétiques ratifications par les Etats?Crier, avec les larmes feintes de l'émotion, au grand succès de cette rencontre planétaire équivaut à vendre déjà la peau de l'ours avant de l'avoir tué, ni même vu?Cela peut être vrai et non dommageable à très court terme, mais l'avenir et le long terme vérifieront, à ce propos, surtout le vieil adage de bon sens populaire : richesse (ou gloire !) mal acquise ne profite point ! Du lundi 30 novembre au samedi 12 décembre 2015 s'est tenue à Paris la COP21 qui a réuni pour son inauguration quelque 150 chefs d'Etat et de gouvernement de la planète. Jamais une telle rencontre internationale de haut niveau n'a concerné autant de pays de statuts politiques et socio-économiques si éloignés. Devait-elle se consacrer, comme annoncé tambour battant, à traiter de la question du réchauffement climatique global (RCG) ou souhaitait-elle surtout servir à fonder un nouveau cadre politico-économique contraignant qui permettra à asseoir durablement de nouvelles stratégies géopolitiques et économiques cachant des intérêts purement nationaux et inavoués jusque-là ? A titre indicatif, les hydrocarbures fossiles, qui viennent de perdre plus de 50% de leur valeur commerciale mettant ainsi en difficulté les économies, et peut-être demain la stabilité, de plusieurs pays producteurs depuis une année déjà, vont encore en pâtir à moyen et long termes du fait de leur ?'diabolisation'' à outrance comme principale source génératrice de gaz à effet de serre, car stigmatisés indirectement, en responsables du réchauffement climatique. Contradictoirement, l'énergie électrique nucléaire et ses quelque 430 installations disséminées dans les pays industrialisés et qui représentent certes une dangerosité un million de fois plus conséquente sur les risques sanitaires et environnementaux au niveau de la planète, se retrouve, sine die, confortée autant du point de vue climatique qu'environnemental?Ce qui permettra sans doute à certaines anciennes puissances industrielles, en berne économique depuis quelques décennies, mais détentrices de la technologie nucléaire, et surtout de l'autorité et souveraineté politique à l'exercer et même à la commercialiser, d'espérer en exclusivité exporter autant de centrales électriques nucléaires que d'Airbus ou de millions de voitures électriques, hybrides ou traditionnelles mais réhabilitées suffisamment du point de vue de leurs émissions charbonnées. Des accords internationaux contraignants, mis au service de ces grandes puissances politiques quoique sur le plan économico-commercial aujourd'hui relativement affaiblies mais disposant encore des véritables leviers de manœuvre du ?'Machin'' et de son Conseil de sécurité, pour rappeler à nos mémoires l'anti-atlantiste mais grand souverainiste général De Gaulle, n'augure rien de rassurant pour la multitude de pays en voie de développement, des pays émergents et des pays moins avancés qui ne disposent pas de garant ou de protecteur au sein de la représentation internationale et de ses dispositions et prérogatives héritées de l'après-guerre. En peu de mots, ces dispositions ne pourront présager, à l'avenir, de traitements égalitaires entre pays du Sud et pays du Nord, puisque ces derniers, dotés de leur droit de veto, sont politiquement et stratégiquement majoritaires dans le Conseil de sécurité, qui demeure encore et par excellence l'unique instance onusienne de décision et de délibération de contraintes de limitation et d'affaiblissement des souverainetés nationales. La COP21, dans sa dynamique de recherche et d'aboutissement à des accords contraignants, constitue en finalité aujourd'hui et à l'aune des grands problèmes que connaissent dans leur diversité économico-écologique les Etats et peuples de la Planète, plus à un quiproquo qui permet aux anciennes puissances industrielles de reprendre la main sur les affaires du monde et aux pays du Sud d'espérer, en la nouvelle conjoncture et opportunité offertes par la COP 21, une sincère solidarité internationale qui n'a que trop tardé à se manifester réellement dans les faits! D'où, et en conséquence, la COP 21 n'aboutira pas à réduire la pauvreté dans les pays du Sud, ni les inégalités en termes d'échanges économiques entre le Sud et le Nord, comme elle ne s'attellera point, non plus, à rechercher des réponses à cet immense et mondial exode rural vers les périphéries des villes (et souvent bidonvilles !) et la destruction inévitablement conséquente du délabrement et destruction programmée des sociétés agraires rurales. Elle ne résoudra pas non plus les grands disfonctionnements agro-industriels et macro-alimentaires à l'origine des grandes prédispositions et fréquences pathologiques en développement accru dans le monde suite à la modification et nivellement des modes alimentaires dans le monde (Cancer, diabète, hypertensions, Alzheimer, Parkinson, sclérose en plaques et les diverses autres atteintes neurologiques, etc.) déterminée et accentuée par la mainmise de plus en plus exclusive des grands groupes agro-industriels du Nord. Quand les politiques se réapproprient, mais à leurs faveurs et desseins, la question climatique Le discours du réchauffement climatique global représente aujourd'hui ce nouveau chant de sirènes qui permet d'orchestrer une savante fuite en avant où se sont déjà fourvoyées certaines personnalités dirigeantes du Nord. Alors qu'ils n'arrivent pas à inverser la courbe du chômage dans leurs pays, ils ne cessent de pérorer à leur opinion d'être en capacité et volonté d'inverser la courbe du réchauffement climatique global ! Et venir, ainsi, au secours non seulement à leurs chômeurs et administrés précarisés par la crise multidimensionnelle et, entre autres, économique mais pour être surtout le sauveur de toute la planète d'un danger imminent et éminemment plus grave! Du ?'vent'' propagandiste et beaucoup de communication à dessein seulement électoraliste. Pour améliorer leurs images et la galvauder en vue des prochains rendez-vous avec les électeurs, ils ne négligent rien. Même pas de surfer, sans aucune gêne morale, sur les angoisses et ressentis des pauvres gens devant cette grande peur et incompréhension de ce nouveau phénomène climatique tant médiatisé, et tant diabolisé surtout comme une nouvelle fin du monde aujourd'hui inévitable ! La COP 21, qui recherchait surtout à conforter par l'acquisition de nouvelles prérogatives de dirigisme et arsenaux de dictats les anciennes puissances économico-politiques sorties vainqueurs de la guerre froide, n'atteindra, en définitive, aucun résultat environnemental palpable et désintéressé pourtant nécessaire aujourd'hui pour remettre un peu d'ordre moral et de justice sociale dans les rapports entre les pays enrichis du Nord et les pays appauvris du Sud, ne serait-ce que par un élan de solidarité fraternelle et humaine à l'aube de ce 21ème siècle, par excellence celui de la profusion des savoirs, des sciences et d'une relative mais réelle démocratisation à travers le monde des moyens de communication, d'information, d'éducation et de formation. Sous l'actuelle houlette des structures de Nations unies née des décombres et conditionnalités de la Seconde Guerre mondiale et confortée après par des décolonisations néocoloniales dirigées, les petits Etats du Sud ont participé à ces fanfares et joutes pseudo collégiales ?'mixisées'' pour de brefs instants, en mettant leurs têtes et souveraineté politico-économiques sur le billot? N'oublions point que le GIEC (Groupe Intergouvernemental pour l'Etude du Climat) n'est que le tout petit dernier appendice des Nations unies. Et, en collège ou assemblée de représentants ou délégués gouvernementaux, il ne peut à lui seul avoir une crédibilité scientifique ni une indépendance de pensée au-dessus de tout soupçon, pour paraphraser un ancien mais bel ouvrage de Jean Ziegler ! L'intégrisme pseudo-scientifique des climato-militants du GIEC et de leurs prolongements politiques ont, depuis plus d'une dizaine d'années, à l'aide -entre autres- d'un battage médiatique extrêmement actif et agressif, créé chez les populations et opinion mondiale une angoisse paralysante de leurs facultés critiques qui a fini par bâillonner puis tétaniser durablement l'ensemble des corporations scientifiques et élites spécialisées mais indépendantes qui contestaient l'exclusivité d'analyse imposée par les seuls délégués du GIEC et qui affirmaient, jusque-là et peut-être à juste titre, qu'une grande part du réchauffement observé de nos jours n'est ni le premier ni le dernier épisode climatique et que celui-ci serait plus en relation avec les oscillations climatiques quaternaires qu'a connu par le haut passé notre planète, et qu'elle connaîtra certainement encore dans le futur. Pour les scientifiques les plus avertis, parce que suffisamment investis dans les disciplines connexes concernées, ce dernier réchauffement climatique a commencé au néolithique, c'est-à-dire il y a quelque 8. 000 ans. Et que le climat de la Terre ne peut être que varié, dynamique mais jamais statique ! Eléments de confrontation du réchauffement climatique global (RCG), tel que décliné par le GIEC, par quelques résultats intégrés des sciences de la Terre et des paléoclimats du quaternaire En préalable, il nous apparaît utile de signaler que nous reconnaissons que le réchauffement climatique que connaît actuellement notre planète est réel et reste suffisamment corroboré depuis la dernière moitié du siècle passé par les différentes disciplines des sciences de la nature et de la Terre. Seulement ce réchauffement n'est aucunement ni exclusivement un phénomène moderne, car il a débuté depuis quelque 8.000 ans c'est-à-dire bien après la dernière pulsation humide du néolithique qui a marqué, entre autres au Sahara, une période particulièrement riche en flores et faunes aujourd'hui bien exotiques et disparues ayant contribué certainement, et porté sûrement, les civilisations sahariennes jusqu'a constituer le capital écologique à l'origine des éclosions civilisationnelles de l'Egypte ancienne et de la Mésopotamie (les différentes industries paléolithiques, les nombreux vestiges d'art pariétal et les témoignages humains de ces régions montrent une végétation exubérante digne d'un climat beaucoup plus humide où girafes, éléphants et autres animaux de bioclimats tempérés peuplaient ces anciens déserts). Tout ceci milite et reste en contradiction avec le discours tout à fait orienté du RCG qui soutient que ce réchauffement reste dû essentiellement aux émissions dans l'atmosphère du CO2 d'origine ou lié aux activités anthropiques. Dans le cadre de nos travaux de recherche (27) sur la genèse des paléosols et de paléogéographie en régions arides effectuées dans les régions sahariennes et présahariennes, une synthèse et interprétation des résultats minéralogiques, palynologiques et de datation au C14 apporte une confrontation scientifique à la thèse du RCG, telle qu'elle est déclinée de nos jours par les experts du GIEC. Nous allons en relever quelques éléments : L'état de relative conservation des principales morphologies quaternaires dans les régions arides et semi-arides nous a permis d'utiliser et de vérifier l'utilisation des principes morpho-pédologiques comme «clefs» de compréhension des paysages, puis d'élaborer et de proposer une méthode intégrée de genèse et de cartographie des ?'paléo-paysages'' dans les milieux semi-arides et sahariens. Le caractère interprétatif de la carte morpho-pédologique établie dans ces régions arides permet, par ailleurs, de mieux comprendre la chronologie morphologique quaternaire des milieux arides et semi-arides. L'action effective des différents agents mis en cause dans la «dégradation» actuelle de ce domaine écologique naturel mais à caractère pré-saharien peut être ainsi davantage précisée. Car l'influence anthropique qualifiée de cause principale dans la «désertification actuelle» des milieux arides et semi-arides peut être plus objectivement réexaminée à la lumière des nouvelles informations apportées sur la dynamique du milieu aride dans l'espace et le temps. Le bilan synthétique des résultats des analyses effectuées avec des méthodes et des techniques de différentes disciplines (palynologie, minéralogie, micro-morphologie et datation au C14) apporte une contribution à une meilleure connaissance du phénomène de la «désertification». Il nous permet, en effet, de proposer l'hypothèse d'une «aridification» climatique qui a débuté au néolithique et s'est poursuivie jusqu'à nos jours. Cette modification climatique est décelée par les résultats des études polliniques effectuées sur des échantillons de sols anciens des terrasses «gharbiennes» actuelles et de formations superficielles calcaires fossilisant les formes anciennes des paysages. Ces résultats montrent, entre autres, une prépondérance des pollens fossilisés de végétation arboréenne au néolithique et leur régression progressive jusqu'à l'époque actuelle. Cette «aridification» climatique sub-actuelle à actuelle, qui reste très probable, peut être considérée comme une des causes de la dégradation des milieux semi-arides et arides (amenuisement des couvertures de sol et de la végétation, sensibilité des sols par diminution de matière organique et de stabilité aux effets des érosions éolienne et hydraulique ; déficit hydrique général...). Elle intervient aussi d'une manière indirecte comme un facteur augmentant la sensibilité environnementale au réchauffement climatique global (RCG) ainsi qu'aux diverses incidences à caractère anthropique. Rapports Nord-Sud et question climatique Il est peut-être temps aujourd'hui, après des années et décennies de tergiversations stériles, de porter plus la contradiction féconde à l'émergence de nouveaux rapports internationaux Nord-Sud favorables au développement durable et à la lutte contre la pauvreté que de se suffire à offrir complaisamment son écoute, sa voix et, peut-être aussi, sa bénédiction à un discours fabriqué dans quelques officines douteuses et nostalgiques du Nord en ancien centre du monde. C'est peut-être symboliquement dans ces pays et territoires sous-gouvernés et sans réelle souveraineté d'Afrique que le pape François, en seule personnalité morale mondiale à avoir choisi concomitamment la tenue en grandes pompes et dans le faste parisien de la journée d'ouverture de la COP 21 qui a réuni et vu poser pour les caméras 150 chefs d'Etat et de gouvernements de la planète et gloser 3 minutes chacun sur la préservation de la nature et de la vie, sur la solidarité internationale et, bien sûr, surtout, sur la lutte contre le réchauffement climatique?En traversant les villes et surtout bidonvilles de plusieurs pays africains que le souverain pontife a choisi de parcourir, revenait toujours dans ses prises de parole et commentaires le constat implacable du grand dénuement et pauvreté des populations d'Afrique, de ces disparités choquantes et presque obscènes aujourd'hui entre pays riches et pays pauvres qui doivent, nécessairement et moralement, interpeller tout un chacun et en particulier les grands gouvernants de ce monde où Nord et Sud restent, l'un et l'autre, à des années-lumière divergents dans le règlement des grandes questions de la planète ! Il faudrait souligner que cet homme de religion n'a pas eu le même parcours que ces grands dirigeants sortis des arcanes et salons feutrés de la politique politicienne, mais s'est contrairement construit une conscience collective et solidaire dans les favelas et bidonvilles d'Amérique du Sud. D'où se vérifie, encore une fois, cette vérité poétique implacable : « Du diamant ne naît rien du tout, mais du fumier naissent les roses ». (*) Professeur, Directeur de recherches universitaires Conférencier-invité au LAB Paris-2015.Lors de la COP21, Paris, 1-12 décembre 2015 Références et sources bibliographiques : (27) Hassini Tsaki, Diagnostic morpho-pédologique des milieux édaphiques et des ambiances paléo-climatiques de la steppe algérienne comme base utile à la prise de décision en matière de mise en valeur, de l'aménagement du territoire et du suivi de l'environnement, Thèse de doctorat, faculté des sciences agronomiques de Gembloux, Belgique, 394 p. 2003. |
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