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Après une longue hésitation,
j'ai décidé de m'adresser â vous pour vous demander de faire un geste qui
honorerait la mémoire de ceux parmi nos camarades qui ont été exécutés sous le
coup de la torture coloniale , et même de ceux qui en sont rescapés, et dont
une infime minorité vit encore. Il s'agit des camps de torture de la commune de
Tlemcen, dont le tristement célèbre ?Bastion 18', dont vous connaissez sans
aucun doute l'emplacement.
Souvenez-vous, en effet, M le Président, de l'année où les élèves du lycée franco-musulman ont dû rejoindre le Lycée Benzerdjeb, au terme de sa réception. Libéré de la maison d'arrêt (habs el-Qasba ) courant septembre 1960, je venais d'être recruté comme maître d'externat par feu Mokhtar Haddam, alors censeur. Je me souviens de deux études, dont l'une de la classe de troisième, où vous étiez présent, si mes souvenirs sont bons.), en même temps que Mohammed Henni. Mohammed Achour, Ait-Abderrahim (mais il était en classe de Première, je crois). J'ai pu suivre l'itinéraire professionnel de cette pépiniere, qui maîtrisait parfaitement les deux langues, et dont une bonne partie a fait carrière, à peine sortie de l'adolescence, dans les plus hautes sphères de l'Administration , ce qui n'était pas négligeable quand, au lendemain de l'Indépendance, il fallait occuper les fonctions régaliennes de l'Etat pour parer à l'exode massif des personnels de l'Administration publique française . Le pari était périlleux, mais la compétence était à la hauteur des défis qui attendaient la jeune Algérie algérienne. Cela, je peux en témoigner. Si je me permets de vous rappeler un tel contexte, c'est pour vous informer, ou peut-être le savez-vous déjà, que le ?Bastion 18' était séparé du lycée Benzerdjeb par la route qui relie Sidi Boudjemaa (ex-Beausejour) â Sidi-Chaker. Il eut été tout à fait possible, au cours de ces années de braise, pour un étudiant se trouvant dans la cour, d'entendre les cris de douleur qui pouvaient émaner de derrière le rempart de la caserne des Chasseurs. Le décor étant planté, je voudrais vous rappeler, M. le Président, qu'au cours de deux décennies, les citoyens de Tlemcen n'ont cessé d'adresser moult requêtes aux autorités locales (wilaya, Apw, Apc, direction départementale des Moudjahidin) pour que ce lieu de torture soit érigé en mémorial.' L'Association Ecolymet , qui est censée représenter les anciens élèves du Collège e Slane et du Lycée franco-musulman (d'où est sorti, entre autres le chahid Dghine, connu sous le nom de Colonel Lotfi.) Un mémorial à l'intérieur du site du ?Bastion 18' ne pose pas de problème particulier de réalisation. Il est tout à fait possible pour la communauté universitaire locale de dégager une petite équipe pour établir un avant-projet réaliste et fonctionnel à moindre coût. Jusque-là nos appels ont été vains. J'en ignore les raisons et, pour tout vous dire, je ne tiens pas å le savoir. J'ose espérer que cet appel quelque peu iconoclaste ( parce que je ne m'adresse à vous qu'en tant que personne physique), trouvera son épilogue, suite à une frustration vécue par les parents, fils et proches des victimes de ce lieu de triste mémoire, pour incarner, non seulement ce lieu, mais tous les centres de tortures de la ville, où sont passés les jeunes et moins jeunes de notre cité, mais aussi, des villages et douars voisins. J'en appelle, sinon å votre mansuétude, du moins à votre capacité d'exorciser le démon de l'incompréhension. |
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