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![]() ![]() ![]() Trump provoquera-t-il une crise de la dette dans la zone euro ?
par Desmond Lachman* ![]() WASHINGTON,
DC - Lors de la première réunion de cabinet de son second mandat, le président
américain Donald Trump a annoncé son intention
d'imposer des droits de douane de 25 % sur toutes les importations en
provenance de l'Union européenne.
Or, avant d'ouvrir un front européen dans sa guerre commerciale, Trump aurait intérêt à songer au malaise économique qui affecte le continent : l'économie allemande traverse une période prolongée de ralentissement, de même que l'Italie et la France sont confrontées à de sérieux problèmes de dette publique. Peut-être Trump comprendrait-il alors que ses mesures douanières parties intégrantes de son agenda « America First » risquent de provoquer une récession à l'échelle de l'Europe, ainsi qu'une nouvelle crise de la dette de la zone euro. Certains feront probablement valoir que Trump ne s'intéresse tout simplement pas au sort de l'Europe. Seulement voilà, sachant la violence avec laquelle l'implosion de la dette grecque survenue en 2010 a secoué les marchés financiers américain et mondiaux, des crises de même nature en France et en Italie, respectivement deuxième et troisième plus grandes économies de l'Union européenne (d'envergure bien supérieure à celle de la Grèce), entraîneraient des conséquences absolument désastreuses pour l'économie et les marchés mondiaux. C'est bien la dernière chose que Trump souhaite voir se produire sous sa présidence. Comme les chagrins de Shakespeare, les récentes difficultés économiques de l'Allemagne ne sont pas arrivées « en espions isolés, mais en bataillons » : perturbations des chaînes d'approvisionnement en raison du COVID-19, choc énergétique provoqué par l'invasion russe en Ukraine, important ralentissement de la demande chinoise en biens d'équipement allemands (après l'éclatement de la bulle immobilière chinoise), et concurrence accrue des entreprises chinoises, notamment dans les secteurs de l'automobile et de l'énergie propre. Dans ces conditions, et dans la mesure où les exportations représentent près de 50 % de son PIB, l'Allemagne peut difficilement se permettre de subir des droits de douane américains sur les importations. Les effets négatifs des chocs évoqués précédemment sur l'économie allemande ont été considérables. Par rapport au début de la pandémie, en 2020, l'économie américaine affiche une croissance de 12 %. Par opposition, l'économie allemande n'a enregistré aucune croissance de sa production, allant jusqu'à entrer en récession en 2023, une situation dont elle peine encore à se relever. La Bundesbank formule aujourd'hui une mise en garde : les droits de douane proposés par Trump pourraient entraîner une contraction de l'économie allemande de 1,5 % en 2027. Malheureusement, tout porte à croire que, dans sa guerre commerciale, Trump s'est choisi pour prochaine cible l'Europe de manière générale, et l'Allemagne en particulier. Après avoir imposé des droits de douane de 25 % sur les importations d'acier et d'aluminium, Trump envisage d'appliquer des droits de douane similaires sur l'automobile et les produits pharmaceutiques que les États-Unis importent en grande partie d'Allemagne. Le président américain menace également de mettre en place des droits de douane « réciproques » par rapport à ceux qu'appliquent les partenaires commerciaux des États-Unis, tout en annonçant vouloir cibler les pays qui enregistrent d'importants excédents commerciaux bilatéraux vis-à-vis de l'Amérique. Or, en 2024, l'excédent commercial de l'Allemagne par rapport aux États-Unis a atteint un niveau record de 72 milliards $. Dans le même temps, l'Italie et la France affichent actuellement des ratios dette publique/PIB plus élevés que lors de la crise de la dette souveraine de la zone euro en 2010-2012. Ces États ont également accumulé des déficits budgétaires d'une ampleur insoutenable, et ne semblent pas pour autant avoir la volonté politique de s'attaquer à leurs problèmes de finances publiques. Même si elles parvenaient à mobiliser cette volonté politique d'agir, il serait difficile pour l'Italie et la France de repositionner leur dette publique sur une trajectoire viable. Pris dans le carcan de l'euro, ces États ne peuvent pas recourir à une politique de taux d'intérêt ou de change pour stimuler les exportations ou la demande des consommateurs afin de compenser l'effet de contraction exercé par la rigueur budgétaire sur la demande globale. Par ailleurs, un important ralentissement de l'économie allemande rendrait encore plus difficile pour ces pays la possibilité de réduire le poids de leur dette, dans la mesure où la demande relative à leurs exportations chuterait. Ultime espoir de l'Europe, Trump pourrait réaliser, avant qu'il ne soit trop tard, que provoquer une récession et une crise de la dette en Europe ne s'inscrit pas dans l'intérêt économique des États-Unis. Comme l'a illustré la crise de la dette souveraine grecque, le système financier américain est considérablement exposé à l'économie européenne. De même, une récession de la zone euro constituerait une mauvaise nouvelle pour le marché boursier, si cher à Trump, dans la mesure où près de 40 % des bénéfices des sociétés du S&P 500 proviennent de leurs activités à l'étranger. L'espoir ne saurait toutefois constituer une stratégie, et encore moins à l'heure où Trump semble déterminé à mener une agressive politique commerciale de « l'Amérique d'abord ». Les dirigeants politiques européens doivent davantage se préparer à une guerre commerciale totale. La défense la plus judicieuse consisterait à entreprendre les audacieuses réformes structurelles proposées en septembre dernier par l'ancien président de la Banque centrale européenne, Mario Draghi, afin de rétablir la compétitivité du bloc. *Chercheur principal à l'American Enterprise Institute, a été directeur adjoint du département d'élaboration et d'examen des politiques du Fonds monétaire international, et directeur de la stratégie économique relative aux marchés émergents chez Salomon Smith Barney. |