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Célébrée le 8 mars,
l'International Women's Day ou IWD, (selon
l'appellation officielle de l'ONU), Journée internationale des femmes ou encore
Journée internationale des droits des femmes est ce grand rendez-vous
historique des luttes pour l'égalité entre les femmes et les hommes et le droit
de toutes et tous à la citoyenneté pleine et entière. Cette année, Oran célèbre
à sa manière l'événement...
Trois mois après les Rencontres sur le cinéma et la littérature de femmes organisées à Saïda, Oran tente à son tour une sortie de sa léthargie culturelle en organisant un événement phare inédit: mettre sous les feux de la rampe les femmes cinéastes. A l'initiative, deux jeunes réalisatrices (Zoulikha et Rima) accompagnées d'un panel de professionnelles avec les encouragements de l'IFO (Institut français d'Oran), un riche programme d'activités en perspective: projection de films inédits, débats autour des différentes créations en présence des auteurs, réflexions autour des problèmes de sensibilisation et de formation des jeunes aux métiers du cinéma et enfin, analyses des contraintes et examen des opportunités de création. Nul n'ignore que l'arrivée de la gent féminine dans un domaine exclusivement public, comme le cinéma, est d'apparition récente même dans les pays occidentaux. En Algérie, c'est la romancière Assia Djebar qui est montée la première au créneau en 1978. L'écrivaine, pour qui l'activité littéraire revêtait une importance de premier plan, a tenté deux aventures dans le cinéma. Avec la Zerda du mont de l'oubli et la Nouba des femmes du Mont Chenoua, l'auteure réalise une prouesse sur la condition des femmes montagnardes, tant stylistique que thématique. En Tunisie, dès 1982, Nejia Ben Mabrouk, Fatma Skandrani, Sophie Ferchiou et Selma Baccar suivent le même chemin. Si en littérature, et tout un chacun et à même de le constater, « le génie féminin » s'exprime parfaitement, peut-on dire qu'il en est de même dans le domaine cinématographique ? Les films réalisés par des femmes sont-ils fondamentalement différents des films réalisés par les hommes ? Le 7e art peut-il se décliner au féminin ? Existe-t-il une approche spécifiquement féminine des arts en général et du 7e art en particulier ? Les chromosomes auraient-ils leur mot à dire en matière de création artistique? Les cerveaux des artistes fonctionnent-ils différemment selon l'origine biologique? Toutes ces interrogations nous interpellent. Ces premières rencontres cinématographiques à Oran en hommage aux femmes cinéastes, nous offrent l'opportunité de placer quelques jalons d'une réflexion qui reste à poursuivre. Femmes et cinéastes... Ces deux attributs, rarement accolés, ont fini par se rejoindre La féminisation de la vie sociétale est un fait incontestable même si la création cinématographique demeure encore l'éternel bastion de la gent masculine. Longtemps cadenassé, le monde du 7ème art a fini à s'ouvrir à la gent féminine qui en rêvait depuis des lustres. Affectées traditionnellement aux postes de scripts, de monteuses ou de maquilleuses les femmes ont accédé à l'écriture filmique et à la création cinématographique. Nés dans des conditions difficiles, leurs films s'affichent comme porte-voix des blessures cachées, des douleurs grandes et petites qui tissent la vie ordinaire... Elles filment le quotidien dans sa nudité, sans emphase, sans fioriture. A travers leurs récits et leurs témoignages, c'est toute l'expression d'une inquiétude commune qui suinte. Mais premier constat: contrairement aux écrivaines et aux romancières, les femmes cinéastes dans leur ensemble ne semblent pas tellement avoir innové en matière d'écritures, de style, de représentations ou de conditions de réception. Elles ont, certes, bousculé les idées reçues mais sans bousculer les formes narratives, sans inventer de nouveaux codes cinématographiques, ni de nouvelles syntaxes. Choquantes, déterminées ou secrètes, elles ont apporté simplement leur point de vue sur le monde. L'Allemande Margaret Von Trotta, l'Africaine Sarah Maldoror, la Sénégalaise Safi Faye, tout autant que la romancière Margueritte Duras qui finira par réaliser des films, ont apporté leurs témoignages avec plus ou moins de succès. Ainsi, ce cinéma, qualifié de féminin, parce que réalisé par des femmes, reste à définir. Pour paraphraser Fellini, à propos de La Cité des femmes, on pourrait dire que le cinéma des femmes est plutôt en chacun d'entre nous. En littérature, par contre, on peut discourir sur un style d'écriture, sur une narrativité textuelle, sur une intelligence discursive spécifique au monde féminin. La thématique, la stylistique, l'expressivité divergent fondamentalement, selon que l'on ait à faire à une œuvre masculine ou féminine. Rares sont les femmes cinéastes qui ont renouvelé l'art d'écrire, de concevoir la fiction, le documentaire cinématographique. A l'écran, leur approche des réalités et des problèmes quotidiens ne semble guère différente de celle des réalisateurs. Cela dit, ces affirmations péremptoires taraudent cependant les esprits de nombre d'acteurs culturels qui ne partagent pas les mêmes points de vue. Alors que la littérature féminine dans le monde arabo-musulman est d'une richesse inouïe, dans le domaine du cinéma, la plupart des œuvres produites par les femmes ne différent en rien de celles des hommes. Cinéastes maghrébines d'hier à aujourd'hui : une écriture au forceps A travers leurs films, les premières réalisatrices se racontent, racontent leurs histoires, celles de leurs parents et ce faisant, traduisent les libertés confisquées, les souffrances, les douleurs et les atrocités trop longtemps contenues (Cf. en notes, quelques productions significatives). Témoignant d'un vécu, elles montrent tout simplement la vie de leurs compatriotes, femmes et hommes ordinaires. Yamina Benguigui, Djamila Sahraoui et Rachida Krim, entre autres, ont réalisé d'excellents travaux. A travers Barakat, Djamila Sahraoui brosse un excellent portrait de femmes, l'une jeune, l'autre âgée, avec leur ironie et leur désenchantement. Un film éclairant sur la montée de l'islamisme en Algérie. Celles qui ont pris le relais des pionnières, véritables figures de proue (Farida Benyazid, Moufida Tlatli, Yamina Bachir Chouikh...) ont permis au cinéma du Maghreb de devenir visible à l'intérieur et à l'extérieur des frontières. A travers Rachida (2002), Yamina Chouikh a essayé de montrer, sans fioritures, le sordide quotidien de femmes prises dans la tourmente du terrorisme aveugle. La réalisatrice témoigne des années noires et décrit la violence, la brutalité à vif, à travers la vie d'une enseignante brisée, un quotidien barbare. Cette fiction, terriblement proche de la réalité, reflète ce qu'ont subi les femmes algériennes dans leur quotidien au cours de la funeste décennie sanglante. Le résultat : un film prégnant, envoûtant avec une sensibilité et une grâce dignes des grands cinéastes. Tlatli Moufida a, quant à elle, à travers Les Silences du Palais, cherché à mettre en avant une thèse sur les individus, leur part d'ombre, tout en évoquant remarquablement leur tristesse et leurs mystères. Pour échapper à la chape de plomb, à l'emprisonnement des femmes, dont il est toujours difficile de s'extraire, le chant, la musique, comme moyen de consolation, venu du fond des âges, comme raison d'espérer pour oublier la vie qui malmène les êtres fragiles. Ces préoccupations on les retrouve dans son film La Saison des femmes. Son documentaire Hier... Aujourd'hui, Demain, non diffusé depuis 2010, demeure une énigme. La parole des moudjahidates serait-elle à bannir ? Dans L'enfant endormi, Yasmine Kassari raconte l'histoire d'une jeune mariée, Zeinab, qui voit son époux quitter le pays pour la clandestinité le lendemain de ses noces. Enceinte, elle attend le retour de son mari et fait endormir son fœtus. Le temps passe, mais le mari ne revient pas... Le film, qui met en scène dans les rôles principaux Rachida Brakni et Mounia Ousfour, a remporté plusieurs prix internationaux. Ces femmes partagent le même rêve, la même mémoire d'origine et le même attachement au terroir. On se surprend à chercher la touche féminine qui caractériserait ces créations de femmes artistes. Celle-ci, en fait, s'inscrit dans cette sensibilité, dans cette sensualité qui émerge de leurs images. Nadia Cherabi, dont l'œuvre documentaire Amaria et El haouta, répond aux palpitations de la société algérienne, comme aux interrogations de la génération née durant ou après la guerre imposée par les islamistes aux civils. Pour porter l'univers immense de son pays, Nadia Cherabi se concentre sur la condition féminine en Algérie et, par extension, dans l'ensemble du monde arabe. L'idée de son premier long métrage L'Envers du miroir, ne venait pas d'elle. Ce film, d'une force rare, raconte avec une certaine naïveté et quelques larmes inutiles, l'histoire bouleversante d'une jeune fille abusée par son beau-père. On peut ne pas aimer le film, mais ce dernier, en posant un problème tabou, donne l'occasion de réfléchir sur la violence qui se déchaîne au sein de la famille. Récits ou témoignages sur le vécu des femmes, expression d'une inquiétude commune aux deux sexes, ces productions féminines révèlent les blessures cachées, les douleurs grandes et petites, qui tissent la vie ordinaire. La génération actuelle semble vouloir briser les carcans et ouvrir la voie de l'audace en apportant une vision distincte du monde contemporain. Pour contourner les obstacles, les cinéastes en herbe, maghrébines où d'origine maghrébine, ont d'abord investi le terrain de l'écriture, avant de pénétrer, quasiment par effraction, les arcanes machistes du monde du cinéma. L'une des raisons qui semble les avoir incitées à investir le domaine de la création est peut-être de réagir contre ces caricatures flagrantes. Leurs œuvres, impertinentes ou sages, revendicatives ou superficielles, ambitieuses ou ambivalentes laissent découvrir la vigueur d'une pensée, la couleur d'un style, le sérieux d'une histoire. Ces nouvelles cinéastes maghrébines (entre autres, Tahar Zoulikha, Kerkebane Rima, Sonia Ahnou, Leïla Saâdna, Amel Kateb, Sara Kheladi...) s'en sortent, malgré tout, avec de brillants faits d'armes et avec, en commun, cette même passion de créer et d'affirmer leur existence. Les dernières productions de Habiba Djahnine, de F. Z. Zamoum, Yasmine Chouikh, Mounia Meddour, Sofia Djama, Sabrina Draoui, parmi tant d'autres, parlent d'elles-mêmes. Transformer les arts en moyen de lutte pour se libérer des affres du quotidien, des injustices, du totalitarisme et des oppressions de toutes sortes, tel semble être le leitmotiv de ces nouvelles réalisatrices maghrébines. Porte-voix des mémoires, leurs films naissent dans des conditions difficiles, prenant souvent l'allure d'une critique sociale et/ou politique, situant l'identité et le statut de la femme au cœur de la réflexion. Ce qui fait dire à une jeune cinéaste : « Il nous faut tenir compte des aspirations féminines, nous attaquer à la primauté de l'homme dans le couple, dénoncer les difficultés de la condition féminine ». Cela dit, l'idée d'une littérature ou d'un cinéma « féminin », opposé à une littérature ou un cinéma « masculin », est un non-sens. Un film ou un roman peut être bon ou mauvais indépendamment du sexe de son auteur. Ce communautarisme relève du fantasme et d'une vision manichéenne et tronquée de l'histoire. Les différences entre individus d'un même sexe sont parfois tellement énormes qu'elles supplantent les différences entre hommes et femmes. Notes : films en référence Juanita de Tanger de Farida Benlyazid, Maroc (2005) 105' - Fleur d'oubli de Selma Baccar, Tunisie/Maroc (2005) 102' - La Pelote de laine de Fatma Zohra Zamoum, Algérie/France (2005) 14' - Hier encore de Rima Samman, Liban/France (2006) 47' - Sous mon lit de Jihane Chouaib, Liban/France (2004) 44' - Le Chant de Yasmine de Najwa Najjar, Palestine (2005) 20' - Amina ou la confusion des sentiments de Laurette Mokrani, Algérie/France (2005) 54' - Lamine, la fuite de Samia Chala, Algérie/France (2005) 51' - Bonne à vendre de Dima al-Joundi, Liban/France (2006) 53' - Beyrouth - Vérités, mensonges et vidéos de Maï Masri, Palestine/Liban (2006) 70' - Viva Laldjérie de Nadir Moknêche - Mémoire d'immigrés, Incha'allah dimanche, Plafond de verre de Yamina Benguigui - Exil à domicile de Leila Habchi, etc. |