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Ali Boumendjel
est né le 23 mai 1919, à Relizane, dans une famille
riche en talents, imprégnée de voyages, de culture et de combats politiques.
Son père, instituteur, lui transmit le goût des savoirs. Le brillant écolier se
fraya sans mal une place sur les bancs de la faculté de Droit d'Alger. C'est
fort d'une culture ouverte, généreuse, humaniste, puisant aux sources des
Lumières, qu'Ali Boumendjel s'engagea bientôt en
politique, contre l'injustice du système colonial et pour l'indépendance de
l'Algérie. Au cœur de la Bataille d'Alger, il fut arrêté par l'armée française,
placé au secret, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957. Paul Aussaresses avoua lui-même avoir ordonné à l'un de ses
subordonnés de le tuer et de maquiller le crime en suicide. Ali Boumendjel laissait derrière lui son épouse, Malika, et ses
quatre enfants âgés alors de sept ans à vingt mois : Nadir, Sami, Farid et
Dalila.
Malika Boumendjel nous a quittés il y a peu, elle aurait eu cent trois ans aujourd'hui. Elle avait fait du combat pour la vérité sur les circonstances de la mort de son mari, celui de sa vie. Elle voulait que la vérité soit connue et reconnue de tous, pour sa famille, pour l'Histoire de l'Algérie et pour celle que l'on doit apprendre aux enfants français dans les écoles de la République. Il y a un an, jour pour jour, le Président français avait reçu au Palais de l'Elysée quatre des petits-enfants d'Ali Boumendjel pour leur dire, au nom de la France, ce que leur regrettée mère Malika Boumendjel aurait voulu entendre : Ali Boumendjel ne s'est pas suicidé dans sa cellule comme affirmé par ses tortionnaires, mais il a été torturé puis assassiné. Regarder l'Histoire en face, reconnaître la vérité des faits, ne permettra pas de refermer des plaies toujours ouvertes, mais aidera à se frayer un chemin vers l'avenir des deux pays. Les générations des petits-enfants de l'indépendance ont le droit de construire leur destin, loin de l'amnésie et du ressentiment. C'est pour eux désormais, pour la jeunesse algérienne et française, qu'il faut avancer sur la voie de la vérité, la seule qui puisse conduire à la réconciliation des mémoires. C'est dans cet esprit que le futur Président de la république française devrait faire ce geste de reconnaissance, et cesser de tergiverser sur un sujet aussi important pour les peuples des deux rives. Aucun crime, aucune atrocité commis par les forces coloniales durant la Guerre d'Algérie ne peuvent être excusés ni occultés. Il est plus que temps que ces atrocités connues de tous soient regardées avec courage et lucidité, et reconnues officiellement, dans l'absolu respect de toutes les familles pour lesquelles la vie et l'avenir ont été déchirés et le destin brisé pour longtemps, celles et ceux dont ils ont déchiré la vie et brisé le destin. Pour l'avocat Ali Boumendjel, juriste de talent, élève du professeur René Capitant à la daculté de Droit de Paris, connu en Algérie pour son rôle au sein de l'Union démocratique du Manifeste algérien (UDMA), présidée par Ferhat Abbas, membre du Mouvement mondial de la Paix et journaliste, a été arrêté le 9 février 1957 par les parachutistes français. Il a été détenu par eux et torturé durant 43 jours, puis finalement jeté, le 23 mars 1957, du haut de l'immeuble où il était détenu à El-Biar, près d'Alger, faisant croire à un suicide. Le même immeuble d'El Biar sur les hauteurs d'Algérie où fut torturé et tué Maurice Audin, trois mois plus tard. Mais, si, grâce à l'opiniâtreté de Josette Audin, la jeune femme de Maurice Audin, la disparition d'Audin est devenue assez vite une affaire qui a défrayé les médias et scandalisé une partie croissante de l'opinion française, cela n'a pas été le cas du sort d'Ali Boumendjel, bien que René Capitant, grand résistant et ministre du général de Gaulle, son professeur à la Faculté de droit de Paris, ait écrit aussitôt (René Capitant, Le Monde, 26 mars 1957) au ministre de l'Education nationale : « Tant que de telles pratiques - auxquelles, même en pleine guerre, nous n'avons jamais soumis les prisonniers allemands - seront prescrites ou tolérées contre les Algériens par le gouvernement de mon pays, je ne me sentirai pas capable d'enseigner dans une faculté de droit française. J'interromprai donc mon cours. Révoquez-moi, si vous le voulez, si vous le pouvez. L'affaire Boumendjel et Audin s'inscrivent dans le contexte de l'arrivée à Alger des parachutistes commandés par le général Massu, le 7 janvier 1957. Les pouvoirs civils ont alors donné une autorité considérable et absolue aux forces militaires. Côté algérien, la grève des huit jours, lancée le 28 janvier 1957 par le Front de Libération nationale (FLN), a pour but de montrer l'assise populaire très large du mouvement de Libération. Mais cela généra une répression plus intense de la part des militaires français contre la population et les arrestations se multiplient. Tout était permis pour soutirer des renseignements aux ?suspects » et tous les Algérois étaient suspects aux yeux des parachutistes. Les renseignements sont extorqués par tous les moyens : la torture est utilisée à grande échelle. Les personnes arrêtées ne sont remises ni à la justice, ni même à la police, mais gardées entre les mains des militaires, qui peuvent ainsi utiliser leurs méthodes « d'interrogatoire » sans limite de temps. Il est dès lors impossible pour la justice de fournir une quelconque protection aux détenus. Très rapidement, le nombre de détenus est tel qu'ils doivent être rassemblés dans des camps. Avec l'arrestation de Boumendjel, c'est à une modification des cibles de la répression et de la torture qu'on assiste. Boumendjel est en effet connu pour être un militant nationaliste d'abord, membre de l'Union démocratique du Manifeste algérien de Ferhat Abbas, et ensuite pour avoir été l'un des membres du Collectif des avocats du FLN, qui ont défendu devant les tribunaux des militants et combattants arrêtés. S'il est parmi les premiers avocats arrêtés avec son collègue Mahieddine Djender, il n'est pas le seul : dans les jours et les semaines qui suivent, tous les avocats du collectif seront également arrêtés, à l'exception de ceux qui se trouvaient alors en déplacement. Certains parmi les avocats considèrent qu'ils doivent leur vie au scandale qui a suivi la mort de Boumendjel et qui a obligé les parachutistes à les remettre plus rapidement à la justice, prévenant ainsi leur disparition et leur assassinat. Car ce qui est sans doute un peu inattendu pour les militaires c'est que la mort de Boumendjel, le 23 mars 1957, provoque une forte mobilisation contre les méthodes de l'armée : militant politique, membre du Mouvement mondial de la Paix, journaliste, Boumendjel a de nombreuses connaissances dans les milieux intellectuels, militants et journalistiques en France et dans le monde. |