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L'Algérie célèbre
chaque année, au 14 mars, la journée du handicap. Le handicap dans notre
société est souvent associé à la pitié (à l'émotion), ainsi qu'aux croyances
archaïques.
Afin d'éviter le discours émotionnel plein de promesses pour accompagner les personnes en situation de handicap, je propose dans cette réflexion les résultats de la recherche dans le domaine des neurosciences pour les personnes atteintes de Troubles du Spectre Autistique (TSA), connu par l'autisme, ainsi que les types d'accompagnement possible. Mais soyons clairs : il n'existe pas des traitements qui guérissent l'autisme. Cependant, il existe des accompagnements qui permettent à la personne atteinte de TSA de réduire ses difficultés et de trouver une place naturelle dans son espace ou son environnement avec des possibilités d'inclusion professionnelle et sociale. L'autisme est le fruit d'un développement atypique de l'encéphale. Il n'est donc qu'un profil neurobiologique particulier parmi d'autres, chacun ayant ses inconvénients et ses atouts. Il serait alors plus juste de le penser en terme de neurodiversité que de pathologie. Cependant, la neurodiversité ne doit pas conduire à nier les aspects pénalisants d'un profil particulier. Dans l'autisme, les dysfonctionnements de la théorie de l'esprit sont souvent handicapants, étant donné l'importance de cette capacité pour les relations sociales. Ceci dit, il existe toutes sortes de termes pour décrire TSA : TED, traits autistiques, dysharmonie évolutive ou psychotique, troubles de la personnalité, psychose infantile, autisme atypique, schizophrénie infantile, dépression précoce autistique, etc. On parle aussi de « trouble de la personnalité avec des angoisses spécifiques, des mécanismes défensifs pour les contenir ainsi que des modalités particulières de relation au monde et à autrui »1. Le fait de ne pas avoir clairement identifié le trouble va avoir des conséquences considérables sur la mise en place des traitements et de la réhabilitation. Certains professionnels seront partisans d'attendre un peu, d'autres, au contraire, d'agir rapidement, mais comment ? Pour le DSM-V, le terme de trouble du spectre autistique (TSA) est utilisé, regroupant les anciennes catégories du DSM-IV, à savoir le trouble autistique, le trouble d'Asperger, le trouble désintégratif de l'enfance et le trouble envahissant du développement non spécifié. L'intérêt de ces classifications internationales est qu'elles sont indépendantes de toute approche théorique et qu'elles ne font que décrire les manifestations observées par les cliniciens. Quels sont les éléments importants que l'on retrouve en consultation ? Le premier domaine du TSA est représenté par la présence d'un développement anormal de la communication et des interactions sociales. On observe des déficits dans la réciprocité socio-émotionnelle, dans le partage des émotions et dans les initiations aux interactions sociales. Pour un grand nombre de parents, l'hypothèse de la surdité est fréquemment mise en avant. En effet, le bébé peut ne pas se retourner lorsqu'on l'appelle et ne pas réagir même aux bruits d'intensité élevée. Des interprétations apparaissent alors telles que le bébé serait trop concentré, etc. On observe également, au niveau de la communication sociale, des déficits concernant les relations allant de difficultés à ajuster les comportements en fonction des situations sociales à des difficultés de partage de jeux symboliques et des difficultés à se faire des amis. Les relations avec les enfants de même âge sont perturbées, celles-ci pouvant prendre des formes différentes selon le niveau de développement de l'enfant. Les jeunes enfants présentent aucune ou peu d'attirance envers des pairs. Les enfants plus âgés peuvent présenter un intérêt pour les autres mais avec une incompréhension des conventions sociales, un manque de spontanéité dans le partage des émotions comme la joie, l'intérêt ou la tristesse. On observe aussi des changements des états émotionnels brutaux, passage du rire aux pleurs par exemple, sans présence d'éléments déclencheurs visibles. On constate aussi des déficits dans les comportements non verbaux lors d'interactions sociales. Cela se remarque par l'absence de comportements de communication comme le pointage en direction d'un objet, d'une personne ou le fait d'apporter quelque chose à quelqu'un. Les personnes pré- sentant un TSA préféreraient les activités solitaires. Les autres sont utilisées comme outil ou comme aide « mécanique ». Chez ces enfants, le contact oculaire, le regard, l'expression faciale, les postures corporelles et gestuelles sont altérées. La communication est aussi altérée de façon importante au niveau des compétences verbales et non verbales. On note un retard dans l'acquisition ou une absence totale du développement du langage oral. Lorsque le langage oral est présent, il est généralement de mauvaise qualité et engager ou maintenir une conversation est souvent difficile. Si le langage apparaît, il est particulier, l'intonation n'est pas adaptée à la situation, la vitesse d'élocution ou le rythme de parole sont perturbés. Le ton de voix est souvent monotone. Les mots peuvent apparaître de façon répétée, sans signification. Des phrases entières sont dites sans relation avec le contexte. La compréhension du langage est souvent retardée et l'enfant peut être incapable de comprendre des consignes simples. Associer un geste à un mot est souvent problématique. Mais ces manifestations restent des éléments descriptifs. Le second domaine concerne les patterns des comportements restreints ou répétitifs, des intérêts ou des activités. Ces patterns de comportements se retrouvent à différents niveaux : un langage répétitif et stéréotypé, des mouvements moteurs et une utilisation des objets particulière. On observe également des écholalies, des stéréotypies motrices ou verbales, phrases répétées en boucle sans aucune fonction de communication. Ces troubles du comportement sont retrouvés également dans des routines qui sont respectées de façon excessive, des patterns ritualisés de comportements verbaux ou non verbaux. Une résistance au changement excessive est fréquente, ce qui peut se retrouver à différents niveaux, comme le comportement alimentaire, le sommeil ou les activités quotidiennes. Lors de changements de ces routines ou rituels, les troubles émotionnels sont considérables et disproportionnés. L'enfant peut, par exemple, ne manger que des aliments d'une certaine couleur ou d'une certaine texture. Il peut ne pouvoir dormir qu'avec une même personne ou vouloir réaliser toujours le même trajet en voiture ou à pied et hurler si un changement apparaît. Un autre point concerne l'hyper- ou l'hypo-sensibilité. Une fois de plus, les excès sont impressionnants. L'enfant peut sembler insensible à la douleur, au froid ou à la chaleur et par contre présenter une hypersensibilité à certains bruits, qui sont pour nous, anodins. Cette hypersensibilité peut se retrouver au niveau du toucher, du goût ou de l'odorat. Pour certains enfants, l'ensemble des sens peut être touché. Cette hypersensibilité peut se retrouver dans la fascination pour certains bruits, odeurs ou stimulations lumineuses. L'enfant va ainsi s'orienter vers des bruits comme ceux du lave-vaisselle ou d'une porte automatique de voiture que l'on ferme, vers des lumières ou vers les pages d'un livre que l'on tourne pour en capter les odeurs ou le vent que ce mouvement produit. L'ensemble des ces déficits peut être variable d'une présence sévère à une présence faible de certaines fonctions et d'une personne à une autre, selon le niveau de développement et l'âge chronologique. Les dernières recherches Actuellement, une théorie se dégage au plan international parmi les neuroscientifiques qui suggère que le cerveau des personnes atteintes de TSA est «hyper-connecté» à un niveau local, mais qu'à une échelle globale, les différentes zones du cortex sont fonctionnellement «déconnectées» les unes des autres. Les connexions locales peuvent «traiter» un type d'information spécifique (certains aspects de la vision par exemple). A contrario, les connexions à plus longues portées permettent au cerveau d'intégrer des informations plus complexes provenant de parties du cerveau qui traitent souvent d'aspects différents. Ce dernier type de connexion est donc nécessaire pour une perception et une compréhension fine de notre environnement extérieur. Comment diagnostiquer l'autisme ? Le diagnostic d'autisme ne repose actuellement que sur des données cognitives et comportementales. Malgré les recherches, aucune étiologie biologique n'a pu être établie de façon certaine à ce jour. Le diagnostic est posé après avoir éliminé toutes les autres possibilités. En parlant d'autisme, on indique tout simplement que l'on ne sait pas de quoi l'enfant est atteint. Il faut écarter d'abord un grand nombre de possibilités génétiques, métaboliques ou infectieuses pour parler alors de troubles envahissants du développement, comme précisé dans les définitions ci-dessus. Je précise que le diagnostic est posé par le croisement de plusieurs disciplines (neuropsychologies, médecins pédiatres, etc.) Ceci dit, sur le plan de l'évaluation psychométrique, il existe plusieurs tests qui aident à évaluer plusieurs capacités de personnes atteintes de TSA. Ces tests évaluent les capacités cognitives globales, les capacités adaptatives et enfin les troubles d'ordre psychologique de chaque personne atteinte de TSA. Il est important de signaler que l'autisme n'est pas forcement associé à la déficience intellectuelle (Retard mental), car il peut avoir des capacités cognitives supérieures à la moyenne (le cas de l'Asperger), comme il peut avoir une déficience intellectuelle légère, moyenne ou sévère. Quel type d'accompagnent? Comme je l'ai souligné plus haut, il n'existe pas de guérison mais des adaptations possibles pour canaliser son attention et augmenter ses capacités d'encodage d'information, c'est-à-dire lui permettre d'augmenter son capital de stockage d'information au niveau de la mémoire à long terme. Et par la plasticité cérébrale, le cerveau se réadapte à cette nouvelle rééducation. Ceci dit, il existe des méthodes d'inspiration comportementale (ABA) et cognitivo-comportementale et analytique. Néanmoins, plusieurs études montrent que les méthodes comportementales et cognitivo-comportementales sont plus efficaces. Ces adaptations sont utilisées au domicile, en milieu scolaire, ainsi que dans les milieux professionnels. Elles nécessitent des formations pour les utilisateurs, pour éviter des dérives thérapeutiques. Et pour l'Algérie ? Il y a trois niveau d'intervention : d'une part la formation des psychologues pour qu'ils puissent aider les neuro-pédiatres à mieux diagnostiquer les TSA. Ce qui nécessite des tests qui respectent l'environnement culturel, social et cognitif des personnes testées. En second, les lieux d'accueil adaptés et un personnel formé pour accompagner les personnes atteint de TSA. Ce qui nécessite la création de centres de formation pour les éducateurs, ainsi que des auxiliaires de vie, etc. Enfin, au niveau scolaire, qui nécessite également des adaptations au niveau de la classe, de la cours, des ateliers, etc. il faudrait des enseignants spécialisés formés à la tâche. A terme de cette réflexion, je propose la création d'un centre de référence pour l'autisme qui regroupe l'ensemble des spécialités pluridisciplinaires et aura pour mission : diagnostiquer, former, orienter et prévenir? *Neuropsychologue et auteur. 1 Cf. l'ouvrage collective (2015) : «Prise en charge comportementale et cognitive du trouble du spectre autistique». Paris: Edition Elsevier Masson. |