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2ème partie En réalité, la situation en Afghanistan n'est pas la même qu'en Irak. Pour comprendre, il faut recontextualiser ce qui a été dit sur la contre-insurrection en Irak. Les Sunnites n'ont pas été " retournés " comme on l'a fait croire. Il était clair pour tous les insurgés sunnites, chiites ou kurdes que l'occupation de l'Irak par les Américains n'était que temporaire. Les difficultés de l'armée US tant la situation devenait intenable, Washington, face à l'insurrection irakienne, prévoyait déjà un retrait de ses forces. L'occupation n'étant prorogée que par des Résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Par conséquent, les insurgés sunnites ont " sauté " sur la perche tendue par les Américains qui leur avait permis de " financer et d'armer à moindre frais " une force de 100 000 miliciens (les Sahwas). Une milice sunnite qui aura à s'aligner face aux 90 000 hommes chiites de l'imam Moktada al-Sadr et les 90 000 hommes de la force militaire kurde, les Peshmergas, pour, le moment venu, " peser sur le partage du pouvoir politique et économique " du pays de l'après-occupation. L'approche tactique des Sunnites, comme celui réciproque des États-Unis qui cherchaient à s'assurer d'une baisse de violence et une " sortie honorable de l'Irak " (sans défaite) peut se comprendre dans cette alliance scellée qui relève de la conjoncture politique et militaire de l'Irak. En revanche, en Afghanistan, il n'y a pas de communauté à " acheter ou à retourner " dans le cadre de la " contre-insurrection ". La majorité de la population pachtoune, ouzbek, tadjik? est sunnite. Quant aux Hazaras chiites afghans, ils ne représentent qu'une petite frange de la communauté afghane qui est d'ailleurs représentée dans le gouvernement de Hamid Karzaï. C'est dans cette situation de stagnation, d'enlisement en Afghanistan et les nombreuses bavures sur les civils qui ne font qu'augmenter les ressentiments de la population envers les forces d'occupation et aussi de crise économique qu'un formidable événement va apparaître et redonner vie à la stratégie occidentale : le " Printemps arabe ". 4. L'irruption du " Printemps arabe " dans la stratégie de domination des États-Unis L'immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid, un jeune tunisien, le 17 décembre 2010, va mettre le feu au poudre dans les rues arabes et faire tomber en moins de deux mois deux régimes jusque-là jugés comme les plus solides de la région. Le président Ben Ali fuit le 17 janvier 2011, après vingt-trois ans de dictature. Le président Moubarak démissionne le 11 février 2011, après vingt-neuf ans de pouvoir sans partage. Le vent de la révolution tunisienne parcourt le monde arabe, déclenchant des contestations populaires de grande ampleur. La peur tombe et les foules défient les régimes. Les mouvements de manifestations débutent le 28 décembre en Algérie, le 14 janvier en Jordanie, le 17 janvier en Mauritanie et à Oman, le 18 janvier au Yémen, le 21 janvier en Arabie Saoudite, le 24 janvier au Liban, le 25 janvier en Egypte, le 26 janvier en Syrie, le 28 janvier dans les territoires palestiniens, le 30 janvier au Soudan et au Maroc, le 1er février à Djibouti, le 13 février en Libye, le 14 février au Bahreïn? Un incroyable mouvement contestataire synchronisé rappelle la Révolution de 1848 en Europe. Le monde entier prend conscience du tournant historique que vivent les peuples arabes et l'on s'attend alors à une chute en cascade de tous les régimes autocratiques du Maghreb et du Machrek. En réalité, il n'en est rien. Le " Printemps arabe ", amplifié par la caisse de résonance extraordinaire qu'est l'Internet et magnifié par les chaînes de télévision satellitaires comme Al-Jazeera, permettant aux peuples de vivre la révolution en direct, à partir de la place de la Libération (Tahrir) du Caire et d'ailleurs, ne ciblent surtout que des pays non islamistes. Parmi ceux-ci, il y a les pays qui font allégeance à la superpuissance américaine comme la Tunisie, l'Egypte et dans une moindre mesure le Yémen, la Mauritanie. Et ceux qui ne sont pas alignés à la superpuissance comme la Libye, la Syrie, l'Algérie. Il est évident que les manifestations qui se sont propagées très rapidement et qui sont certainement spontanées compte tenu du ras-le-bol des peuples sur la précarité, le chômage, etc., ont néanmoins été " aidées " par l'Occident. Un Occident qui se trouve sans solution ni en Afghanistan ni en Irak ni en Iran. Plus grave, l'Iran non seulement ne se conforme pas aux résolutions internationales qui le somment à ouvrir tous ces centres nucléaires à l'AIEA mais, par son alignement à la Russie et à la Chine et son refus de se soumettre au diktat occidental, rompt totalement l'équilibre géostratégique de la région. Et tous les déboires américains et occidentaux au Moyen-Orient le doivent à l'Iran. Des questions se posent pour l'Occident. " Comment combattre l'Iran ? " " Mener une guerre préventive ? " Des mesures qui ne doivent être entreprises que lorsque tous les moyens diplomatiques seraient épuisés. Or il s'avère que l'Iran est chiite, il n'est pas sunnite. Précisément le général D. Petraeus (nommé chef de la CIA en avril 2011) a éprouvé sa stratégie anti-insurrectionnelle en opposant les Sunnites contre les Chiites. Et sa stratégie s'est avérée payante. Si sa stratégie n'a pas fonctionné en Afghanistan pour des raisons qu'on a déjà développées, il reste que le monde arabo-musulman est un ensemble qui, pris globalement, présente des similarités avec l'Irak. Deux grandes tendances confessionnelles le traversent : le sunnisme et le chiisme. D'ailleurs, pour rappel, la révolution islamiste en Iran en 1979 a obligé l'Arabie Saoudite à exporter plus l'idéologie wahhabite pour lutter contre la nouvelle politique iranienne. Ce qui n'est pas nouveau pour les Américains puisqu'ils ont concouru avec le Pakistan dans la propagation de l'idéologie wahhabite sunnite, lors de la guerre d'Afghanistan, pour chasser les forces soviétiques occupantes. Ainsi se comprend mieux l'essence du " Printemps arabe " et la nécessité pour les États-Unis de chasser des oligarques arabes et de les remplacer par des " régimes islamistes sunnites ". D'autant plus que les Frères musulmans et Salafistes sont les mieux organisés des partis l'opposition. Noyautés par l'Arabie saoudite et l'Occident, réprimés par la police, ayant une base très large grâce aux multiples œuvres caritatives, ils ont tout pour remplir le rôle qui leur est assigné dans l'endiguement de la Russie et la Chine via la neutralisation projetée de l'axe Iran-Irak-Syrie-Hezbollah chiite. C'est ainsi que les forces armées tunisiennes et égyptienne dépendantes indirectement des États-Unis sont restées très discrètes dans les mouvements populaires " spontanées " alors que le régime de Kadhafi sur lequel l'Amérique n'a pas de prise a nécessité le concours de l'OTAN pour le faire " tomber ". Quant à la Syrie, elle se trouve aujourd'hui projetée dans une guerre civile, et le conflit armé s'internationalise sans visibilité sur le futur. Au-delà des stratégies occidentales et des enjeux qui opposent les puissances, il reste que le " Printemps arabe " a été un formidable succès pour les peuples arabes au point qu'il a suscité en Occident un mouvement pacifique, les " indignés ". Cependant, les monarchies arabes grâce aux pétrodollars ont échappé au " Printemps arabe ", comme d'ailleurs l'Iran face à la pression occidentale. Mais le mouvement populaire est enclenché dans les pays arabes, et il n'a pas épuisé toute cette énergie émancipatrice. Qu'en résultera-t-il dans les années à venir ? 5. Préparatifs d'une guerre contre l'Iran ? Le monde aujourd'hui est à la croisée des chemins. Le " Printemps arabe " toussote. Les régimes islamistes sont implantés dans la plupart des pays de la " ceinture verte sunnite ". Cette " ceinture " qui a eu raison de l'URS en 1988 reste néanmoins fragile. Avec les heurts sociaux et l'instabilité, la situation des nouveaux régimes islamiques inquiète la superpuissance américaine. Les peuples arabes dans le " Printemps arabe " ont montré qu'ils sont comme tous les autres peuples du monde. Ils rejettent la dictature et exigent la démocratie et l'équité dans le partage des richesses, donc de meilleures conditions de vie, de l'emploi et de la dignité. Ils s'opposent au verrouillage de la vie politique par les nouveaux pouvoirs. Parvenus démocratiquement au pouvoir, les partis islamistes face aux problèmes économiques détournent le débat politique sur l'identité collective. En faisant ressortir les racines islamiques, et donc des valeurs islamiques, ils tentent de dissoudre l'identité collective dans une sorte d'identité arabo-musulmane voire saoudo-wahhabite qui prêche la soumission des peuples à la domination du Qatar et de l'Arabie Saoudite. Evidemment, la stratégie aurait été possible si ces pays avaient les mêmes richesses que le Qatar et l'Arabie saoudite et si la majorité de la population avait accès à un emploi utile, ou, à défaut d'emplois, une aide substantielle de l'Etat garantissant les perspectives d'avenir à toutes les franges des sociétés. Or ce n'est pas le cas. Le fonctionnement politique des nouveaux régimes islamistes repose sur l'islamisme couplé à une force policière et militaire qui appuie le gouvernement. Comme cela fut dans les régimes autoritaires précédents. Y compris d'ailleurs en Iran où le système est verrouillé et largement dominé par les conservateurs qui se réclament du Guide suprême Ali Khamenei. La crise politique, lors des élections iraniennes en 2009, a montré que le peuple iranien a les mêmes aspirations que les autres peuples du monde. La démocratie n'est pas un bien exclusif à l'Occident, mais une donnée universelle à tous les peuples. Les Occidentaux ont lutté pour y parvenir durant des siècles, et le chemin a été parsemé de nombreuses guerres jusqu'aux deux conflits mondiaux du XXe siècle. Par conséquent, le " Printemps arabe " ne signifie pas pour les peuples sunnites de " sortir d'une dictature " pour s'engouffrer dans une " autre dictature dusse-t-elle être islamiste ". Si cela aurait été le cas, le " Printemps arabe " serait alors un non-sens dans l'Histoire. Ce qui est impossible. Et on n'apprend pas l'Islam à des peuples dont l'identité des peuples est pétrie de quatorze siècles d'Islam. Précisément, les États-Unis en sont conscients que la démocratie ne peut être pendant longtemps instrumentalisée pour mettre un régime qui n'a rien à voir avec elle. Les fondamentalistes, en réalité, ne sont que des éléments dans l'échiquier politico-militaire des États-Unis pour dominer le monde. Face aux violences populaires, ils doivent agir vite avant que le camp sunnite ne se lézarde, d'autant plus que les événements se précipitent. Une attaque terroriste à Benghazi qui a couté la vie à des diplomates dont l'ambassadeur américain, des troubles en Egypte, en Libye, en Tunisie, en Jordanie, au Bahreïn. Le grain de sable de la France qui, pour défendre ses intérêts dans la région (exploitation de mines nucléaires au Niger près de la frontière malienne), s'est attaqué au point extrême ouest de la " ceinture verte ", le Mali, alors que les pays de la CEDEAO, depuis une année, de réunion en réunion, promettent une force d'intervention pour chasser les islamistes du Nord du Mali sans que celle-ci ne voit le jour. Les États-Unis ont décidé que la crise malienne se résoudra politiquement et non militairement. Enfin, le dernier grain de sable, l'Algérie a procédé rapidement à une riposte contre la prise d'otage par des terroristes islamiques sur un site pétrolier gazier de Tiguentourine (In Aménas). La rapidité et l'efficacité de l'intervention a surpris les puissances. Un autre pays qui fait peur. Au début, accablée vu les pertes occidentales en vies humaines, l'Algérie se trouve ensuite presque honorée. Le Premier ministre britannique David Cameron en personne s'est rendu en Algérie pour apporter un message de soutien de la Grande-Bretagne en matière de lutte contre le terrorisme mais, en même temps, informe qu'il faut combiner une réponse sécuritaire et politique à la crise malienne. Vu les enjeux, Le Premier ministre appelle à l'apaisement. Quelques jours plus tard, à Londres, le Premier ministre Cameron parraine une rencontre entre le président Hamid Karzaï et son homologue pakistanais. " Les parties (...) se sont engagées à prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le but d'un accord sur la paix dans les six prochains mois ", a indiqué un communiqué transmis par Downing Street à l'issue de discussions impliquant les deux dirigeants et le Premier ministre Cameron. " Le président Karzaï, le président Zardari et le Premier ministre (Cameron) ont affirmé qu'ils soutenaient l'ouverture d'un bureau à Doha (Qatar) pour des négociations entre les talibans et le Haut Conseil pour la paix en Afghanistan, dans le cadre d'un processus de paix mené par l'Afghanistan ", poursuit le texte (Le Monde.fr). Les présidents des deux pays voisins ont également " décidé de prendre des dispositions pour renforcer la coordination des libérations de talibans détenus au Pakistan, afin de soutenir le processus de paix et de réconciliation ". Les forces de l'OTAN et européennes (ISAF) ne procèdent plus d'opérations militaires en Afghanistan. Plus encore, les États-Unis ont annoncé leur retrait en 2014. La situation donc s'assainit en Afghanistan, et les Talibans qui sont sunnites sont invités à rentrer dans les rangs. La " ceinture verte " est en train de se fermer à l'Est. Un autre indice : les États-Unis, en décembre 2012, reconnaissent à leur tour (après la France, les monarchies arabes?) la nouvelle Coalition de l'opposition syrienne comme la " représentante légitime " des Syriens. "Nous avons décidé que la Coalition de l'opposition syrienne rassemblait désormais suffisament (de groupes), reflétait et représentait suffisamment la population syrienne, pour que nous la considérions comme la représentante légitime des Syriens ", a déclaré M. Obama dans un entretien à la chaîne de télévision américaine ABC. Cette décision américaine se comprend, elle est renforcée par la libération d'une partie du territoire syrien. Et les rebelles syriens utilisent désormais de l'armement lourd et des missiles anti-aériens. On peut ouvrir une parenthèse sur la Syrie. Le conflit en Syrie et au Mali nous rappelle étrangement la situation en 1975. Une guerre civile au Liban et un conflit armé au Sud-Ouest de l'Algérie, le Sahara Occidental. Ces mêmes conflits sont survenus après l'affaiblissement du tandem israélo-américain suite à la débâcle américaine au Vietnam et la guerre du Kippour en 1973. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. La visite de l'émir du Qatar à Gaza est autre indice. Il cherche à éloigner le Hamas, un parti sunnite, de l'orbite de l'Iran. Ceci étant, on peut dire que les préparatifs de guerre sont en train d'avancer discrètement. Cela se voit même dans le raid israélien contre des objectifs militaires en Syrie alors que ce pays est fortement éprouvé par la guerre civile. " Premier maillon de l'axe chiite " à briser, la Syrie livre des combats acharnés aux rebelles et aux groupes djihaddistes étrangers, soutenus par l'Occident et les pétromonarchies. De son côté, l'armée syrienne loyaliste est soutenue par ses alliés. On a donc une situation explosive où l'axe chiite Iran-Irak-Syrie-Hezbollah, soutenu par la Chine et la Russie, fait face à l'axe sunnite, pétromonarchies du Golfe-royaumes du Maroc et de Jordanie, Israël et Occident, auquel on tente d'allier l'Egypte,la Tunisie et la Libye. L'Algérie n'est pas dans ce cas de figure, par son histoire et sa guerre de libération, elle est opposée à toute forme de domination étrangère. A suivre... |