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Quoi qu'il en
soit, l'Assemblée nationale devrait regrouper tous les partis connus sur la
scène politique - toutes tendances confondues - aux lieu et place d'un savant
dosage obéissant beaucoup plus à des considérations d'alliances qu'à une
authentique carte politique issue du suffrage universel (souvent manipulé en sorte
que l'essentiel du pouvoir reste concentré entre les mains des décideurs
politiques, en leur qualité de géniteurs du système). C'est sans doute là une
réforme d'Etat d'avenir. Il est vrai que la vie politique et constitutionnelle
actuelle du pays s'apparente, par son caractère récidivant, à du
présidentialisme (dégénérescence du régime présidentiel) où le président de la
République croit avoir droit de vie et de mort sur la nation. Dans cette
perspective, il paraît évident qu'il existe, en Algérie, un déficit chronique
en matière d'équilibre des pouvoirs, dans la mesure où ce présidentialisme
(sorte de technologie constitutionnelle artisanale de pays encore rivés au
sous-développement politique) ; ce, par la grâce d'une gérontocratie qui n'a de
grand qu'une rhétorique démesurée et une attitude arrogante dont le populisme
est le moindre mal.
Constitution et projet de société Le système politique algérien qui repose sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République sans contrepoids réel (si ce n'est en coulisses par les «décideurs politiques» qui demeurent ses bailleurs de pouvoir) devrait évoluer vers un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une magistrature indépendante, une presse libre et une société civile structurée. En effet, pour prévenir des risques certains de l'autoritarisme et de l'arbitraire, les éléments que j'ai évoqués constituent le meilleur rempart afin de tempérer les abus d'un Exécutif envahissant. Il est vrai, à cet égard, que la société civile a été longtemps privée de son droit légitime à l'expression sous toutes ses formes, alors même qu'elle constitue par essence le vivier naturel pourvoyeur du personnel politique à même de décider du devenir de l'Algérie. Principal acteur de la vie politique, la direction de l'Armée - alors Conseil de la révolution - a conçu l'Etat en lui assignant un rôle majeur comme principal entrepreneur, banquier, employeur... Dans cette perspective, elle s'est constituée en structure gouvernante en s'attribuant des postes-clés dans l'ensemble des rouages du pouvoir d'Etat, se transformant en caste dominante sur l'échiquier et agissant tantôt de façon autonome (Conseil de la révolution), tantôt sous le couvert d'une personnalité cooptée issue de ses rangs (cas des présidents algériens depuis la succession de feu Boumediène, hors le cas de Boudiaf). Le ministère de la Défense nationale se révèle d'une importance capitale pour qui veut dominer l'échiquier politique, longtemps assujetti à la pensée unique. Il reste ainsi évident que pour promouvoir davantage le concept de démocratie, les tenants du pouvoir gagneraient à réaménager cette institution qui demeure incontournable, dans la vie politique algérienne. La réforme devrait consister en une professionnalisation en sorte que cette institution, nécessaire à la Défense nationale, puisse se consacrer, avec sa haute hiérarchie, à cette tâche dévolue au demeurant par la Loi fondamentale du pays. Et qui est loin d'être une sinécure (les cendres d'In Amenas sont encore chaudes)? Depuis longtemps, la question se pose de savoir comment la pensée politique algérienne va s'intégrer dans une autre logique ? En l'espèce, celle inaugurée par les orientations d'économie de marché et l'importance accordée, de plus en plus, au secteur privé dans l'ensemble des domaines, avec de nouvelles perspectives d'ordre politico-institutionnel suite à la remise en cause du parti unique (et davantage la pensée unique), la professionnalisation de l'Armée, l'émergence de la société civile comme acteur de la vie publique du pays... et d'ordre technico-juridique, notamment l'utilisation d'autres règles constitutionnelles telles que la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l'Homme et des libertés individuelles et publiques dont celle d'expression, primordiale d'entre toutes. Les douloureux « événements » d'octobre 1988 ont, pourtant, donné aux tenants des réformes, l'occasion de démocratiser la vie publique dont les citoyens auraient été les acteurs conscients ayant le libre choix de leurs gouvernants à travers la constitutionnalisation du multipartisme. La société civile - comme l'a montré ce que d'aucuns ont qualifié de «printemps arabe »- doit devenir l'acteur principal de la vie politique car détentrice de la souveraineté qu'elle délègue à ses représentants élus : Président de la République, Parlementaires, Maires. C'est, sans doute, là que réside la réponse à la fin de la « crise » que vit le pays qui subit un pouvoir en mal permanent de légitimité. Il devient, en effet, évident que les ressources politiques antérieures (le nationalisme et le populisme aux lieu et place du patriotisme et du débat contradictoire) ne suffisent plus face aux défaillances d'un système productif d'une bureaucratisation à outrance faisant le lit de la corruption à grande échelle (y compris au sommet de l'Etat), d'un fort taux de chômage de la jeunesse, d'une austérité pesante même à l'heure de «l'aisance financière », d'une paupérisation englobant les couches moyennes de la société, d'une clochardisation des cadres - y compris au prix de leur injuste incarcération -, d'une inflation qui court après le marché informel de la devise et autres produits de l'importation, d'un dessaisissement de l'Etat d'attributs économiques sans contrepoids réel de contrôle de la sphère économique par celui-ci... Dans ces conditions, pour permettre l'effectivité de la légitimation du pouvoir, avec à la clé, un véritable projet de société d'où découlera un programme économique et une politique culturelle et de communication efficiente, toute révision constitutionnelle (voire plutôt nouvelle et durable Constitution) se doit d'être convaincante par des arguments pertinents. Outre la limitation du nombre des mandats présidentiels - que les tenants du pouvoir ignorent superbement - avec pluralité de candidats représentant les tendances de la carte politique du pays et non les serviteurs du système, il y aura lieu d'inclure la responsabilisation du Chef de l'Etat et celle efficiente du gouvernement devant l'Assemblée. Si l'Algérie opte pour un régime parlementaire, le gouvernement aura à sa tête un Premier ministre désigné par le président de la République, au vu de la majorité effectivement élue. Bien entendu, cette option ne devra pas occulter la réflexion sur la l'utilité de la dyarchie au sommet et sur le bicaméralisme comme exposé supra. Car l'autre option demeure, à savoir adapter le régime présidentiel où le chef de l'Etat conserve cette prérogative, c'est-à-dire celle d'être la seule tête de l'Exécutif, avec élection, (et non désignation) d'un vice-président (auquel pourraient être confiées certaines missions, mais également pour pallier les cas de vacance de pouvoir, en cas de maladie, notamment, comme semble être actuellement le cas) et délégation de pouvoir assez élargie pour les membres du gouvernement, responsables devant les élus du peuple siégeant au Parlement. Ce sera un choix assumé pour rompre avec le présidentialisme en vogue en Algérie. Ainsi, pourra être réalisé un contrôle de la politique de l'Exécutif, donc celle du Chef de l'Etat ès qualité de premier responsable de la vie politique du pays. Ce, car il bénéficie de pouvoirs importants : il est le chef suprême de toutes les forces armées de la République (ministre de la Défense nationale) ; il nomme le chef du gouvernement, il pourvoit à tous les postes civils et militaires... Il dispose donc de tous les postes pourvus à ce jour par une élite faisant partie de la nomenklatura davantage que de la société civile militant dans des partis politiques, des syndicats, des ONG et des associations. Il est vrai qu'au regard des dispositions constitutionnelles actuelles, sa responsabilité n'est, à aucun moment, mise en cause si ce n'est à travers le Premier ministre qu'il nomme et destitue comme il le ferait avec un quelconque haut fonctionnaire. Et surtout, le président de la République conserve l'initiative de la loi concurremment au Parlement, donc pouvant court-circuiter celui-ci en légiférant par voie d'ordonnances qui devrait garder son caractère d'exception. Et dans l'édifice constitutionnel, si les partis politiques ne sont pas considérés comme en faisant partie, ils demeurent des éléments nécessaires à la vie politique. A cet égard, le multipartisme doit-il signifier une myriade de formations ? Il me semble que, compte tenu de l'orientation à insuffler au système politique (qui pourrait inaugurer l'ère d'une deuxième République), la réforme en la matière serait une solution qui pourrait aboutir soit à un bipartisme suite à la fédération de diverses tendances politiques (selon un schéma classique : parlementaire comme c'est le cas de la Grande-Bretagne avec les conservateurs et les travaillistes ou présidentiel avec les républicains et les démocrates, comme c'est le cas aux Etats-Unis) ou à un multipartisme (selon un autre schéma : régime qualifié de « semi- parlementaire » ou « semi-présidentiel » où l'essentiel du pouvoir demeure aux mains du seul président de la République dont le Premier ministre apparaît souvent comme un tampon entre lui et les autres institutions (principalement le Parlement) et comme un fusible pratique lors de mécontentements réitérés de la population. Dans cette perspective, l'aspiration à la démocratie, conçue comme moyen de résolution de la question du pouvoir autrement que par la violence, ne peut tolérer longtemps l'étouffement des libertés publiques et du droit à l'expression par l'incarcération des journalistes et la marginalisation des hommes de pensée et de culture (comme on l'observe régulièrement dans notre continent africain) avec, comme corollaire, l'existence de forces politiques autonomes (partis politiques, syndicats, ONG, associations) ayant leurs propres canaux de communication avec les citoyens (la télévision algérienne ayant vocation à être un véritable service public ouvert à tous et à toute forme de communication, y compris celle parfois impertinente). Ce faisant, le système politique doit être réaménagé en profondeur si l'on veut éviter d'autres explosions populaires qui demeurent le seul mode d'expression du mécontentement. Car à force d'étouffer les révolutions pacifiques, la violence risque de s'installer durablement comme elle l'a été dans un passé récent. Et avec elle, l'autre violence : la corruption dont les tenants ne se cachent plus pour vivre de façon ostentatoire (nouvelles féodalités politiques et économiques) et les différenciations socio-économiques flagrantes dues principalement à une répartition inéquitable du revenu national qui engendrent maintes frustrations, singulièrement du point de vue du logement et de l'emploi. L'originalité serait donc l'assimilation critique des notions de la modernité, de la démocratie, des droits de l'homme de la femme et de l'enfant, de l'alternance politique, de la liberté d'expression, du débat démocratique contradictoire et du respect de l'opinion de l'autre ; d'où l'urgence pédagogique qui consiste à permettre aux citoyens de se gouverner plutôt que d'être gouvernés, au moins à partir d'un choix facilité par le suffrage organisé de façon crédible, durable et honnête. Pour une deuxième République algérienne La problématique demeure la même depuis l'indépendance, face à l'absence de légitimité et au déficit chronique de démocratie : comment (ré)concilier les Algériens avec les impératifs de développement politique (l'exercice de la démocratie comme moyen politique à même de promouvoir la légitimité du pouvoir), le développement économique (impulser une politique efficace de l'investissement et rentabiliser le parc industriel existant dans le cadre d'une économie de marché encadrée, et par-dessus tout remettre à flots l'agriculture pour assurer l'autosuffisance alimentaire), le développement social (l'émancipation des travailleurs avec la mise en place d'une législation sociale plus conforme), le développement culturel (renouveau linguistique et remise à flots des créateurs dans l'ensemble des domaines artistiques) et la justice sociale conçue comme pierre d'angle de tout projet de société cohérent. Ainsi, la légitimité reposera sur la capacité du gouvernement à régler les problèmes des citoyens et à tolérer l'esprit critique (parfois caustique) de la presse conçue comme moyen majeur de communication au service de la société et non d'intérêts d'un régime, fût-il des plus progressistes. La solution possible, c'est la participation effective des citoyens à la gestion de la cité. En un mot comme en cent : instaurer une démocratie qui ne soit pas l'exclusif de la minorité au pouvoir, éviter que les hautes hiérarchies de tous les appareils d'Etat ne continuent de se reconstituer en clans et réseaux dominants qui verrouillent à chaque fois le système à seul dessein de servir leurs intérêts par une corruption endémique. En un mot comme en cent : des réformes sous-tendues par la Constitution conçue comme Loi fondamentale et non comme un fait de prince. Il est vrai que l'Algérie se révèle un véritable livre de sociologie à ciel ouvert, voire un immense divan à coeur ouvert. Il est vrai également que dans nos villes règne -outre une immense tristesse- une ambiance de sous-développement observable à l'oeil nu : désoeuvrement manifeste des jeunes, transport urbain des plus sommaires, immeubles vétustes à côté de constructions quasi-pharaoniques... D'où l'urgence de revoir les principes de cette doctrine et de réviser la pratique politique suivie à ce jour. Ci-après quelques propositions. Remplacer la «légitimité révolutionnaire» par la compétence Après l'expérience autogestionnaire de feu Ben Bella, le Conseil de la révolution institué par la proclamation du 19 juin 1965 avait entendu «rétablir la légitimité révolutionnaire» par la réorganisation de l'Etat avec maintien de l'option «irréversible» du socialisme. Cette proclamation de foi n'a pas résisté à l'épreuve des faits. Le violent réquisitoire établi par feu Boumediene a perdu de sa signification tant il s'avère que la pratique politique suivie par le Conseil de la révolution, conçu comme structure gouvernante, fut davantage la représentation des intérêts d'une caste (une oligarchie constituée par les «seigneurs de la guerre») que l'expression de l'intérêt national. Après avoir rompu le cours de la légitimité constitutionnelle établie par la Constitution de 1963, ce Conseil s'est prévalu de la «légitimité révolutionnaire» ayant abouti à l'institutionnalisation d'un pouvoir central avec hégémonie du président de la République, ministre de la Défense nationale, secrétaire général du FLN de fait et législateur par voie d'ordonnances. La personnalisation du pouvoir est reconstruite autour de cette «légitimité» préfigurant ainsi les effets nuisibles de la stratégie de développement suivie alors : endettement excessif entraînant une dépendance financière certaine avec un mal développement visible, tensions sociales à l'intérieur (grèves des ouvriers et des étudiants), économie grippée (l'agriculture n'ayant pas eu les faveurs du régime et l'industrie n'ayant pas subi les effets d'entraînement escomptés), marasme culturel et interrogations sur l'histoire algérienne et l'identité nationale évacuées sine die. Aujourd'hui, nous sommes à tout le moins face à un pouvoir autant autiste qu'empreint d'autoritarisme. D'aucuns thuriféraires pourraient penser du système politique algérien qu'il s'agit là d'un processus pragmatique ayant abouti à l'élaboration de la Charte nationale analysée comme un programme de gouvernement et la promulgation d'une constitution aux fins de légitimation. Ainsi, la «légitimité constitutionnelle» aurait succédé à la «légitimité révolutionnaire». Or, ces textes ont cristallisé l'unicité partisane comme pierre d'angle du système politique algérien, la direction de l'Armée jouant un rôle politique majeur (les membres du Conseil de la Révolution ont tous siégé ipso facto au bureau politique du FLN). Et la pratique politique et les diverses Constitutions algériennes consacrent le président de la République comme le véritable détenteur du pouvoir, sans de véritables contre-pouvoirs apparents. La participation démocratique des citoyens à la gestion des affaires publiques est réduite à la portion congrue. Nous sommes en présence d'un capitalisme d'Etat périphérique dirigé par une techno-bureaucratie civile et militaire où le chef de l'Etat est titulaire d'impressionnantes attributions. L'intronisation de feu Chadli Bendjedid, alors primus inter pares, par la direction de l'armée et du FLN comme candidat unique à la présidence de la République, consacre la confusion des pouvoirs en vue de l'appropriation de la principale rente énergétique du pays par la haute hiérarchie du complexe militaro-bureaucratique constituée en technostructure gouvernante illégitime. La situation n'a pas été fondamentalement modifiée nonobstant l'appel à feu Mohamed Boudiaf dont le projet fut caractérisé par l'idée de restauration de l'autorité de l'Etat, de rupture radicale avec les hommes et les pratiques de l'ancien système, de prise en charge des problèmes sociaux les plus aigus et de l'espoir à redonner aux jeunes. Son thème de prédilection -la corruption- (qui lui coûta la vie ?) est clairement affiché. Feu Mostefa Lacheraf a pu dire de lui : «Les critiques envisagées dans le projet de Boudiaf ne pouvaient satisfaire ni le pouvoir succédant au grand disparu, ni les groupes politico-religieux». La situation n'a pas plus radicalement changé avec ses successeurs, les compétences nationales continuant à être marginalisées. Mettre fin au populisme et au culte de la personnalité Le populisme et le culte de la personnalité semblent être les caractéristiques dominantes du pouvoir algérien. Les bailleurs du pouvoir s'accommodent de l'état résiduel de la démocratie en Algérie alors que la corruption d'Etat s'étale désormais à ciel ouvert. Les élections qui s'y succèdent confortent davantage l'illégitimité du pouvoir. Ainsi, l'Algérie a continué en vain d'épuiser plusieurs régimes en vue de résoudre l'équation quasi-inamovible du pouvoir, les ressources politiques antérieures (le nationalisme et le populisme) ne suffisant plus pour pallier les carences en démocratie. Que faire face aux défaillances du système productif : bureaucratisation à outrance, fort taux de chômage, austérité pesante, paupérisation englobant les couches moyennes de la société, clochardisation des cadres, inflation qui court après le marché informel de la devise, dessaisissement de l'Etat d'attributs économiques sans contrepoids réel de contrôle de la sphère économique par celui-ci, gestion dominée par le phénomène de la corruption, du bazar et de la rente (il faut désormais ajouter la «planche à billets» annonciatrice d'une forte inflation) ? In fine, comment résoudre la question du pouvoir en Algérie afin d'assurer une légitimité aux gouvernants et conférer une assise définitive et durable aux institutions et aux hommes et femmes qui les dirigent ? Comment s'inscrire dans la remise en cause de la pensée unique, la dépolitisation de l'armée par sa professionnalisation, l'émergence de la société civile comme acteur de la vie publique du pays ? Comment faire usage de nouvelles règles constitutionnelles telles que la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l'homme et des libertés individuelles et publiques ? Telle est la problématique en vue de débarrasser l'Algérie de l'idéologie obsolète enrobée de «légitimité révolutionnaire» tant notre pays a été sévèrement malmené par nos tyranneaux qui cultivent à satiété le culte de la personnalité et pratiquent à foison le populisme. Depuis les «événements» d'octobre 88, l'Algérie est en quête d'une nouvelle légitimité par une recomposition du champ politique caractérisé par un pluralisme politique jusque-là contrôlé, sur fond de paupérisation et d'extraversion du système économique. En vain, feu M'Hammed Yazid a pu plaider pour l'»élimination» du marché politique des gens de sa génération. Par son caractère récidivant, cette situation s'apparente à du présidentialisme où le président de la République demeure constitutionnellement la clé de voûte des institutions politiques du pays. Nous sommes toujours face à un sous-développement politique chronique par la grâce d'une gérontocratie qui use d'une rhétorique démesurée et affiche une attitude arrogante et un populisme à tout crin. En effet, le système politique algérien repose toujours sur un déséquilibre institutionnel établi au profit du président de la République sans contrepoids réel, à savoir : un Parlement qui reflète un pluralisme politique authentique, une Magistrature indépendante, une Presse libre et une Société civile structurée. Cette déviation du régime présidentiel génère l'autoritarisme et l'arbitraire. Il est vrai, comme précisé supra, que les Constitutions algériennes consacrent le président de la République comme chef réel du gouvernement, chef suprême des Armées et de l'Administration. La pratique politique depuis octobre 88 n'a pas modifié cette donnée puisque cette situation a perduré du fait de l'aménagement du pluralisme octroyé, suite à la période du monopartisme, en système de parti dominant. Remettre en cause l'Etat de l'état d'urgence Pour rappel, l'Etat algérien a proclamé l'état de siège en juin 1991 et plus tard l'état d'urgence en 1992. C'est ainsi que, courant février 1992, cet état a été reconduit d'année en année. Question : l'état d'urgence peut-il se justifier par le gouvernement algérien ? Si risque il y avait alors, pouvait-il constituer à lui seul un péril imminent sur la nation sachant que, par hypothèse, l'Etat a les moyens légaux pour éventuellement y faire face relativement au maintien de l'ordre public ? Faut-il stopper le processus de démocratisation de la vie politique pour maîtriser la situation et déroger ainsi aux droits fondamentaux de l'homme ? Il me semble que l'Etat dispose de la police et de l'armée, ainsi que de l'Administration et de la Justice (voire de la radio et de la télévision) pour maintenir l'ordre public sans avoir recours sine die à l'état d'urgence et la mise en veilleuse des libertés. De même, l'Etat dispose de moyens d'action légaux ; ainsi, la Constitution de 1989 (et les Constitutions subséquentes) attribue suffisamment de prérogatives au président de la République pour éviter tout péril imminent de la nation. Il peut, entre autres, dissoudre l'assemblée nationale élue et légiférer par voie d'ordonnances. Durant l'état d'urgence, une donnée majeure et permanente : l'emprise du chef de l'Etat sur toutes les institutions. En ce sens, l'Algérie a construit une forme de césarisme comme sus-exposé qui a verrouillé tout droit à l'expression à l'opposition. Sous feu Bendjedid, une forme de multipartisme a été octroyé pour générer un système de parti dominant; ce, conjugué à la pratique d'un libéralisme débridé ayant contribué à la constitution de fortunes financières, immobilières et foncières. Sans rupture déterminante (la Constitution de 1996 ayant eu tout de même le mérite de consacrer sur le texte l'alternance au pouvoir par la limitation des mandats présidentiels à deux quinquennats. La Constitution de 2008 a mis fin à la limitation de la durée des mandats présidentiels et à l'alternance au pouvoir préfigurant l'Etat de droit. Désormais, l'Algérie a vocation à devenir une monarchie avec à sa tête un autocrate confirmé par des élections aussi formelles qu'inutiles, avec l'assentiment de la «grande muette». Congédier l'oligarchie au pouvoir Le système politique algérien, défini comme une oligarchie, laisse transparaître un pouvoir politique fondé sur la prééminence de quelques « décideurs » qui s'affirment comme des ploutocrates ayant érigé la corruption en mode de gouvernance. Dans ce contexte sont apparues de plus en plus des affaires politico-judiciaires : Banque commerciale et industrielle d'Algérie (BCIA), Affaire Khalifa, Sonatrach et tant de scandales financiers liés tantôt au secteur des hydrocarbures comme principale valeur du pays, tantôt au secteur de l'immobilier et du foncier... Dans ce même contexte, le Trésor public est géré comme une tirelire personnelle selon les caprices des princes du moment et les principaux rouages de l'Etat (gouvernement, assemblée, armée, partis...) sont exclusivement aux mains de la gérontocratie. Que faire ? Réformer sérieusement et d'urgence le système politique algérien et mettre aux orties la pensée unique et l'idée de parti dominant toujours en vogue (y compris sous forme d' «alliance présidentielle »), la quasi absence de l'opposition sur la scène confirmant le déficit démocratique en Algérie. Aussi, comme exposé supra, il faut avoir l'audace de s'engager dans la voie de la réforme du système politique pour redessiner le profil des institutions politiques algériennes et redéfinir les prérogatives de celles-ci en vue d'asseoir un équilibre des pouvoirs. Dans cette perspective, il y a lieu de mettre un terme à un exécutif inutilement bicéphale (la dyarchie Président de la République/Premier ministre) et de consacrer l'équilibre des pouvoirs afin d'éviter de s'enfermer dans un schéma d'autoritarisme caractérisé. Ce faisant, procéder à l'institutionnalisation d'un réel contre-pouvoir au sein des institutions de l'Etat, permettre à la société civile de veiller aux droits de l'homme et à la construction de l'Etat de droit et à la liberté d'expression (presse et culture, faire bénéficier le Parlement de prérogatives à même de lui permettre de contrôler de façon efficiente la politique du gouvernement franchement dirigé par le président de la République, s'interroger légitimement sur l'existence d'une seconde chambre et permettre la mise en place de commissions d'enquêtes (par exemple concernant les affaires de corruption). En un mot comme en cent, mettre fin au système reposant sur les «décideurs politiques» qui demeurent des bailleurs de pouvoir. A suivre |