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Alors que l'état
de vacance du Pouvoir tarde à être acté officiellement, des voix de plus en
plus nombreuses s'élèvent pour aller vers une constituante afin de sortir le
pays d'une crise politique ouverte et paroxystique. En revanche, et arguant de
l'ouverture proche des urnes à l'élection présidentielle, d'autres voix, non
moins déterminées, invitent à saisir l'occasion d'une possible transition et
ce, via un bulletin à dédier à une candidature sérieuse.
Faire table rase du passé pour fonder une autre république ou composer sur inventaire avec les forces «agissantes» afin de refonder une seconde république? Pour les connaisseurs de l'histoire contemporaine du pays, ce n'est pas la première fois que l'on a tenté de poser cette question décisive relative au sort du pays. Le contexte n'est plus le même. C'est la rue qui porte et qui impose, à présent cette question, et ce, depuis le 22 février 2019. Le Pouvoir déconfit s'est fissuré, entraînant dans une débâcle apocalyptique toutes les institutions anémiées du pays. L'Etat est au bord de l'abîme du fait d'une longue crise politique qui nourrit toutes les autres crises qui paralysent le pays. Tout le temps perdu du fait de l'inertie opportuniste des uns et des ergotages des autres coûterait cher au pays au vu des menaces qui l'entourent. En ces circonstances d'urgence extrême, comment ne pas se rappeler les nombreux témoins crédibles de ce que fut le drame algérien à ses débuts, un drame tant de fois réédité depuis. L'exacerbation des tensions autour de pseudo-querelles identitaires réveillées par un étrange hasard, pour le leurre tacticien, conduirait la nation toute entière au point de rupture de type libyen, si l'on n'y prenait pas garde. Le problème est autre, répond le raisonnable citoyen lambda. En engagé à durée indéterminée pour la cause nationale sans nuances discriminatoires, le père fondateur du FFS n'a jamais cessé de revendiquer l'élection d'une assemblée constituante afin que puissent avoir lieu les nécessaires réformes politiques devant permettre la construction d'un Etat de droit. Sa revendication longtemps ignorée est reprise, entonnée et martelée par des jeunes qui s'en inspirent massivement. Il avait d'ailleurs, très tôt, mis en garde contre les dissensions téléguidées entre ce qu'on appelait le pôle politique et le pôle militaire du mouvement révolutionnaire. Aujourd'hui, ces deux pôles ont été gangrénés par l'affairisme. Bien sûr, l'Algérie politique du présent n'est pas dans les termes de sa sortie du colonialisme, le consensus autour de l'accession à l'indépendance était alors unanime pour faciliter en principe l'avènement d'une république aux deux attributs: démocratique et populaire, mais ce résultat fut de courte durée. Les scories du système colonialiste ont piraté la matrice de l'Etat naissant. Des figures historiques ont avoué que l'Etat est séquestré par un cabinet noir, que l'on n'a pas cessé d'œuvrer au bâillonnement des patriotes sincères et au laminage des bonnes volontés qui auraient pu faire élargir le socle social de l'Etat naissant. Le bilan est désastreux. Il n'y a d'activité politique que simulacre, de partis politiques que des gadgets, d'institutions que des coquilles vides. On assiste à de l'improvisation, à un piètre amateurisme, en avant toute pour une fuite en avant alors que l'impasse financière est imminente. Comme le ridicule, l'artificiel n'a pas de limite, nous assistons effarés à la production surabondante de billets par une planche à billets qui tourne à la folie. Les historiens accrédités ont préféré le mythe et l'onirisme à la réalité historique, cependant, les mémoires n'ont pas été anesthésiées, mieux encore, elles se sont transmises de génération en génération in utérus. La question est portée et réactualisée à même la rue par une jeunesse exubérante qui veut mettre un terme à l'humiliation comme celle de devoir quêter un visa auprès des guichets européens ou être repêché par des «Aquarius» en Méditerranée. Une refondation politique et morale pour stabiliser et réenraciner la jeunesse dans le pays. Pour les tenants de la Constituante, le pays est déjà devant le fait accompli avec une Constitution à l'agonie, devenue totalement inopérante, en raison de l'absence sine die du chef de l'Etat, d'une part, et, d'autre part, de la paralysie des institutions qui en sont issues, dont le Conseil constitutionnel qui se fait plus absent encore. Comment en est-on arrivé là ? Une succincte rétrospection pour éclairer ce présent aussi surréaliste qu'agité. Au cours de la précédente décennie, l'équation du pouvoir a été reconfigurée pour neutraliser une redoutable variable. En effet, face à d'éventuelles incursions directes et indirectes de la muette dans un régime politique non encore stérilisé contre le mal caporaliste, la pièce maîtresse de l'échiquier, à savoir la Constitution, a été substantiellement remaniée pour verrouiller le système. Pour celui qui a patiemment attendu son heure pour daigner accepter la délicate charge de redorer le blason du régime politique après une guerre civile meurtrière de près de dix ans et dont les comptes ne sont pas encore soldés sous la chape de plomb; pour ce personnage hors pair, une exigence en guise de réponse cash aux quêteurs : tout ou rien ! En maître du jeu, il a signifié son refus d'interpréter un président aux « trois-quarts». Et, c'est en fin connaisseur du côté obscur de la faune politique locale, de l'immobilisme d'une société civile entravée, des séquelles indélébiles occasionnées par le naufrage du jadis prospère appareil productif étatique, de la passivité née de l'assèchement de la fibre du militantisme et plus encore des jeux troubles des chancelleries occidentales, que l'impétrant a pu exiger de ses interlocuteurs, toutes les garanties pour une occupation paisible et sans partage du palais présidentiel, en concentrant sous son imperium l'ensemble des leviers du pouvoir. Les très gros moyens financiers générés par un baril de pétrole bien rémunéré, disponibles au bon moment, ne pouvaient que faciliter la réussite de l'ambitieux challenger. Tout était au beau fixe et tout le monde fut de cette cuvée, y compris les plus lointains partenaires commerciaux dont ceux en Asie orientale ! L'euphorie de l'abondance des ressources financières a conduit à un gaspillage effréné des avoirs extérieurs dans des importations massives de biens de consommation courants, de produits de luxe et de véhicules de tourisme mais aussi aux fuites massives de capitaux vers l'Occident. En 2014, deux inconnues aux lourdes et insidieuses conséquences vont déformer cette fresque pathétique. Ces conséquences seront méprisées par incompétence des zélateurs et refoulées par déni ou par peur, par les cercles rapprochés du prince, qui se sont laissés foncièrement enivrer par un pouvoir corrupteur et paranoïaque. En dépit d'un rigoureux suivi médical, l'AVC frappe le génie et c'est le cerveau du système qui en est atteint. La déliquescence est désormais en route. Le contexte s'aggrave avec le prix du baril noir qui amorce sa descente inexorable sur le marché mondial, mettant à nu un pays vivant exclusivement de l'exportation de ses produits miniers et qui est resté en marge de la chaîne internationale de partage des valeurs ajoutées. Argent et Pouvoir se sont mêlés jusqu'à la collusion orgiaque. Un argent massivement soustrait des caisses de l'Etat et des banques publiques pour des pseudo-projets, majoritairement opaques, dispendieux et fantasques, alliant une partie de la classe dirigeante à des prête-noms et à des portefaix, quand d'autres fonds ont carrément été exfiltrés pour regagner les circuits internationaux de blanchiment de l'argent au nez et à la barbe des autorités de contrôle. Après le sursaut inouï et courageux des foules, il faudra bien régler ce problème. Politiques, hommes et femmes de bonne volonté, accomplissez votre devoir ! |