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Le progrès à géométrie variable

par Abdou BENABBOU

On ne sait pas comment régler le fameux baromètre qui évalue les significations données toujours trop à la légère à la démocratie et encore moins au développement. Les montées et les descentes des curseurs sont caractérisées par les démentis des réalités sociales évidentes qu'il est aisé de conclure à leur virtualité. La graduation accordée au progrès produit souvent des relents de tyrannie selon les compréhensions, les intérêts particuliers des Etats et les bousculades politiciennes que l'on inscrit dans le jeu géopolitique.

Le présent existentiel des sans-abris newyorkais et parisiens ne diffère en rien de celui des paysans affamés des contrées profondes du Congo. Les uns comme les autres sont unis dans un même sort. Sauf que les uns comme les autres ne donnent pas la même identité à la chaleur. Ceux du Nord la réclament et les autres la damnent. Mais la douleur et le désespoir qu'elle leur impose sont les mêmes. La mal-vie est leur pain quotidien. Tous deux dorment par terre et sont familiers avec la rudesse du sol et avec le vide du ventre.

Alors dans l'existence de chacun la relativité s'impose. Chez les peuples nantis, on confond le petit confort à de la misère et chez ceux totalement démunis on se gave d'espoirs, de courage et d'envies. La nature humaine est ainsi faite.

Il nous arrive de réclamer à corps et cris des desserts alors qu'au fin fond de l'Afrique des populations entières assoiffées quémandent en silence de l'eau à boire. Il faut s'être imprégné du désarroi presque létal de nombreuses familles africaines pour bien comprendre ce besoin viscéral qu'a chacun de leurs membres de braver les mers. Non pas pour une vie meilleure, mais seulement pour une dose de répit. Dans certaines contrées, vivre avec ses enfants en haillons à la belle étoile n'a rien d'une poésie.

On comprendra mieux pourquoi une noyade en mer vaut mieux qu'un inqualifiable calvaire sur terre.