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La route et la visibilité de la détresse

par Abdou BENABBOU

En divers lieux du territoire national, la route s'est évertuée à endosser la palme du drame durant cette dernière semaine. Les accidents sont dorénavant couverts d'euphémismes déroutants et le mot accident perd totalement son sens d'événement fortuit et inattendu. Avec les catastrophes qui se multiplient, on a maintenant l'impression que la mort et les deuils sont programmés et que les inadvertances tragiques sont presque planifiées.

On durcit les lois et on les peaufine. On suggère un nouvel apparat pour le permis de conduire. On surchauffe la sévérité de la maréchaussée. Mais une nouvelle culture du comportement n'a de cure à accorder une attention à la colère des anges gardiens en uniformes et reste prédisposée à l'écoute des démons. L'état des routes, le non-respect du code de conduite, la météo sont outrageusement mis en cause et à mauvais escient pour justifier les énormes conséquences d'un phénomène allant en s'amplifiant alors qu'il relève d'un état d'esprit que des conducteurs drogués par leurs égos malfaisants ont adopté.

Ce n'est même plus l'incivisme qui les caractérise mais il s'agit d'une franche et suicidaire conduite de vie.

Le danger est que les drames routiers témoignent d'un profil humain déphasé de certains manipulateurs de moyens de transport dont le comportement obéit au domaine de la psychanalyse. Le partage de l'espace commun s'en trouve sérieusement perturbé. La route est le premier terrain où se manifeste le déréglage du partage de la vie. Ce déréglage est perçu en d'autres espaces de proximité. On le retrouve chez les mécaniciens et les plombiers auto-déclarés. Dans les petites et grandes maladresses de l'administration. Dans les ménages où le manque de savoir-vivre et les gaucheries sévissent pour que les tragédies trouvent leurs aises.

La route finalement n'est qu'un des terrains propices où se manifeste la visibilité de la violence grandissante d'un monde entier en détresse puisque ses dégâts ne sont pas une particularité algérienne.