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Qui a peur de l'Afrique du Sud ?

par Abdelkrim Zerzouri

Pourquoi la visite de l'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara, Staffan de Mistura, en Afrique du Sud a-t-elle subitement fait perdre au Maroc son assurance sur les développements enregistrés par le dossier du Sahara occidental, sur le plan international ?

La visite en question a provoqué une levée de boucliers au sein de la diplomatie marocaine, qui a vivement protesté contre le déplacement de M. Mistura, en Afrique du Sud, allant jusqu'à se plaindre auprès de l'ONU à ce propos. Mais, déception sur déception, le porte-parole du Secrétaire général, Stéphane Dujarric, a justifié ce déplacement, expliquant que « Staffan de Mistura était libre de parler à qui bon lui semblait, peu importe la position du Maroc ou de l'ONU ». Cela n'a fait qu'exacerber l'embarras au sein des diplomates marocains, jusqu'au ministre marocain des Affaires étrangères, qui semble avoir perdu de sa verve dans ce dossier, voire perdu la boussole pour couper les ponts avec l'envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara.

Selon des médias marocains, le Maroc aurait rompu les contacts avec M. Staffan de Mistura, en s'en tenant à la proposition marocaine d'autonomie comme « seule et unique solution au conflit ». Les masques tombent et le Maroc affiche sa position dans ce dossier, qui n'est pas celle qu'il a montrée en accueillant l'envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies pour le Sahara, avant sa visite en Afrique du Sud. La tournée de M. Mistura dans la région s'est déroulée presque en toute sérénité, faisant nourrir son espoir de relancer le processus politique autour de ce dossier du Sahara occidental, mais le Maroc a fini par étouffer cet espoir en montrant qu'il veut imposer une orientation du débat et ses acteurs, excluant l'Afrique du Sud. Et puis, si « l'Afrique du Sud n'a pas l'habilité ni la capacité d'influencer le dossier (Sahara occidental) », comme l'a dit le ministre marocain des Affaires étrangères, en réaction à ce déplacement de M. Mistura, pourquoi alors toute cette effervescence dans le sillage de cette visite ?

Pretoria fait-elle à ce point peur au Maroc ? L'Afrique du Sud a toujours considéré le dossier du Sahara occidental comme une affaire de décolonisation, soutenant ouvertement le droit à l'autodétermination, sans que cela ne dérange outre-mesure le Maroc, jusque-là, mais aujourd'hui, l'évolution des équilibres géopolitiques a donné du poids à l'Afrique du Sud, notamment après la récente victoire contre Israël auprès de la Cour internationale de Justice (CIJ), et des soucis pour le Maroc, qui craint de subir le même sort que son allié israélien. Sinon, le dossier du Sahara occidental est sur la table du SG de l'ONU, et le soumet périodiquement aux membres du Conseil de Sécurité, pour dire que ce dossier n'échappe pas à l'avis et aux résolutions des Organisations internationales, dont le plan de règlement conjoint de 1991 (ONU-OUA), en tant que seul accord accepté par les deux parties au conflit et endossé, à deux reprises, par le Conseil de Sécurité, et auquel s'en tient l'Algérie.