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Le
Forum des Pays exportateurs de gaz (GECF) qui tient cette fois-ci la session de
son sommet à Alger, du 29 février au 2 mars prochain, à en croire les intenses
préparatifs, semble d'ores et déjà partir de bon pied. L'enjeu de la bataille
de promouvoir les bienfaits du gaz comme énergie propre du 21ème siècle
nécessite une cohésion de tous les membres. Dissiper les malentendus devient
donc impératif. Pourquoi Alger ? Historiquement, les rencontres de ce niveau à
Alger ont été politiquement porteuses d'espoir et de paix, économiquement
fructueuses et sociétalement rassembleuses. Au point
où parfois elles attirent des envieux comme l'Accord du Mali dont la portée
stratégique a été mal comprise par la nouvelle autorité malienne, peut être
brouillée d'ailleurs. Mais le devoir de bon voisinage, la convivialité et la
transparence dans ses relations entre voisins et l'international, l'Algérie en
fait un principe cardinal. Depuis son indépendance et sur le plan politique,
l'Algérie a été à l'origine de plusieurs accords notamment africains et entre
pays frères arabes. Citons au passage son rôle très actif dans le Nepad et l'Union africaine, on se rappelle du règlement des
conflits Ethiopie /Erythrée, la paix en Somalie, la réhabilitation de la Libye,
sa médiation au Soudan et entre l'Iran et les USA, etc. Ensuite sa capitale,
Alger a abrité plusieurs accords historiques dont celui du 6 mars 1975 par un
traité signé entre l'Irak et l'Iran, à propos de la dispute sur la démarcation
de la rivière frontalière de Chatt-el-Arab. Un autre point-clé des accords est l'arrêt du soutien
iranien aux Kurdes luttant contre le régime irakien. Il faut rappeler pour les
circonstances que l'Algérie est restée neutre et a appelé à des médiations
entre le Qatar et l'Arabie saoudite et prend une mesure fermement indépendante
dans la situation En donnant les problèmes historiques avec le Qatar et
l'Arabie saoudite, l'Algérie n'a favorisé personne dans le conflit. Le Qatar a
apprécié la position de l'Algérie et l'a qualifiée d'honorable. Sur le plan
énergétique, la baisse du prix du pétrole de 2014-2016 qui a débuté à partir de
l'été 2014 lorsque le prix du pétrole a baissé significativement, cette
tendance se poursuivait jusqu'en 2016. Cette baisse des prix traduisait un
déséquilibre sur le marché pétrolier. En effet la production pétrolière
mondiale est en surproduction pendant cette période, c'est-à-dire que l'offre
est supérieure à la demande. Cette baisse des cours s'inscrivait dans un
contexte géopolitique et économique particulier : ralentissement de l'économie
chinoise, baisse de la demande mondiale, retour de l'Iran dans les échanges
internationaux, et surtout rivalité entre les États-Unis et l'Arabie saoudite
pour le contrôle des marchés . Étant donné la place du
pétrole dans l'Economie mondiale et son importance géostratégique, une telle
baisse induit de multiples conséquences. L'Arabie saoudite voulait essayer de
donner le coup de grâce à ses concurrents producteurs de pétrole de schiste,
elle a inondé le marché de pétrole qui a vu une baisse drastique de son prix. A
cette époque, l'économie du royaume a été jugée capable de résister à cette
baisse mais pas les petits producteurs dont les recettes pétrolières et
gazières financent leur circuit économique et social. Durant la même période,
ces petits producteurs, étaient impuissants d'intervenir dans cette guerre des
prix entre les grands, à l'exception de l'Algérie et du Venezuela dont les
budgets ont été très impactés par cette baisse des recettes ont tout fait pour
aboutir à Alger à deux accords historiques en 2016. Le premier concerne un
renfort de 10 pays producteurs non OPEP à savoir : Azerbaïdjan, Bahreïn,
Brunei, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Russie, Soudan et Soudan du Sud.
Cette alliance est connue désormais sous le nom d'« OPEP+ ». Le deuxième
accord, au terme d'une réunion de près de six heures et de plusieurs semaines
de tractations, l'OPEP a annoncé un mercredi 29 septembre 2016, tard dans la
soirée, avoir décidé de ramener sa production à un niveau de 32,5 à 33 millions
de barils par jour, contre 33,47 mbj en août, selon l'Agence internationale de
l'Energie (AIE). Depuis, l'OPEP+, fait l'équilibre entre les petits producteurs
et les grands qui ont un droit de veto dans cette organisation.
1- Une divergence de vue est apparue subitement Le contexte actuel du marché gazier est perturbé par des divergences de vue entre producteurs, représentés par l'OPEP et les consommateurs chapotés par l'Agence Internationale de l'Energie (AIE). Nous détaillerons cette divergence plus loin. Les membres du GECF, pour la plupart, vendent leur gaz sur la base des contrats longs termes dont le prix est indexé sur le pétrole. Le statut du GECF n'est pas restrictif comme l'est celui de l'OPEP. En dépit qu'il existe des membres comme l'Iran, la Russie et le Qatar détendeurs de grandes réserves mais ne disposent d'aucune influence sur les autres membres qui restent libres d'aller vendre dans le spot s'ils désirent et n'ont aucun droit d'obliger ceux qui optent pour les contrats longs termes à les abandonner. La mission du GECF est vulgariser à travers les bienfaits du gaz naturel dans le seul dessein de trouver une plateforme « de coopération et de dialogues » avec les consommateurs dans un cadre Win - Win tout en contribuant activement au développement durable et à la sécurité énergétique mondiale. Il reste, bien entendu, que le GECF ne défend pas mais soutient fermement « les droits souverains des 12 pays membres sur leurs ressources en gaz naturel ». Pour concrétiser cette mission, le GECF adopte une démarche constructive et concertante avec ses partenaires les sensibilisant sur le rôle du gaz naturel dans le développement durable tout en suivant « le progrès économique, social et environnemental.» Promouvoir le gaz naturel dans le contexte actuel notamment climatologique. Montrer et « renforcer » toute sa disponibilité pour favoriser le dialogue énergétique. Quelle est la toile de fond de cette divergence dans les perspectives de l'évolution du marché des Energies fossiles et le gaz entre autre ? Cette divergence est apparue avec les perturbations du marché de l'Energie durant la période de la pandémie de la Covid-19 qui a débuté en décembre 2019 et se sont prolongées avec un flottement inédit sur l'offre énergétique mondiale, mais s'est développée dans l'autre sens du côté de la demande, début 2022 avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie qui a créé un contexte d'une crise macroéconomique et une inflation élevée parfois même frôle la stagflation. Dans ce contexte, le discours d'un côté comme de l'autre a changé. L'AIE et ses partisans y voit un ralentissement de la transition énergétique, déprécie les efforts de décarbonation des producteurs à laquelle elle n'y croit plus. Ses partisans sont donc, venus déterminés à Doha, lors de la COP28 pour appeler à une réorientation des investissements dans les fossiles et tripler ceux qui mènent vers une réelle transition énergétique qui tarde dans sa progression. De l'autre côté, les producteurs fortement soutenus par les industriels, veulent continuer avec plus d'énergie fossile et moins d'émission de carbone poursuivant le processus de décarbonation. Il faut dire que cette COP 2028 s'est terminée avec un compromis difficile : celui de sortir des énergies fossiles mais progressivement en faisant des efforts pour tripler en comparaison de la situation actuelle l'énergie renouvelables (EnR) et un autre double dans l'économie d'énergie. Mais si cet accord a agréé les producteurs, l'AIE n'a pas encore appeler à libérer les investisseurs qui restent hésitants de s'aventurer dans les énergies fossiles. Les conséquences sur le terrain restent visibles, à l'œil nu : les offreurs du gaz n'ont pas changé de configuration mais constatent sans comprendre une chute drastique des prix du gaz notamment en Europe, en hiver et bien que la guerre en Ukraine s'intensifie. Ce qui est paradoxal. Le prix du gaz a chuté à 28 euros le méga/wattheure (MWh) ce mois de février 2024. Soit loin des 55 euros /MWh de novembre 2023, mois à partir duquel la baisse a été quasi continue. Pour rappel, fin août 2022, un pic avait été atteint avec 277 euros / MWh, avant que les cours ne fluctuent entre 80 et 50 euros / MWh pendant toute l'année 2023. En termes simples avec les unités utilisées par les producteurs, le million de British Thermal Unit (MBTU) vaut 8,24 euros le MBTU ou 0,29 euros le m3 2- Quelle est la contribution de l'Algérie dans le GECF ? Il faut rappeler que l'Algérie jouit d'une expérience appréciable dans l'exploration, production, transport et commercialisation du gaz naturel. Elle est la première au monde à avoir construit une unité, peu de temps après son indépendance qui liquéfie le gaz naturel pour le transporter liquide dans les méthaniers sur les longues distances. Elle maitrise les quatre procédés de liquéfaction. Elle a associé tous les pays africains et pas que, 2 années après son indépendance, à des formations dans le domaine pétrolier et gazier dans un Centre en partenariat avec l'URSS dit Centre Africain des Hydrocarbures et de Textiles (CAHT), aujourd'hui transformé en une université. Spécialement pour le gaz, elle lui a dédié tout un département en partenariat avec les Américains à l'Institut Algérien du Pétrole (IAP), aujourd'hui sous l'égide de Sonatrach. Les cadres formés dans le gaz sillonnent le monde notamment au Moyen-Orient. En amont, elle a fait un exploit mondial de donner au gisement de gaz Hassi R'mel', l'un des plus grands au monde, un troisième souffle après 63 ans de production par les procédés de « boosting » dans sa phase 3. Elle est très appréciée en Europe ; son marché traditionnel pour être qualifiée par l'Union Européenne de « fiable » parce qu'elle a montré qu'on peut compter sur elle pour l'approvisionnement de ses clients et respecte les clauses contractuelles à la lettre. Connue par le monde qu'elle ne croise pas la relation politique avec celle commerciale, la preuve est donnée par l'Espagne, en dépit d'une divergence de vue, elle est, à ce jour, son premier fournisseur avec près de 30% de ses besoins en gaz aussi naturel que liquéfié. Partant, l'UE est prête aujourd'hui et elle y tient à consolider et développer ses relations avec l'Algérie. Cette position favorisée en Europe servira de courroie de transmission pour instaurer ce dialogue Win-Win entre le GECF et l'UE pour placer le gaz des membres qui déverse vers l'Europe et facilitent l'acheminement du gaz pour ceux qui ramènent par les voies difficiles, dépendant de l'ampleur des conflits en cours : tensions en mer Rouge, le contrôle drastique du détroit d'Ormuz. Le contournement de ses obstacles augmente le coût de transport et rend le GNL ramené de loin peu concurrentiel. Pour les autres membres observateurs, ils peuvent bénéficier en plus de cette expérience, au service du Centre de recherche et de la formation de leurs cadres pour l'entité que vient de créer le GECF en Algérie. Il faut au passage rappeler que l'UE a constaté, de visu, que l'Algérie a fait plus pour l'Europe que ce continent a fait pour lui-même, elle a dépensé ses revenus pétroliers et gaziers pour des infrastructures gazières avec 3 sorties vers l'Europe d'une capacité totale de transport de plus 80 milliards de m3 en ne comptant pas le Gazoduc Maghreb Europe (GME) fermé. 3- Que pèse le GECF dans monde ? Il est composé de 12 membres permanents et 7 observateurs. Si l'on se réfère au bulletin statistique annuel 2023 du GECF, les chiffres sur les réserves /productions/exportations en milliards de m3 pour les 19 membres se présentent comme suit : Algérie (4505/102/49,14), Egypte (2209/66,8/12,06), GuinéeEquatorial (39/8,1/5,76) Libye(1505/12,57/2,48), Nigeria (5913,4/42,10/2 5,59), Qatar (23831/210,49/132,35), Emirats Arabes Unis (8210/55,57/7,58), Iran( 33988 /262,02 /18,04), Trinité et Tobago (300/27,52//10,59), Venezuela (5541/22,31/0), Bolivie ( 3015,09/10,31), Russie (47759/ 647,33/169,91), Angola (129/5,39/4,17), Azerbaïdjan( 1917/33,23/22,67), Irak (3714/9,86/0), Malaisie (2056/ 71,77/ 410,35), Maurétanie ( 50/0/0), Mozambique (650/5,35/4,25) , Pérou (237/13,66/4,25). Si encore une fois on se réfère aux chiffres de cette organisation, on est sûr de se rapprocher de la réalité. Pourquoi ? En général, les revues et les sites spécialisés se fient à plusieurs sources et tentent de se rapprocher, parfois maladroitement. Statiscal Review of World Energy de British Petroleum qui est une référence mondiale reporte les mêmes chiffres chaque année, par manque des ajouts de reconstitution des réserves à partir des nouvelles découvertes. Tandis que le GECF obtient ses chiffres directement des responsables concernés du pays qui ne fournissent en général que les indicateurs certifiés. Partant donc de ces chiffres, les 19 pays du l'Organisation jouissent de réserves de l'ordre de 143 trillons de m3 ce qui représente près 73% des 196 trillons de m3 estimés de par le monde. Sur 143 trillons de réserves de l'Organisation, 3 pays : la Russie, l'Iran et le Qatar détiennent près 106 trillons de m3 soit 74% ce qui veut dire que 16 pays de GCEF ne participent qu'avec 26% de leur réserves dans celui de l'organisation. Pourtant dans la production du gaz naturel en trillons de m3 2023, 6 pays seulement la Russie ( 0,699), l'Iran ( 0,244), le Qatar( 0,170) , l'Algérie (0,102), la Malaisie ( 0,076), et l'Egypte( 0,062) figurent dans le Top des 12 producteurs mondiaux avec 1,4 trillon de m3. . Le reste du classement en trillons de m3 est occupé par les Etats-Unis (1,027), la Chine (0,219) le Canada (0,105) l'Australie (0,162) la Norvège (0,128) l'Arabie Saoudite (0,105) soit un total 1,856 -trillons de m3 . Pour ces deux années de guerre, il saute aux yeux que la Russie, principal acteur de l'Organisation des exportateurs qui dispose d'un pouvoir certain de négociation, est en perte de vitesse car ses parts du marché, en Europe, sont passés sous la barre des 50%. Ceci démontre clairement sa motivation dans GCEF car l'Europe diversifie son approvisionnement alors que la Russie a fortement investi dans ce continent. L'Iran qui reste un gros producteur certes, mais un petit exportateur puisqu'il a vendu seulement 18,04 milliards de m3 et a consommé près de 93% de sa production. Il s'industrialise et il n'a pas un grand avenir dans une organisation qui est censée promouvoir le gaz à l'exportation. L'Iran lui-même ne tardera pas à importer pour sa consommation interne. Le Qatar, en tant que gros exportateur de Gaz Naturel Liquéfié (GNL), n'a jamais caché sa chasse en Europe mais les difficultés de transport dues aux conflits divers l'obligent de les contourner au détriment de ses coûts qui le rendent non compétitif dans les hubs européens face à l'Australie et Schiste américain. Par son adhésion à l'agenda du GECF, il pourra trouver son compte en toute transparence. Pour le Nigeria qui semble représenter un acteur incontournable dans cette organisation, sa production commerciale est faible mais les opérateurs en exportent la moitié. A écouter la déclaration de leur ex. ministre de Pétrole Timipire Sylva, il clarifie la situation ambigüe mal interprétée des réserves de son pays. Le pays dispose actuellement de 206 trillons de pieds cubes (à peu près 6180 milliards de m³) mais dispose d'un domaine minier qui peut les faire passer à près du triple soit 600 trillons de pieds cubes (18.000 milliards de m³) pour peu que les investisseurs se mettent au travail pour les mettre en valeur. Il a donné, entre autre, une précision de taille « les compagnies qui opèrent au Nigeria sont tombées par hasard dans le gaz alors qu'elles recherchaient le pétrole. » Cette explication renvoie à deux conséquences. La première est que ce pays pourrait ne pas avoir une souveraineté sur la commercialisation du gaz qui appartiendrait aux opérateurs privés. Ensuite ce gaz et il le dit indirectement que ces opérateurs l'ont découvert par accident en recherchant le pétrole. Il ne pourrait être que du gaz associé au pétrole. La seconde et pas des moindres, ce pays recherche des investisseurs dans le même cas que Algérie pour explorer et développer son riche domaine minier. L'expérience de l'Algérie lui sera très utile dans la réforme en cours de sa législation pétrolière et réalisation effective du Tran Saharien gazoduc Pipeline (TSGP). Le choix devra être transparent pour gagner ce pari. Quant aux Emirats Arabes Unis (EAU), même s'il détient une réserve de gaz naturel appréciable, il a produit en 2023 près 56 milliards de m3 mais exporte près de 14% seulement sous forme de GNL mais semble importer du gaz naturel auprès de ses voisins pour sa consommation domestique qui figure à 69,49 milliards de m3. Probablement pour la réinjection dans l'exploitation du pétrole qui semble sa voie. Globalement, si l'on admet l'hypothèse que tout le gaz toutes formes confondues, produit est consommé, le GECF participe avec près 1616,08 milliards de m3 soit 40% de la consommation mondiale. Dans son dernier rapport, le GECF confirme les restrictions de l'Europe contre le gaz russe qui cède sa deuxième place à l'Algérie qui a fourni 19% de gaz naturel par gazoduc, classé juste après la Norvège (54) et la Russie (17%). *Economiste Pétrolier |
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