Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La facture de la migration

par Abdelkrim Zerzouri

D'où puise l'Europe l'argent pour régler la facture de l'immigration clandestine et légale ? Une facture très lourde pour gérer les situations de réfugiés et de demandeurs d'asiles, qui arrivent sur le continent pour séjourner, parfois, durant de longues années, en recevant un petit pécule qui leur permet de survivre, en sus des dépenses engagées, dans le cadre administratif, en soins de santé et dans le domaine sécuritaire (gestion des centres administratifs, prise en charge des migrants malades et salaires des personnels concernés), sans parler des lourdes enveloppes financières qu'on distribue par-ci et par-là à des pays du Sud, ainsi que certains pays européens situés aux premières loges des frontières Schengen par où passe le flux majeur des migrants, afin de renforcer la lutte anti-migratoire à leur niveau.

En tout cas, il faut imaginer que cela exige un budget énorme, se chiffrant en milliards d'euros. Mais, cela ne semble pas constituer le souci majeur de l'Europe, qui veut à tout prix bloquer l'immigration légale et illégale. C'est que les pays de l'espace Schengen font payer aux demandeurs de visas, dont une infime partie en bénéficie au bout du parcours, une partie importante de ce budget. Et ces derniers temps, on parle d'une hausse importante des frais de visas Schengen.

C'est la Commission européenne qui a soumis, le 2 février dernier, cette proposition visant à augmenter les frais de base pour un visa Schengen en 2024, et tous les pays de cet espace ont applaudi. Les experts des États membres ont soutenu la révision à une « majorité écrasante » lors de la présentation du projet d'augmentation des frais de visa, selon des comptes rendus médiatiques. Ainsi, selon cette proposition, le coût du visa, plutôt de la demande de visa puisque rien n'est garanti au bout, augmentera de 12% , passant de 80 à 90 euros pour les adultes et de 40 à 45 euros pour les enfants.

L'UE envisage également d'augmenter encore davantage les frais pour les pays faisant preuve d'une « coopération insuffisante en matière de réadmission », ou les fameux laissez-passer pour les personnes frappées d'une obligation de quitter le territoire, ce qui fait référence à l'acceptation du retour des personnes expulsées des États membres.

Un autre pays européen qui ne fait pas partie de l'espace Schengen, le Royaume-Uni, exige pour les frais de visa le paiement en devise, en sus du paiement d'une surtaxe de santé à l'immigration (Immigration Health Surcharg), qui s'élève à 624 livres sterling (470 pour les enfants et les étudiants), pour avoir accès au système de santé public pour quiconque projette un séjour de plus de 6 mois, y compris pour les Européens.

Le nombre des demandeurs de visas se chiffrant en centaines de milliers, on n'a qu'à faire la multiplication pour avoir un budget conséquent qui couvre, du moins en partie, les dépenses dans le cadre de la politique anti-migratoire, notamment face aux prévisions d'augmentation du financement de cette politique. En toute logique, donc, augmentation du financement de la lutte anti-migratoire rime avec augmentation des frais de visas.