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La Douane en mouvement

par El Yazid Dib

Le nouveau Directeur Général des Douanes ne semble pas faire de simples déclarations de mise à la consommation, ni mettre sa feuille de route en dépôt temporaire. Il s'apprête à jauger les comptes d'escale, apurer les carnets d'acquit-à-caution et délivrer l'âme de toutes les marchandises humaines en rade ou en souffrance.

Ainsi son intention manifeste d'aller, en toute franchise au fond de la boîte afin de désengorger les quais, de secouer les fauteuils, de suppléer l'agilité à la somnolence procédurale reste une œuvre de salubrité publique. Il ne peut y avoir, cependant de régime suspensif à la performance quand la maison requiert un régime de perfectionnement actif.

En somme toute son opération de dédouaner l'institution, de lui rendre l'éclat qui lui sied est tributaire de cette énergie qu'il devra puiser dans l'esprit de la grande famille douanière. Fédérer la force de tous les segments qui pivotent tout autour est à sa portée, tel un sublime Novembre rédempteur d'où il émane. Alors que dire de celles et ceux qui ne sont plus dans le pipe?

Le vieux retraité que j'ai rencontré dans le café est encore en vie. Il dit ne pas être un code définitivement fermé, ni un tarif complètement usé. Il cherche sa valeur, son harmonisation et aspire à être classé dans un chapitre de reconnaissance et de gratitude. Son implication dans la mouvance du changement demeure son adhésion à ce changement, quoique à distance. Faut pas le laisser coincé dans ses petits coins historiques ni rivé à ses repères nostalgiques dont il n'y voit que le beau temps, la prouesse et les grandes gloires.

Faut pas qu'il pense que rien n'est plus comme avant, que son époque était le temple des triomphes et de la bonne gestion.

Car à chaque époque ses tares et ses mérites, à chaque personne ses torts et ses défis. Illustrativement, je le sens toujours prisonnier de la sainte trinité Chaïbiste «formation, information, informatisation ».

Car, si peu abandonné qu'il rumine son fiel et gémit du déni de l'ailleurs. Et c'est à l'indifférence qu'il se sent voué, scellé, sans aucune main levée. Il souhaite ne pas échouer telle une épave sur les rives de la fatalité ou adjugé au plus offrant des oublis par l'ignorance d'une certaine hiérarchie. Il est devenu un reliquat d'une carrière éteinte, une dernière part saisie sur une vie déteinte.

Un retraité n'est pas fini, il n'est plus réutilisable en l'état, c'est tout. Il est là insignifiant, perdu de vue, peut-être arrogant, railleur, pâteux, gluant ou gâteux mais, il est surtout jaloux, possessif et frileusement ravi de tout ce qui fait vibrer sa famille et le fait également frissonner. Il conçoit que sa retraite n'est qu'une fin naturelle d'un contrat, pas une brusque extraction d'un livret de famille. L'on ne peut déshériter un ayant-droit d'un logis qu'il a bâti ou imaginer une maman délaisser son vieil enfant. Un petit regard, un peu d'égard ne coûtent rien. Une poignée de main, une tape sur sa frêle épaule ne vont décorer d'aucun nouveau galon ses épaulettes depuis longtemps dégarnies. C'est juste un réconfort ante mortem.