|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Depuis déjà plus d'une
semaine, le marché parallèle de la devise est en pleine effervescence. Le taux
de change de la monnaie unique européenne a ainsi dépassé la barre symbolique
des 240 dinars pour un euro, suscitant moult interrogations quant aux raisons
objectives ayant emmené à cette hausse. Une nouvelle augmentation qui creuse
encore davantage le fossé avec le cours officiel, qui reste plutôt stable avec
un taux de convertibilité établi autour des 145 dinars pour un euro.
Si la majorité des explications avancées s'accorde à relier cette valorisation de l'euro à une question d'offre et de demande, les avis divergent cependant sur les raisons ayant déséquilibré cette balance. Un petit détour par la rue Kerras Aoued au centre-ville, l'équivalent oranais du Square Port Saïd d'Alger pour son marché parallèle de la devise, nous fait tout de suite prendre la température. Des petits commerces de clé minute qui ne pas de mine y ont pullulé depuis quelques années déjà. Si en apparence ces magasins proposent des services de reproduction de clé en quelques minutes chrono, en réalité, dans les arrière-boutiques, c'est de commerce de monnaie qu'il s'agit avec tout l'arsenal du parfait cambiste : un bureau, une compteuse de billets à portée de main, et bien évidemment un coffre-fort bien à l'écart des regards trop indiscrets. Les langues ont bien du mal à se délier pour parler à la presse des raisons de cette dernière hausse des cours de l'euro. Beaucoup déclineront d'ailleurs, poliment, nos sollicitations à s'exprimer sur le sujet. Une méfiance compréhensible de la part d'une activité qui reste hautement controversée eu égard à son caractère informel, même si elle ne demande qu'à être réglementée. Les rares cambistes qui ont bien voulu se confier à nous avancent tout de même comme principale explication à cette hausse des cours de l'euro, une baisse de l'offre en devise par rapport à la demande. Une baisse, ne manquent-ils pas de préciser, «induite par des mouvements illégaux de capitaux vers l'étranger de plus en plus soutenue». En effet, des sommes importantes en devise sont sorties clandestinement chaque année du territoire par des réseaux spécialisés qui utilisent des passeurs. Ces sommes, une fois transférées à l'étranger, sont proposées, à des prix légèrement plus chers que ceux pratiqués à Oran ou à Alger, à des ressortissantes algériens contre des dinars qui sont versés par des proches à un des relais du réseau en Algérie. Ces sommes en devise sont le plus souvent achetées par ceux qu'on appelle communément les «commerçants du cabas», des petits importateurs de produits divers, principalement des effets vestimentaires. Ce stratagème permet ainsi à ces derniers de disposer de cash à l'étranger sans devoir prendre le risque de se faire épingler à leur sortie du territoire par la douane avec des sommes en devise dépassant le montant autorisé. Mais le profil des personnes intéressées par ce genre de deal ne se limite pas uniquement aux commerçants du cabas. Ça peut intéresser également des gens qui veulent acquérir des véhicules ou des biens immobiliers. Pour avoir une idée approximative sur l'ampleur de ces transferts illégaux des capitaux, on peut s'appuyer sur les chiffres communiqués par la Direction Générale des Douanes (DGD). En effet, et dans le cadre de la répression des contraventions à la législation et à la réglementation relatives au mouvement des capitaux de et vers l'étranger, les services des douanes ont saisi rien que durant les neuf premiers mois de l'année 2023 (du 1er janvier au 30 septembre) l'équivalent de plus d'un million d'euros en monnaie étrangère, dont 768.217 euros, 58.500 USD. Pour ce qui est des autres raisons avancées pour expliquer cette hausse de l'euro, il y aussi l'augmentation du nombre de candidats à la Omra en prévision de la période du mois de Ramadan et tout ce que cette communauté exige comme besoin en devise pour effectuer ce rite. Une raison à laquelle il faut ajouter celle de toute la demande en devise devant financer l'importation de tout ce qui est habillement à l'occasion de l'Aïd. Mais pour certains observateurs, toutes ces explications ne servent en fait qu'à justifier une hausse des cours qui n'a en réalité «aucune raison d'être objective à part celle de maximiser les gains de ceux qui sont au contrôle de ce marché». Comme preuve, on soutient que «ces hausses sur le marché parallèle de la devise s'opèrent de manière régulière et systématique, depuis une dizaine d'années et n'ont aucun caractère conjoncturel». Pour ces mêmes observateurs, «seule la création de bureaux de change agréés et régulés par les services financiers de l'État est à même d'apporter la transparence et la stabilité escomptés pour ce marché». |
|