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Le vintage, un cycle du temps

par Sid Lakhdar Boumédiene

La mode s'est soudainement installée, les ventes explosent et les sites de vintage sont florissants. Si la partie la plus visible est le secteur du vêtement, le phénomène est présent dans biens d'autres comme le design du mobilier. Le vintage consiste en un retour à des styles anciens. C'est assez troublant de voir des étudiants des années 2000' avec nos vêtements des années 70'.

On a l'impression de revoir tous nos camarades de lycée, dans la première partie des années 70'. En fait, nous connaissions tous depuis longtemps les retours incessants de la mode. Mais lorsque le retour concerne sa propre vie antérieure, c'est la marque du temps qui égrène les décennies. Comme un chapelet qui repart pour un tour.

C'est tout à fait surprenant que les habits, les meubles ou les musiques que nous trouvions ringards juste après que la mode en soit passée, les jeunes générations leur trouvent maintenant un attrait.

Le mot et les expressions différent, du « rétro » à « vintage », nous en avions connu d'autres comme le « surplus américain ». Pour ce dernier, il y avait bien longtemps que le stock laissé par les Américains venus en Europe et en Afrique du Nord s'était épuisé. Dans le vintage comme dans tant d'autres choses le marketing sait s'arranger avec le temps.

Quelle est cette philosophie qui pousse la mode à revenir incessamment aux périodes passées ?

Il faut immédiatement écarter le sentiment de nostalgie. Elle est un ressenti pour l'ancienne génération qui a vécu la période de cette mode, pas pour les nouvelles. Ne dites surtout pas à ces jeunes qu'ils s'habillent comme leurs parents ou grands-parents pour certains.

Même s'ils le savent, leur certitude est que cette mode leur appartient, pour le goût comme pour l'époque.

Il y a d'autres raisons dans l'analyse sociologique de ce phénomène. Le premier est le même que celui que notre génération a connu, soit le désir de se distinguer de la multitude, notamment des plus âgés que nous appelions « les vieux ».

C'est une attitude constante des adolescents qui traverse toutes les générations. Mais il y a cependant une différence notoire, nos habits « branchés » des années 70' étaient très chers comme le sont tous les produits de mode. Les études sociologiques récentes font apparaître que les jeunes actuels sont attirés par les prix beaucoup plus attractifs du vintage. Ils sont comblés dans leur envie de se distinguer tout en profitant de l'accessibilité financière.

Car, si nous excluons les fabrications industrielles du moment, ces habits se retrouvent très souvent dans un circuit de « secondes mains ». Les générations passées se sentaient déclassées en se rendant dans les friperies. Ce n'est plus le sentiment des générations actuelles qui privilégient les secondes mains, car elles ont conscience de l'impérative nécessité de réduire le gaspillage par leur combat pour l'écologie. (La seconde main ne concerne pas spécialement le vintage mais elle y contribue).

Nous n'avions aucun de ces sentiments. Si l'éternel retour de la mode est certain, il n'a donc pas la même explication pour chaque génération qui l'adopte.

La dernière explication est plus prosaïque (moins rêvée) lorsque la mode vintage est le fait des créateurs modernes. Car il n'y a pas trente-six façons de designer un col de chemise ou la coupe d'une robe. L'inspiration a ses limites, il faut alors la retrouver dans le passé.

Mais le retour dans le temps a une limite. On ne s'imagine pas retrouver, à de rares exceptions excentriques, la mode des gentilshommes de la cour de Versailles. Alors, le tour temporel ne peut s'effectuer que dans le délai de deux générations au plus.

Et c'est pour cela que je suis stupéfait de retrouver les camarades du Lycée des Palmiers, car c'est justement le délai du retour de la boucle temporelle. C'est pour nous la marque des décennies qui se sont écoulées sans qu'on s'en rende compte.

On peut malgré tout regretter que le vintage ne concerne que les vêtements et objets, pas les êtres humains. Un clic sur un site de vente et la machine de téléportation de Monsieur Spock nous aurait ramenés vers notre jeunesse.

Mais sans le pull qui gratte des années 70', s'il vous plaît !