Curieuse est cette lourde appréhension envahissant le mental de la population à l'approche du Ramadan ! Il n'est pas encore là, qu'à entendre les craintes, les plaintes et les commentaires pléthoriques sur un mois, qui tout compte fait est identique aux autres, on est enclin à croire que l'arrivée d'un ogre est annoncée. Un branle-bas de combat est lancé pour croit-on se prémunir d'une famine qu'un marché en feu amplifierait alors que les étalages soulignent de jour en jour une assurance programmée.

Le premier souci est braqué sur la boustifaille pour dénaturer la sacralité d'une foi censée rétablir ou renforcer l'heureuse conscience pour que chacun fasse le bilan d'un bout de vie. Nombreux sont ceux qui se félicitent d'entreprendre cet exercice qui n'a d'épreuve que celle de juger son propre soi. C'est là le réel sens de trente jours sacrés. Ils ne sont sacrés que parce qu'ils mettent chacun face à lui-même pour l'évaluation de son existence et lui permettent d'évaluer le degré de sa dignité d'homme.

Alors à côté de l'aubaine offerte par ce court voyage spirituel, les complaintes sur le pois chiche, les haricots, les viandes, les fruits et légumes ne sont que des larmoiements assombrissant ce qui peut être déifié en chacun. La grandeur et la dignité ne se pèsent pas sur les balances des commerçants. Elles ne se consacrent pas non plus dans la charité pour se laisser croire que celle-ci efface les péchés. La solidarité est une chose, le jugement de soi par soi en est une autre plus profitable et mieux productive. La tricherie serait de considérer le jeûne comme une contrainte alors qu'il est évaluation de ce que l'on est et ce que l'on doit être. Jeûner n'est pas un exercice d'apparat pour se conformer à des règles communes, mais une halte pour un bilan et une confrontation spirituelle avec soi pour se juger et mesurer sa hauteur dans une existence partagée avec une société dans laquelle on vit.