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L'argument commercial

par Abdelkrim Zerzouri

L'interdiction d'entrée en Algérie des marchandises ayant transité par des ports marocains, effective depuis la mi-janvier 2024, a été liée aux relations tendues entre les deux pays, selon certains commentaires, qui y voient une continuité logique du non-renouvellement du contrat d'exploitation du Gazoduc Maghreb-Europe (GME) suite à son expiration le 31 octobre 2021. Ces relations tendues sont, certes, à l'origine de plusieurs décisions, dont la fermeture de l'espace aérien de l'Algérie aux avions marocains, mais il y a également d'autres raisons qui ont amené les autorités algériennes à prendre cette dernière décision concernant l'interdiction d'entrée des marchandises qui transitent par des ports marocains. Il y a lieu de noter dans ce contexte que l'Algérie avait toute la latitude souveraine de prendre cette décision bien avant 2024, soit en même temps que celles qui l'ont précédée, où les autorités algériennes ont publiquement indiqué que cela fait suite aux actes hostiles du Maroc contre l'Algérie. La décision découle-t-elle beaucoup plus de considérations purement commerciales et sécuritaires ?

Par le passé, les ports algériens étaient engloutis dans un marasme indescriptible, tout autant que les grands projets portuaires qui sont restés bloqués durant une décennie, plaçant l'Algérie dans une position inconfortable sur le plan des capacités logistiques de ses ports, mais le coup d'accélérateur donné par le gouvernement algérien dans ce domaine, dès 2021, a permis de voir l'avenir d'une autre façon, soit de s'affirmer comme un acteur majeur dans ce domaine sensible de la logistique portuaire. En sus de l'extension du port de Djendjen, qui a la plus grande capacité de tous les ports du pays, et qui devrait lui permettre de jouer des rôles d'un nouveau hub méditerranéen, et le projet du port du centre-Cherchell, dont la première phase sera livrée l'année prochaine, ainsi que la réalisation et la livraison d'un terminal à conteneurs au niveau du port d'Oran, le dragage de trois ports à Marsa Ben M'hidi (Tlemcen), Port mixte (Dellys) et Azeffoun (Tizi Ouzou), le confortement du poste P2 au port d'Arzew, la protection et l'aménagement du rivage du boulevard du front de mer de la ville de Jijel et le dragage de 11 ports, donnent à l'Algérie de nouveaux arguments pour imposer sa vision, purement commerciale, des activités portuaires dans la Méditerranée. Et qu'importe si d'autres ports doivent en subir les contrecoups à travers les augmentations des taux de fret, c'est la loi de la concurrence. Aucun pays n'a offert de cadeau à l'Algérie, si on n'a pas tout fait pour maintenir ses ports à l'état archaïque. Sur un autre plan, la question de la sécurité n'est pas à négliger. Des cargos transitant par des ports marocains avant de jeter l'ancre dans des ports algériens laissent ouverte la porte à tous les trafics, particulièrement le trafic de drogue, le Maroc étant réputé sur ce registre.